Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., épouse Y..., s'est fait établir un chèque de banque d'un montant de 100 000 francs, prélevé sur son compte en banque ; que ce chèque a été remis par son époux, M. Y..., à la Caisse d'épargne et de prévoyance de Strasbourg, qui en a inscrit le montant sur le compte de la société Quintus, dirigée par lui ; qu'après la mise en redressement judiciaire de cette société, Mme Y... a engagé une action en responsabilité contre la caisse d'épargne, lui reprochant d'avoir encaissé le chèque au profit d'un tiers, bien qu'elle en fût elle-même la bénéficiaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 65-1 du décret du 30 octobre 1935 ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y..., l'arrêt retient que l'inscription du montant du chèque litigieux sur un autre compte que celui de la bénéficiaire indiquée est établie, mais que la caisse d'épargne n'a pas pour autant commis une faute caractérisée, dès lors qu'elle a pu considérer que M. Y... pouvait être tenu comme le mandataire de son épouse ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un chèque portant la mention de sa transmissibilité au seul profit d'une banque, d'une caisse d'épargne ou d'un établissement assimilé ne peut être encaissé par celui-ci, qu'en vue de la remise de son montant au bénéficiaire du chèque, sauf le cas où cet établissement l'a reçu en paiement d'une somme due à lui-même, et alors que ni le bénéficiaire du chèque ni son mandataire ne peut ordonner que son montant soit directement remis à un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y..., l'arrêt retient également qu'elle ne justifie pas d'un préjudice, dès lors que tout porte à croire que Mme Y... avait bien l'intention de remettre la somme de 100 000 francs à son époux, pour en créditer le compte de la société en difficulté dont la communauté était actionnaire majoritaire ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure toutes chances d'une renonciation par Mme Y... à l'opération évoquée, si la banque avait refusé son exécution par le procédé irrégulier, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence totale de préjudice et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.