Attendu qu'à la suite de grèves et occupations d'usine survenues en 1983-1984 à la société Potez Aéronautique d'Aire-sur-Adour, la direction a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de sept salariés protégés dont Mme X..., M. Z... et M. Y... ; que la décision de refus d'autorisation de l'Inspecteur du Travail a été annulée par le tribunal administratif de Pau les 16 juillet 1985 et 26 mai 1987 ; qu'à la suite d'une nouvelle demande d'autorisation accordée le 3 septembre 1987, le licenciement de Mme X..., et MM. Z... et Y..., a été prononcé le 8 septembre 1987 ; que le Conseil d'Etat a rejeté, par arrêts du 7 février 1992, les recours formés contre les jugements du tribunal administratif de Pau des 16 juillet 1985 et 26 mai 1987 puis a annulé, par arrêt du 13 mai 1992, la décision du 3 septembre 1987 autorisant le licenciement de Mme X..., et MM. Z... et Y... ; que ces derniers, à la suite de l'arrêt du 13 mai 1992, ont présenté une demande de réintégration à leur employeur qui l'a refusée ; que l'employeur, après avoir obtenu l'autorisation du ministre des Affaires sociales le 22 décembre 1992, a prononcé leur licenciement le 6 janvier 1993 ; que dans l'intervalle, Mme X..., et MM. Z... et Y... ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration et en paiement d'indemnités ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de constatation de la nullité de son licenciement en raison de l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 mai 1992 et en versement d'une somme par application des articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail, et de sa demande subsidiaire à la condamnation de la société Potez à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que, d'une part, le salarié protégé dont la décision d'autorisation de licenciement a fait l'objet d'une annulation définitive a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai de deux mois de la notification de la décision d'annulation, ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire, que la cour d'appel qui tout en constatant que l'autorisation de licenciement du 3 septembre 1987 sur le fondement de laquelle l'employeur avait licencié Mme X... le 8 septembre suivant, ainsi que la décision ultérieure du ministre des Affaires sociales rapportant cette décision et lui substituant une décision d'autorisation, ont été annulées, rejette néanmoins les demandes de la salariée aux prétendus motifs que la gravité de la faute aurait été caractérisée par des arrêts du Conseil d'Etat du 7 février 1992, qui avaient décidé qu'elle avait commis des fautes suffisamment graves pour justifier son licenciement, a violé les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ; et alors, d'autre part, qu'en énonçant que Mme X... ne pouvait se prévaloir des dispositions de la loi d'amnistie, la décision de la licencier ayant été antérieurement exécutée, tout en relevant que le Conseil d'Etat avait, par son arrêt du 13 mai 1992, annulé la décision d'autorisation de l'inspecteur du Travail du 3 septembre 1987 sur le fondement de laquelle elle avait été licenciée le 8 septembre 1987 suivant, la cour d'appel a violé les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail et les articles 14 et 15-1 de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le Conseil d'Etat, par l'arrêt du 13 mai 1992, a annulé l'autorisation donnée au licenciement de la salariée au motif qu'elle n'avait plus la qualité de salariée protégée quand cette autorisation a été accordée, ce dont il résultait que le licenciement prononcé le 8 septembre 1987 qui n'avait pas à être soumis à autorisation n'était pas nul, la cour d'appel qui a constaté que le licenciement de la salariée était devenu effectif antérieurement à la prise d'effet de la loi d'amnistie a, sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifé sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier et le troisième moyen réunis :
Vu les articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ;
Attendu que, selon ces textes, l'annulation par le juge administratif d'une décision de l'Inspecteur du Travail ou du ministre compétent autorisant le licenciement d'un salarié protégé emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; que, lorsque l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, ou à l'expiration de ce délai dans le cas contraire ;
Attendu que, pour débouter MM. Z... et Y... de leurs demandes tendant à ce qu'il soit constaté la nullité des licenciements intervenus le 8 septembre 1987 en raison de l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 mai 1992 et à ce qu'il leur soit versé une somme par application des articles L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail, y inclus pour la période comprise entre leur demande de réintégration consécutive à l'annulation de la décision de l'Inspecteur du Travail autorisant leur licenciement par un arrêt du Conseil d'Etat du 13 mai 1992 et leur licenciement le 6 janvier 1993 à la suite d'une nouvelle autorisation de licenciement par décision ministérielle du 22 décembre 1992, la cour d'appel énonce que restent valables les appréciations du Conseil d'Etat dans ses arrêts du 7 février 1992 sur la gravité des fautes commises, que le 9 mars 1989 le conseil de prud'hommes en départition, à l'occasion de la demande de réintégration formée par les appelants avait même été plus loin et reconnu à ces faits le caractère de faute lourde, que ce jugement devenu définitif est passé en force de chose jugée et la qualification de faute lourde ne peut plus être remise en cause, d'autant plus qu'elle a été expressément reprise par le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle dans ses décisions du 2 décembre 1992 autorisant le licenciement de MM. Z... et Y... et que l'autorité judiciaire ne saurait sans enfreindre le principe de la séparation des pouvoirs formuler une appréciation différente ; que la sanction du refus de réintégration ne se concevrait que si le Conseil d'Etat avait annulé les décisions administratives pour des raisons de fond, que tel ne fut pas le cas, que le Conseil d'Etat n'a pas annulé l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du Travail parce qu'il l'estimait injustifiée mais parce qu'elle était insuffisamment motivée, que selon les articles qui la prévoient l'indemnisation du refus de réintégration suppose un préjudice subi et, pour la raison déjà indiquée, que l'autorité judiciaire ne peut sans contrevenir au principe de la séparation des pouvoirs rendre une décision contraire à une décision administrative, qu'il n'était pas concevable que le conseil de prud'hommes ou aujourd'hui la cour d'appel décide que MM. Z... et Y... auraient dû être réintégrés, ne fut-ce que quelques jours ou même quelques mois, dans l'entreprise après le 19 juin 1992, alors que le 22 décembre 1992 le ministre compétent a décidé que les faits commis en 1983-1984 étaient constitutifs de faute lourde, qu'ils justifiaient dès l'origine le licenciement des salariés même protégés et qu'ils interdisaient leur réintégration malgré la loi d'amnistie ;
Attendu, cependant, d'une part, que l'annulation par le juge administratif d'un refus d'autorisation de licencier ne vaut pas autorisation de licencier ; d'autre part, qu'une autorisation administrative de licencier, délivrée postérieurement à l'annulation par le juge administratif d'une précédente autorisation, ne peut avoir pour effet de régulariser a posteriori le licenciement prononcé sur la base de l'autorisation annulée et tenir en échec le droit à réintégration que le salarié tient de l'annulation par le juge administratif de la précédente autorisation ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants tirés des décisions du Conseil d'Etat du 7 février 1992 et de la nouvelle autorisation administrative de licencier en date du 22 décembre 1992, et alors qu'il résultait de ses énonciations, d'une part, que l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du Travail en date du 3 septembre 1987, sur le fondement de laquelle les salariés avaient été licenciés le 8 septembre suivant, avait été annulée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 mai 1992, d'autre part, que les salariés avaient demandé, le 19 juin 1992 leur réintégration, en sorte qu'ils étaient fondés à obtenir une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre leur licenciement et le nouveau licenciement prononcé le 6 janvier 1993, à défaut de réintégration par l'employeur dans l'intervalle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de MM. Z... et Y..., l'arrêt rendu le 10 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.