REJET du pourvoi formé par :
- X... Gérard,
- la société Riot Presse, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 10e chambre, en date du 3 mars 1997, qui, pour provocation à l'usage de stupéfiants, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à une amende de 300 000 francs, a déclaré la société Riot Presse civilement responsable et a prononcé la confiscation des scellés.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 628, L. 630 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X... coupable de provoquer au délit d'usage de stupéfiants et de présenter cette infraction sous un jour favorable ;
" aux motifs propres que "informer, déculpabiliser, amuser, voici les missions qui sont celles du journal" (n° 1, page 14) "On y vend (à côté du Hasch Muséum) des graines de marijuana, ainsi que tout l'équipement nécessaire à la culture sous serre ou en plein air pour vous aider dans votre choix..." (n° 1, page 25). "Plaçons-les (les usagers) dans une grande pièce, parsemée de grands coussins, aux lumières tamisées, baignant dans la douce moiteur de senteurs indiennes, au son de tendres mélopées lointaines. Proposons-leur de fumer..." (n° 2, page 17). "En fait cannabis et herbe stimulent, euphorisent, provoquent une exaltation sensorielle suivie d'une phase ou l'on s'extasie devant tout, et parfois n'importe quoi, avec une possible et étrange attraction, vers la lumière vive, magnifiquement filmée dans "More" par Barbet Schroeder, qui montre deux jeunes faisant l'amour en regardant le soleil après avoir fumé du Hasch." (n° 3, page 16). Ces passages, parmi d'autres, témoignent d'un désir d'idéalisation de la consommation du cannabis ; et adoptés des premiers juges que dans le numéro 3, en page 16, le dernier paragraphe d'un article consacré aux effets du cannabis, sur le comportement amoureux, conclut à une consommation modérée et prudente, qui constitue une provocation à l'usage de stupéfiants ; qu'après lecture des trois numéros de la revue saisis au cours de l'enquête, le tribunal a relevé dans chacun des commentaires soit provoquant à l'usage de stupéfiants soit le présentant sous un jour favorable ; notamment dans le numéro un, en page 14 ;
" "CQFD un verre ça va, deux verres salut mon gars ! Sachez apprécier et consommer avec modération, un joint met à l'aise, plusieurs assomment, Pâques en novembre, Noël en décembre. Informer, déculpabiliser, amuser : voici les missions qui sont celles du journal que vous tenez entre les mains. Alors osons et la problématique. Si nous savons tous (et toutes, soyons sport) ce qu'est fumer, la notion de virgandine nous est plus douce. Ouvrons, le Larousse dont nous aurons probablement arraché la couverture cartonnée, pour nous confectionner un filtre". Ce passage constitue une provocation à l'usage en conseillant de consommer, fût-ce avec modération, en faisant accroire que tout le monde fume et en ne faisant allusion à l'interdiction que pour mieux aider les braves ; il est constitué aussi une présentation du stupéfiant sous un jour favorable ;
" alors que la provocation à l'usage de stupéfiants suppose que l'auteur des propos énumérés ait pour objectif, dans son propre intérêt, d'inciter celui auquel il s'adresse de consommer ; qu'en retenant comme constitutifs d'une telle provocation des extraits de revue décrivant seulement différentes formes de consommation de cannabis et ses effets supposés, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Gérard X..., directeur de la publication " l'Eléphant rose ", a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement de l'article L. 630 du Code de la santé publique, pour avoir présenté, dans cette revue éditée par la société Riot Presse, l'usage de produits stupéfiants sous un jour favorable, voire provoqué à la consommation ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à la prévention, les juges du fond relèvent qu'au travers d'articles de fond ou d'entretiens avec des personnalités, la revue a vanté l'exaltation sensorielle suscitée par l'usage modéré du cannabis, notamment ses effets bénéfiques sur le comportement amoureux, et qu'elle a présenté à son public, essentiellement composé de jeunes lecteurs, l'usage de ce produit comme un phénomène de société répandu et relevant d'une certaine philosophie de la vie ; qu'ils ajoutent qu'il convenait d'observer, pour mesurer l'effet d'une telle publication, comme les réelles motivations du prévenu, que le premier numéro de la revue s'était vendu à 40 000 exemplaires, laissant à l'éditeur un bénéfice net de 800 000 francs ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, le délit prévu à l'article L. 630 du Code de la santé publique n'exige pas que l'auteur de l'infraction ait un intérêt personnel dans les opérations concourant à l'usage de stupéfiants, mais vise seulement à interdire toute incitation à la consommation, quelle qu'en soit la forme, y compris par voie de presse ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.