REJET des pourvois formés par :
- X... Fabien,
- Y... Bernard,
prévenus,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 20 septembre 1996, qui, pour détournement de marchandises non prohibées de leur destination privilégiée, a condamné solidairement Fabien X..., Elie Z..., Bernard Y... et la société Alain Colas Tahiti, à 10 000 francs d'amende, au paiement de la somme de 5 124 531 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises détournées, et prononcé sur les droits et taxes éludés.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité :
I. Sur le pourvoi de Fabien X... :
Attendu qu'aucun moyen de cassation n'est produit :
II. Sur les autres pourvois :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits,
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Alain Colas Tahiti (ACT) a acquis, en 1982, en Polynésie, un navire de sport le quatre-mâts " Club Méditerranée " qu'elle a introduit et fait séjourner dans le territoire douanier, de 1983 à 1986, en vue de sa réparation et transformation en yacht de luxe, puis mis à la consommation et francisé, en 1987, sous le nom " Le Phocéa " ;
Que, ledit voilier ayant été immatriculé comme navire de commerce, la société ACT a bénéficié, sur le fondement des dispositions des articles 190 à 194, 223 du Code des douanes, 262- II. 2° et 3° du Code général des impôts, en 1987, d'une exonération des droits de douane et de la TVA dus sur la valeur des transformations apportées au navire, et, pour les années suivantes, de la TVA due sur la valeur des avitaillements en vivre et produits pétroliers ainsi que d'une exonération du droit de navigation ;
Qu'un contrôle fiscal ayant mis en évidence que la société ne se livrait pas à une exploitation commerciale du bateau, mais en laissait la jouissance exclusive à Bernard Y..., son véritable dirigeant, l'administration des Douanes a notifié, le 11 février 1994, à la société et à ses dirigeants de droit ou de fait Fabien X..., Elie Z... et Bernard Y..., une contravention de détournement de marchandises non prohibées de leur destination privilégiée, pour les agencements du navire, les avitaillements en produits pétroliers et en vivres et la navigation dans les eaux territoriales, ayant indûment bénéficié, selon elle, d'une exonération de droits ou de taxes ;
Que, dans les poursuites engagées sur citation directe, contre Fabien X..., Elie Z..., Bernard Y... et la société ACT, " pour avoir exploité de 1991 à 1993, à Marseille, comme bateau de plaisance, le navire " Le Phocéa ", d'une valeur de 82 470 291 francs, immatriculé au commerce, éludant ainsi 16 002 826 francs de droits et taxes ", l'Administration a demandé la condamnation des intéressés, sur le fondement de l'article 412-5° du Code des douanes, à une amende de 10 000 francs pour chacune des années visées à la prévention, à la confiscation en valeur des marchandises litigieuses estimées à 82 470 291 francs et, sur le fondement de l'article 377 bis de ce Code, le paiement d'une somme de 16 002 826 francs au titre des droits éludés ;
Que le tribunal de police, après avoir écarté l'exception de prescription de l'action douanière soulevée par les prévenus, les a déclaré coupables des faits qui leur étaient reprochés et les a condamnés à une seule amende de 10 000 francs, au paiement d'une somme tenant lieu de confiscation des avitaillements en vivres et en produits pétroliers, à l'exclusion des agencements réalisés en 1987 qu'il a estimés hors de sa saisine, au paiement des droits de navigation et de la TVA afférente auxdits avitaillements, à l'exclusion de la TVA relative aux agencements précités qu'il a considéré couverte par la prescription triennale visée à l'article 354 du Code des douanes, et a, en outre, prononcé d'office la confiscation en valeur du navire non demandée par l'Administration ;
Que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris à l'exception de la confiscation en valeur du navire qu'elle a estimée injustifiée ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de Bernard Y..., pris de la violation des articles 262- II. 2°, 257. 15°, 1695 et 1790 du Code général des Impôts, des articles 42 et 46 de l'annexe IV du Code général des impôts, 411 et 412. 5°, du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré établie la contravention de détournement de marchandises non prohibées de leur destination privilégiée ;
