AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Banque Populaire Toulouse-Pyrénées, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1994 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), au profit :
1°/ de la société Les Cimes luchonnaises, société à responsabilité limitée, dont le siège est 27, cours des Quinconces, 31110 Bagnères-de-Luchon,
2°/ de Mme Marie-Madeleine X..., demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société Les Cimes luchonnaises, et de commissaire à l'exécution du plan, défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 novembre 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Armand-Prevost, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Armand-Prevost, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de la Banque Populaire Toulouse-Pyrénées, de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de la société Les Cimes luchonnaises et de Mme X..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Toulouse, 7 décembre 1994 ), que la Banque Populaire Toulouse-Pyrénées (la banque) a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Les Cimes luchonnaises et que cette société a élevé une contestation à l'encontre de la proposition d'admission en considérant que cette déclaration était irrégulière pour défaut de pouvoir du préposé qui a signé la déclaration ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit que sa créance, ayant fait l'objet d'une déclaration le 11 mars 1992 entre les mains du représentant des créanciers de la société Les Cimes luchonnaises, était éteinte, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le mandat donné par le représentant légal d'une personne morale à un de ses préposés en vue de déclarer une créance au passif du redressement judiciaire d'un débiteur
-mandat qui n'est pas soumis aux règles applicables au mandat ad litem- peut en conséquence être tacite et se déduire des circonstances ; qu'en l'espèce, la banque a successivement, par actes des 14 novembre 1988 et 18 février 1993, donné mandat à M. Y... de procéder aux formalités de déclarations de créances ; qu'en considérant, cependant, que, le 11 mars 1992, date de la déclaration litigieuse, M. Y... était sans pouvoir pour ce faire, la cour d'appel qui n'a pas recherché si, compte tenu des circonstances et de la ratification ultérieure du mandat par la banque, celle-ci n'avait pas confié à son préposé un mandat tacite de procéder auxdites formalités, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1984 et suivants du Code civil et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;
et alors, d'autre part, que l'excès de pouvoir commis par le mandataire disparaissant par la ratification du mandant, celle-ci peut être déduite de toute manifestation certaine de la volonté du mandant, notamment si, ayant eu connaissance des engagements contractés en son nom, il a gardé le silence ou s'il a donné postérieurement une procuration à son mandataire ;
qu'en l'espèce, il est constant qu'après la déclaration de créance litigieuse effectuée le 11 mars 1992 par M. Y..., la banque a, tout au long de la procédure, soutenu la validité de la déclaration de créance et a donné le 18 février 1993 une nouvelle procuration à M. Y..., ce qui emportait nécessairement ratification des actes de celui-ci ; qu'en considérant que M. Y... n'était pas titulaire d'une habilitation à la date de la déclaration litigieuse, la procuration du 18 février 1993 étant postérieure, la cour d'appel a violé les articles 1998 du Code civil et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la déclaration de créances au passif du redressement judiciaire du débiteur équivaut à une demande en justice que le créancier personne morale peut faire effectuer par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi, la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a souverainement retenu que le signataire de la déclaration de créance litigieuse n'a reçu une délégation de pouvoirs que postérieurement à la déclaration de créance critiquée, ce qui démontrait qu'il n'était pas habilité à la date de la déclaration de créance ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque Populaire Toulouse-Pyrénées aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Les Cimes luchonnaises et de Mme X..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.