REJET des pourvois formés par :
- X... Jean,
- Y... Micha,
- Z... Lucie, épouse A...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 14 décembre 1995, qui, pour exportations en contrebande de marchandises non prohibées, les a respectivement condamnés à 51, 213 et 36 amendes de 1 000 francs.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
1. Sur le pourvoi de Lucie Z... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
2. Sur les pourvois de Jean X... et Micha Y... :
Vu le mémoire produit, commun aux deux demandeurs, et le mémoire en défense :
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que des entreprises de confection de la région parisienne ont fourni pendant plusieurs années de la marchandise à des commerçants bruxellois, en leur livrant une partie de celle-ci sans factures, et qu'ils ont utilisé à cette fin les services de deux transporteurs qui ont accepté d'acheminer la marchandise correspondante par des itinéraires éludant son passage en douane, les lots facturés faisant seuls l'objet d'un dédouanement ;
Que transporteurs et fournisseurs ont été poursuivis, sur le fondement de l'article 412 du Code des douanes, les premiers pour exportations en contrebande de marchandises non prohibées, les seconds comme " adhérents " à la fraude ;
En cet état,
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 512, 485 et 593 du Code de procédure pénale, 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur l'action douanière, a dit que l'erreur matérielle constatée par l'ordonnance de renvoi ne fait pas grief aux prévenus qui ont été inculpés et auditionnés pour des faits d'importation et non d'exportation et a condamné les demandeurs à une série d'amendes de 1 000 francs ;
" alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; qu'aux termes de l'ordonnance de renvoi elle-même conforme au réquisitoire définitif, Jean X... et Micha Y... étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir " adhéré aux faits d'importation en contrebande de marchandises ni prohibées ni fortement taxées reprochés à Vincent B..., Patrick C..., Eddy D..., André E... et Didier F... ; que la citation visait de même l'infraction d'adhésion à des faits d'importation en contrebande et que les demandeurs n'ayant accepté ni de comparaître volontairement, ni de s'expliquer sur des faits d'exportation distincts dans leurs éléments constitutifs des faits d'importation visés par la prévention, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu les droits de la défense " ;
Attendu que les deux demandeurs aux pourvois ont fait valoir devant les juges du fond que la procédure n'était pas régulière, l'ordonnance de renvoi leur reprochant d'avoir adhéré à des " importations " en contrebande, alors qu'ils étaient étrangers à toute opération de cette nature ;
Attendu que, pour déclarer la procédure régulière, la cour d'appel énonce, par motifs propres ou adoptés des premiers juges, que l'erreur de plume alléguée n'avait pas porté atteinte aux droits de la défense, les intéressés connaissant, notamment par les procès-verbaux de douanes qui leur avaient été notifiés, la nature des faits qui leur étaient reprochés et ayant toujours été en mesure de se défendre sur ce point ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé les dispositions pénales du jugement et les dispositions relatives à l'action douanière ;
" aux motifs que par des motifs exempts d'insuffisance et que la Cour en conséquence adopte, que les premiers juges, après avoir exposé les faits, analysé la notion d'adhésion à la fraude et les éléments de preuve, se sont prononcés affirmativement sur la culpabilité des prévenus ;
" alors que le juge correctionnel ne saurait, en raison du caractère mixte, pénal et fiscal, des amendes douanières, prononcer de telles amendes sans constater préalablement la culpabilité des prévenus ; que les premiers juges ne s'étaient pas prononcés sur la culpabilité des demandeurs ; que leur décision ne satisfaisait pas en conséquence aux conditions essentielles de son existence légale et que dès lors, en omettant comme l'article 520 du Code de procédure pénale lui en faisait l'obligation, d'annuler leur décision, d'évoquer et de statuer par motifs propres, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 111-3 du nouveau Code pénal, 6. 1 et 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé des amendes douanières à l'encontre des demandeurs poursuivis pour adhésion aux faits d'importation en contrebande de marchandises ni prohibées, ni fortement taxées reprochés à Vincent B..., Patrick C..., Eddy D..., André E... et Didier F... ;
" aux motifs, repris des premiers juges, que la notion d'intérêt à la fraude prévue à l'article 399 du Code des douanes est limitée au délit ; qu'en effet, le paragraphe 1 de ce texte édicte " ceux qui ont participé comme intéressés d'une manière quelconque à un délit de contrebande ou à un délit d'importation ou d'exportation sont passibles des mêmes peines que les auteurs de l'infraction et outre des peines privatives de droits édictées à l'article 432 du Code des douanes " ; que toutefois la jurisprudence a estimé que l'adhésion à la fraude est aux contraventions douanières ce que la notion de complicité est aux délits de douane, cette similitude étant d'ailleurs renforcée par l'article 407 du Code des douanes qui prévoit que les adhérents sont comme les complices, solidaires et contraignables par corps pour le paiement de l'amende des sommes tenant lieu de confiscation et des dépens ;
" alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que ce principe essentiel aux droits de la défense qui est repris dans sa substance à l'article 6. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est applicable lorsque l'infraction poursuivie est punie, comme en l'espèce, d'amendes douanières puisque celles-ci ont un caractère mixte à la fois pénal et fiscal et que la notion d'adhésion à la fraude n'étant pas définie par le Code des douanes, ne peut légalement servir de base à des condamnations douanières " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 407 du Code des douanes, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé des amendes douanières à l'encontre des demandeurs prétendument poursuivis pour adhésion à des faits d'exportation en contrebande de marchandises ni prohibées ni fortement taxées ;
" alors que l'arrêt attaqué qui s'est limité à adopter les motifs du jugement déféré qui ne constatait aucun des éléments du délit poursuivi à l'encontre des prévenus, encourt la censure de la Cour de Cassation " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Jean X... et Micha Y... ont également fait valoir que la procédure manquait de base légale, l'adhésion à la fraude n'étant pas réprimée par le Code des douanes et l'intérêt à la fraude ne s'appliquant qu'aux délits, non aux contraventions ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus, la cour d'appel énonce, par motifs propres ou adoptés des premiers juges, que, si les dispositions de l'article 399 du Code des douanes réprimant l'intérêt à la fraude ne s'applique qu'aux délits, il n'en demeure pas moins " que l'adhésion à la fraude est aux contraventions douanières ce que la notion de complicité est aux délits de douane " et " que cette similitude est renforcée par l'article 407 de ce Code, qui prévoit que les adhérents sont, comme les complices, solidaires et contraignables par corps pour le paiement des amendes et confiscations " ;
Attendu, en cet état, que, si c'est à tort que les juges ont cru devoir prononcer ainsi, alors qu'en matière de contravention douanière, seules les personnes limitativement énumérées aux articles 392 à 397 du Code des douanes savoir les détenteurs, capitaines de navires, déclarants, commissionnaires en douane agréés et soumissionnaires peuvent voir leur responsabilité pénale engagée, l'arrêt n'encourt cependant pas la cassation, dès lors qu'il ressort des propres constatations des juges du fond que les prévenus étaient les détenteurs de la marchandise de fraude, au sens de l'article 392 précité, et, comme tels, responsables de celle-ci ;
Qu'en effet, en application de l'arrêté ministériel du 24 décembre 1966, pris pour l'application des articles 86 et 392 du Code des douanes, et du règlement 3632/ 85/ CEE du 12 décembre 1985, les détenteurs s'entendent des personnes qui, procédant à l'importation ou à l'exportation d'une marchandise, doivent effectuer la déclaration en détail de celle-ci ; qu'en vertu de l'article 4 de ce texte, les expéditeurs ou destinataires réels de la marchandise en sont réputés détenteurs ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.