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13/01/1998 | FRANCE | N°95-20791

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 janvier 1998, 95-20791


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Rennes, 5 septembre 1995), que, le 12 décembre 1985, trois employés du département 85 de l'usine du Mans de la Régie nationale des usines Renault (Régie Renault), M. Y..., agent technique, M. Z..., chef d'équipe et M. X..., contremaître, (les consorts Y...) ont avisé leur employeur qu'ils avaient trouvé remède à une difficulté constatée depuis plusieurs années et affectant une pièce dite porte-fusée qui subissait au cours de son façonnement un phénomène d'ovalisati

on entraînant sa mise au rebut ; qu'ils ont présenté ce procédé dans le cad...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Rennes, 5 septembre 1995), que, le 12 décembre 1985, trois employés du département 85 de l'usine du Mans de la Régie nationale des usines Renault (Régie Renault), M. Y..., agent technique, M. Z..., chef d'équipe et M. X..., contremaître, (les consorts Y...) ont avisé leur employeur qu'ils avaient trouvé remède à une difficulté constatée depuis plusieurs années et affectant une pièce dite porte-fusée qui subissait au cours de son façonnement un phénomène d'ovalisation entraînant sa mise au rebut ; qu'ils ont présenté ce procédé dans le cadre d'une " suggestion du personnel ", formule prévue par l'accord d'établissement de la Régie Renault des 26 mars 1959 et 23 janvier 1979 ; qu'ils ont remis, le 9 juin 1986, au service concerné par cette suggestion du personnel une demande de brevet ; que, le 12 juin 1986, le service a avisé les consorts Y... de ce que leur proposition ne pouvait pas être prise en compte pour l'attribution d'une prime et, le 23 juin 1986, il les a informés de ce que ce procédé relevant du savoir-faire technique et non du domaine de l'invention brevetable, la Régie Renault ne déposait pas de demande de brevet ; que les consorts Y... ont assigné la Régie Renault ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la juridiction appelée à se prononcer sur la propriété d'une invention lorsque l'inventeur est un ou plusieurs salariés, doit examiner si se trouvent remplies l'une ou l'autre des conditions prévues à l'article 1 ter, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1968, telle que modifiée par la loi du 13 juillet 1978 dans sa rédaction applicable à la cause, en recherchant si l'invention a été faite par chacun des salariés qui la revendique dans l'exécution, soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, ce qui n'était manifestement pas le cas en l'espèce, soit d'études ou de recherches qui lui ont été explicitement confiées ; qu'en l'espèce, ils insistaient sur la circonstance qu'aucune mission " explicite " au sens de l'article 1 ter, alinéa 1, précité ne leur avait jamais été donnée puisque la direction s'était bornée à souhaiter que le problème de l'ovalisation trouve une solution sans donner aucun axe de recherche, si bien que cette simple (instruction) verbale très générale donnée à de nombreuses personnes, ensemble le fait de donner des instructions aux chefs d'atelier, aux agents techniques et aux agents de maîtrise de mener une réflexion sur les solutions qui permettraient de réduire le nombre des porte-fusées mis au rebut pour cause d'ovalisation, ne pouvait légalement caractériser à l'endroit des trois salariés appelants une mission d'études et de recherches explicites au sens de l'article 1 ter, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1968 ; qu'en statuant sur le fondement de motifs tout à la fois insuffisants et inopérants, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard dudit texte d'ordre public ; alors, d'autre part, que, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel, une mission ponctuelle de recherches avec les conséquences qui s'y attachent ne peut être donnée de façon suffisamment explicite pour répondre à la définition de l'article 1 ter, alinéa 1, de la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978, lorsque seul est défini un but à atteindre aussi vague que celui de rechercher toutes les solutions qui permettraient de réduire le nombre des porte-fusées mis au rebut pour cause d'ovalisation, et ce d'autant plus que, selon la cour d'appel, l'invite avait été donnée par la Régie Renault à tous les membres d'un atelier, et plus précisément aux chefs d'atelier, aux agents techniques et aux agents de maîtrise de conduire une réflexion sans plus, ce qui était simplement attesté et ne ressortait d'aucune note claire, faisant état d'un problème spécifique et donnant des missions explicites, cependant que l'invention de mission au sens du texte précité postule une mission précise et spécifique donnée à tel ou tel salarié, ce qui est antinomique avec une exhortation générale donnée à tous les membres d'un atelier de conduire une simple réflexion ; qu'ainsi, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1 ter de la loi du 2 janvier 1968, tel que modifiée par la loi du 13 janvier 1978 ; et alors, enfin, que l'invention de mission ne peut résulter que d'une mission explicite et clairement délimitée ; qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni du jugement confirmé, que chacun des trois salariés appelants ait reçu de son employeur une mission tout à la fois explicite et limitée ;

qu'à l'inverse, il appert de l'arrêt, ensemble de l'arrêt de la chambre d'accusation visée par la cour d'appel, qu'il s'agissait d'invites extrêmement larges données par la Régie Renault aux chefs d'atelier, ensemble aux agents techniques et agents de maîtrise, de conduire une réflexion pour rechercher sans autres précisions, missions spécifiques, toutes les solutions qui permettraient de réduire le nombre des porte-fusées mis au rebut pour cause d'ovalisation ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui ne relève aucune mission spécifique, aucun cadre s'agissant de l'exécution de cette mission spécifique de recherches, et ce à l'endroit de chacun des trois salariés qui étaient respectivement contremaître, stagiaire agent technique et agent technique, ne met pas à même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard de l'article 1 ter de la loi du 2 janvier 1968 modifiée par la loi du 13 juillet 1978 ;

Mais attendu qu'en retenant qu'il est établi que la Régie Renault a sollicité la réflexion de plusieurs salariés au nombre desquels figurent les consorts Y..., dont la tâche habituelle n'est pas de participer à un travail de recherche, pour chercher une solution au problème de l'ovalisation des porte-fusées et que les consorts Y... avaient eux-mêmes reconnu que le travail leur avait été demandé par leur chef d'atelier, la cour d'appel, a procédé aux recherches prétendument omises pour déduire, par une décision motivée, que l'invention revendiquée par les consorts Y... relevait d'une mission explicite de recherche donnée par la Régie Renault ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-20791
Date de la décision : 13/01/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BREVET D'INVENTION - Propriété - Inventeur au service d'un employeur - Invention réalisée dans le cadre du contrat de travail - Invention de service - Conditions - Mission explicite de recherche - Preuve - Constatations suffisantes .

Ayant retenu qu'un employeur avait sollicité la réflexion de plusieurs de ses salariés, parmi lesquels certains salariés dont l'activité habituelle n'est pas de participer à un travail de recherche, pour proposer une solution à un problème technique et que ces derniers salariés avaient eux-mêmes reconnu que ce travail leur avait été demandé par leur chef d'atelier, la cour d'appel en a déduit que l'invention revendiquée par ceux-ci relevait d'une mission explicite de recherche donnée par leur employeur.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jan. 1998, pourvoi n°95-20791, Bull. civ. 1998 IV N° 12 p. 8
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 12 p. 8

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gomez.
Avocat(s) : Avocats : M. Blondel, la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.20791
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