Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société civile immobilière Les Fjords (la SCI) a, le 15 avril 1990, donné à bail à la société Microsoft France (la société Microsoft), des locaux à usage de bureaux, le contrat stipulant que la société Microsoft bénéficierait pendant la première période biennale d'une faculté de résiliation pour le 15 avril 1991 et le 15 octobre 1991 ; que la société Microsoft a donné congé par lettre du 3 juin 1991 ; que la SCI a adressé un commandement de payer le loyer et les charges du quatrième trimestre 1991 à la société Microsoft qui a fait opposition au commandement ; que la bailleresse l'a alors assignée en nullité du congé et en paiement des loyers échus ; qu'un arrêt du 15 décembre 1994 a jugé que la société Microsoft n'ayant pas délivré un congé conforme aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et aux conventions liant les parties, le bail avait continué de recevoir effet, et a condamné la société Microsoft à payer à la SCI la somme de 3 032 657,89 francs pour loyers et charges échus du premier trimestre 1993 au 3e trimestre 1994 ; que la SCI a saisi la cour d'appel d'une requête pour avoir omis de statuer sur une demande en paiement d'une somme de 2 042 101,42 francs représentant les loyers dus du quatrième trimestre 1991 au quatrième trimestre 1992 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 954, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en cas de dépôt de conclusions récapitulatives, seuls les moyens qui ne sont pas récapitulés sont regardés comme abandonnés ;
Attendu que, pour rejeter la requête en réparation d'omission de statuer, l'arrêt, après avoir relevé que la SCI avait signifié le 19 octobre 1994 des conclusions récapitulatives dont le dispositif, sans demander l'adjudication des précédentes écritures, sollicitait la condamnation de la société Microsoft à lui verser, à titre d'arriérés de loyers et de charges, la somme de 3 032 657,89 francs, énonce que la demande de paiement de la somme objet de la requête présentée par la société Les Fjords à l'encontre de la société Microsoft France était incluse, dans ses conclusions signifiées le " 1er mars 1995 ", dans une réfutation des " soutiens " présentés sur ce point par ladite société et qu'il s'agissait bien de moyens dont l'absence de récapitulation équivalait à un abandon ;
Qu'en statuant ainsi, en qualifiant de moyen ce qui était une demande, formulée par la SCI tant dans ses premières conclusions que dans ses conclusions en réplique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le juge ne peut se borner à statuer sur les seules prétentions formulées dans les dernières conclusions d'une partie qu'à la condition qu'il résulte de ces conclusions un abandon exprès ou implicite des prétentions exprimées dans les conclusions antérieures ;
Attendu que, pour rejeter la requête en réparation d'omission de statuer, la cour d'appel énonce qu'elle " est liée par le dernier état des conclusions d'une partie, qu'elles soient ou non récapitulatives ", et retient qu'elle ne pouvait, sans statuer ultra petita, accorder à la SCI une somme supérieure à celle qu'elle avait demandé dans ses dernières écritures récapitulatives ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SCI réclamait, dans ses premières conclusions d'appel du 15 octobre 1993 et dans ses conclusions " en réplique et additionnelles " du 3 juin 1994, le paiement de la somme correspondant aux loyers du quatrième trimestre 1991 au quatrième trimestre 1992, et dans ses conclusions dites récapitulatives du 19 octobre 1994, le paiement de la somme correspondant aux loyers du premier trimestre 1993 au troisième trimestre 1994, si bien que ces demandes, loin d'être incompatibles, se complétaient comme portant sur des périodes successives, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.