REJET du pourvoi formé par :
- X... François,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 15 mai 1996, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 230-2, L. 233-1 et L. 263-2 du Code du travail, 319 et 320 de l'ancien Code pénal, L. 121-1 et L. 222-19 du nouveau Code pénal, 1er de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de coups et blessures involontaires et omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de manière à garantir la sécurité des travailleurs ;
" au motif qu'il n'est pas contesté par François X... que bénéficiant d'une délégation régulière de la direction de la société, il était responsable pénal de l'établissement de la société au Brézet, à Clermont-Ferrand, dans l'enceinte duquel s'est produit l'accident ;
" 1° alors qu'aux termes de l'article 112-1 du nouveau Code pénal, les lois pénales nouvelles qui modifient une incrimination dans un sens favorable au prévenu s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée ; que la loi n° 96-393 du 13 mai 1996 qui modifie l'alinéa 2 de l'article 121-3 du nouveau Code pénal prévoit qu'il n'y a point de délit d'imprudence si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu le cas échéant de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que compte tenu de ces dispositions nouvelles publiées au Journal officiel le 14 mai 1996, c'est-à-dire postérieurement aux débats, la cour d'appel avait l'obligation de rouvrir ceux-ci pour permettre au prévenu de faire valoir le fait justificatif édicté par la loi pénale nouvelle et que faute d'y avoir procédé, la cour d'appel a méconnu les dispositions d'ordre public de l'article 112-1 du nouveau Code pénal et a privé François X... du droit au procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" 2° alors qu'en se bornant à faire état de la délégation de pouvoir dont bénéficiait le prévenu sans s'expliquer in concreto sur les pouvoirs et les moyens dont il disposait et sur le caractère normal ou anormal des diligences qu'il avait accomplies au regard de ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'alors qu'il circulait à pied sur une " aire de chargement et de déchargement ", dépendant d'une agence de la société Transports Nicolas, un chauffeur de cette société a eu deux membres broyés par la roue d'un " enjambeur ", engin de très grandes dimensions et pesant plusieurs dizaines de tonnes, à l'aide duquel était effectué le chargement de son camion par un autre salarié de l'entreprise ; qu'à la suite de ces faits, François X..., directeur de l'agence, a été cité devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ces chefs, la cour d'appel énonce que, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, il n'a pas pris les mesures de prévention qu'imposait le " caractère particulièrement dangereux des manoeuvres des enjambeurs " dont les conducteurs ne peuvent voir ni entendre ce qui se passe au sol ; que les juges relèvent que les consignes édictées afin d'éviter la circulation des piétons durant ces manoeuvres étaient insuffisantes, aucune procédure ne permettant aux conducteurs des engins de s'assurer que les chauffeurs descendus de leurs camions durant les opérations de chargement ou de déchargement avaient quitté l'aire de manoeuvre ; que les juges ajoutent que les consignes, insuffisantes par elles-mêmes, étaient en outre, comme le révélaient les circonstances de l'accident, ignorées et fréquemment transgressées en l'absence de contrôle de leur application effective ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes légaux et conventionnels visés au moyen, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu, titulaire d'une délégation de pouvoirs et pourvu, comme tel, de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission concernant le respect des règles de sécurité au sein de l'établissement, n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient de ce chef au sens de l'article 121-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996, lequel n'institue aucun fait justificatif ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 a et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 111-3 du nouveau Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'omission de prendre les mesures nécessaires et d'aménager les lieux de travail de manière à garantir la sécurité des travailleurs ;
" alors que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que l'article L. 230-2, alinéa 1 du Code du travail a été introduit dans la législation interne par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 ; que cette loi se borne à transposer les directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail, lesquelles, édictées en termes très généraux, nécessitent de la part des états membres des mesures législatives ou réglementaires d'application et que dès lors le texte de l'article L. 230-2 précité qui se borne à énoncer une obligation de résultat en tant que telle indéfinie à la charge des chefs d'établissement ne peut servir de base à une incrimination pénale en vertu du principe ci-dessus énoncé " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, le demandeur n'a pas été déclaré coupable d'une infraction à l'article L. 230-2 du Code du travail, dont les dispositions ne sont pas pénalement sanctionnées, mais uniquement pour infraction à l'article L. 233-1 de ce Code et pour blessures involontaires ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.