Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Mammouth transport France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sogex a chargé la Société commerciale de transports transatlantiques (SCTT), en qualité de commissionnaire de transport, d'organiser le déplacement de matériels fournis par la société Achille Coupas et destinés à un chantier en Arabie saoudite ; que la SCTT s'est adressée à la société Mammoet Shipping, dont l'agent en France est la société Mammouth transport France (le transporteur maritime), pour effectuer sur le navire " Happy Buccaneer " la partie maritime du déplacement entre le port d'Eleusis (Grèce) et celui de Yanbu' (Arabie saoudite) ; que des connaissements ont été émis à l'ordre de l'Arab National Bank (la banque), qui avait ouvert un crédit documentaire pour le paiement de la société Achille Coupas ; qu'à l'arrivée du navire à Yanbu' la société Rigging International (société Rigging), à qui l'exécution de la partie terrestre finale du transport avait été confiée, a réclamé les matériels à la société Alatas Agencies (société Alatas), consignataire du navire, mais sans pouvoir produire les connaissements ; que, sur l'ordre du transporteur maritime, la société Alatas a cependant remis les marchandises à la société Rigging après que celle-ci, d'ordre de la SCTT, lui eut signé une lettre par laquelle elle la garantissait " de toutes réclamations qui pourraient être formulées du fait de ladite livraison de telle sorte qu'Alatas Agencies n'ait à subir, de ce chef, aucun dommage de quelque nature que ce soit " ; que cet engagement a été réitéré par la SCTT elle-même ; que la banque ayant ensuite refusé de régler les équipements à la société Achille Coupas, celle-ci a obtenu des juridictions grecques sa condamnation pour refus injustifié de paiement ; que la banque, porteur des connaissements, a alors saisi les juridictions saoudiennes d'une demande tendant à se faire rembourser le montant du crédit par la société Alatas, en invoquant la faute qu'elle avait commise en délivrant la marchandise en l'absence de connaissement ; que la société Alatas a assigné, devant les juridictions françaises, la SCTT et le transporteur maritime, afin d'être garantie par eux des condamnations à intervenir en Arabie saoudite ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 189 bis du Code de commerce ;
Attendu que la lettre par laquelle son signataire garantit le transporteur maritime, ou le consignataire du navire, des conséquences dommageables pour eux d'une livraison irrégulière faite sans remise du connaissement, consacre un engagement indépendant du contrat de transport ; qu'il en résulte que l'action exercée, sur le fondement exclusif d'une telle lettre de garantie, par son bénéficiaire à l'encontre du signataire, celui-ci fût-il le commissionnaire ayant conclu le contrat de transport maritime, est soumise, non à la prescription annale du droit des transports, mais à la prescription commerciale de droit commun ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action exercée par la société Alatas à l'encontre de la SCTT, l'arrêt retient que la lettre de garantie, souscrite par celle-ci, l'a été " pour permettre au transporteur de livrer la marchandise sans remise des connaissements " ; qu'elle est donc " dépendante du contrat de transport " et que l'action du consignataire, mandataire du transporteur, à l'encontre du commissionnaire, partie au contrat de transport, relève nécessairement de ce dernier contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 189 bis du Code de commerce ;
Attendu que, par les motifs déjà exposés, l'arrêt a également déclaré prescrite l'action exercée par la société Alatas à l'encontre du transporteur maritime ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action par laquelle le consignataire du navire, personnellement assigné pour avoir délivré une marchandise sans remise du connaissement, demande au transporteur maritime d'assumer à son égard les conséquences résultant des instructions qu'il lui a données d'effectuer la livraison contre remise d'une simple lettre de garantie, a pour fondement, non le contrat de transport, mais le mandat salarié qui existe entre eux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.