Statuant tant sur le pourvoi principal des sociétés BP Chemicals et autres que sur les pourvois incidents de la société Geogaz Lavera et du Port autonome de Marseille ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident de la société Geogaz Lavera et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident du Port autonome de Marseille, qui sont rédigés en termes identiques, réunis :
Vu les articles 11-1 et 14 de la convention de Londres du 19 novembre 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, ensemble les articles 62, alinéa 2, et 63, alinéa 2, du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer ;
Attendu qu'il résulte du premier des textes susvisés que si le fonds de limitation de sa responsabilité qu'un propriétaire de navire peut constituer doit obligatoirement comprendre, outre le montant correspondant à la limite de responsabilité en cause, les intérêts de cette somme courus depuis la date de l'événement donnant naissance à la responsabilité jusqu'à celle de la constitution du fonds, aucune disposition de la convention internationale n'exclut que la somme ainsi calculée produise elle-même intérêts, suivant ce que décide la loi du lieu de la constitution du fonds à laquelle l'article 14 du Traité renvoie ; qu'il résulte des deux derniers textes susvisés que, quelle que soit la forme de la constitution du fonds, il porte de plein droit intérêt au profit des créanciers ; que, dans le cas où le fonds est représenté, non par un versement en espèces, mais par une caution solidaire ou une autre garantie, cette sûreté, dont les produits grossissent également le fonds, doit, en conséquence, garantir le paiement aux créanciers des intérêts au taux légal de la somme correspondant à la limite de responsabilité dès la constitution du fonds ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le navire " Multitank Arcadia ", appartenant à M. X... et aux sociétés Partenreederel Multitank Arcadia et CF Ahrenkiel Ship Management Cyprus Ltd (les propriétaires du navire), a heurté un appontement du terminal pétrolier du port de Lavera, occasionnant divers dommages aux ouvrages des demandeurs aux pourvoi principal et incidents (les créanciers) ; que les propriétaires du navire ayant fait constater par ordonnance du président du tribunal de commerce la constitution d'un fonds de limitation de leur responsabilité au moyen d'une caution fournie par la banque Monte dei Paschi di Siena (la banque), les créanciers ont contesté son montant, en l'absence de toute disposition prévoyant que ce fonds produirait intérêts ;
Attendu que, pour débouter les créanciers de leur réclamation, l'arrêt retient, d'un côté, que le fonds a été constitué en conformité des dispositions de la convention de Londres et, d'un autre côté, " qu'un cautionnement ou une garantie autonome ne peuvent, en raison de leur nature de sûreté personnelle, être eux-même productifs d'intérêts " et que l'article 63, alinéa 2, du décret du 27 octobre 1967 doit être interprété en ce sens que les intérêts ne sont dus " qu'à partir de l'appréhension du fonds de limitation par le liquidateur jusqu'au paiement à chaque créancier du dividende qui lui revient " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident du Port autonome de Marseille :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit, par confirmation de la décision entreprise, que le fonds de limitation ne devait pas produire d'intérêts depuis sa constitution, l'arrêt rendu le 23 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.