" aux motifs, d'une part, que les articles 190 et suivants du Code des douanes et les arrêtés ministériels des 2 et 3 janvier 1974 ont institué un régime privilégié de franchise des taxes concernant notamment les produits pétroliers destinés à l'avitaillement des navires, à l'exclusion des bâtiments de plaisance et de sport ; qu'en application de ces textes, il est constant qu'en l'espèce, des poursuites pouvaient être exercées par l'administration des Douanes sur le fondement de l'article 412. 5°, du Code des douanes ; qu'il est ainsi fait grief aux prévenus d'avoir effectué des travaux de réfection ou de transformation et d'avoir utilisé des marchandises concernant l'avitaillement du " Phocéa " pour une activité autre que celle pour laquelle ils bénéficiaient d'un régime privilégié d'exonération de la TVA ; que, contrairement à ce que soutient Bernard Y... dans ses écritures, ces faits ne constituent pas un simple " litige fiscal en non-paiement de droits et taxes " ;
" aux motifs, d'autre part, qu'il est constant que " Le Phocéa " n'a pas été utilisé durant la période visée par la prévention à titre commercial, Bernard Y... reconnaissant lui-même, dans ses écritures déposées devant la Cour, qu'il était le client prépondérant de ce navire ; qu'aucun élément du dossier n'a permis d'établir que la société ACT avait tenté de rechercher d'autres clients pour " Le Phocéa ", dont l'exploitation a été constamment déficitaire ; qu'ont été ainsi détournées, au sens de l'article 412. 5° du Code des douanes, de leur destination commerciale, laquelle était privilégiée en raison de l'exonération de la TVA, les marchandises qui ont servi au fonctionnement du " Phocéa " ;
" alors que, d'une part, les dispositions du Code général des impôts, dont l'article 46 de son annexe IV, prévoyant la possibilité d'un changement d'affectation d'un bateau destiné à une navigation privilégiée, qui doit donner lieu à une déclaration au service des Douanes auprès duquel la francisation ou l'inscription a été effectuée, l'omission d'une telle formalité, dès lors qu'elle a eu pour effet d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque, caractérise la contravention de deuxième classe prévue par l'article 411 du Code des douanes sanctionnant d'une amende comprise entre 1 et 2 fois le montant des droits et taxes éludés ou compromis toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des Douanes est chargée d'appliquer, lorsque cette irrégularité a eu pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement de droits et taxes et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par le présent Code, et ne saurait être qualifiée de détournement de marchandises non prohibées de leur destination privilégiée, prévu par l'article 412. 5o du même Code et qui suppose un acte positif frauduleux, au même titre que tous les agissements visés par ce texte ; que, les premiers juges ayant expressément relevé, dans des motifs adoptés par la Cour, que, jusqu'en 1989, le navire avait bien été loué à des tiers et donc conformément à sa destination privilégiée, le seul fait de ne pas avoir signalé ce changement d'affectation, à le supposer constitué, ne constituait que la contravention prévue par l'article 411 du Code des douanes, laquelle n'est pas assortie d'une quelconque peine de confiscation ;
" alors que, d'autre part, le caractère commercial de l'exploitation d'un navire, lui donnant le statut de bateau destiné à une navigation privilégiée, ne saurait se trouver automatiquement exclu du seul fait de l'existence d'un client prépondérant, dès lors que celui-ci rémunère la prestation dont il bénéficie par l'utilisation dudit bateau ; que, Bernard Y... ayant justifié dans ses écritures, en se référant au prix du marché, qu'il s'était vu débiter pour l'année 1991 la somme de 13 776 922 francs pour 220 jours de location, prix conforme à celui du marché, la Cour, qui s'est abstenue d'examiner cet argument péremptoire pour ne retenir que la circonstance que Bernard Y... avait été le client prépondérant du " Phocéa ", n'a pas justifié sa décision de considérer qu'il y avait eu un changement d'affectation ;
" et alors qu'enfin, Bernard Y... ayant expressément fait valoir dans ses conclusions qu'à partir de 1992, à la suite des accords passés avec la SDBO et le Crédit Lyonnais, la société ACT avait perdu toute maîtrise sur " Le Phocéa ", dont les conditions d'exploitation relevaient de la seule maîtrise du Crédit Lyonnais, la Cour, en omettant totalement de se prononcer sur cette question primordiale, n'a pas légalement justifié sa décision de retenir à l'encontre de Bernard Y... une contravention de détournement de marchandise non prohibée de sa destination privilégiée pour les années 1992 et 1993 et, par voie de conséquence, sur l'évaluation tant de la confiscation que des droits et taxes éludés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que Bernard Y... a soutenu pour sa défense qu'en l'absence de la déclaration de changement d'affectation exigée par l'article 46 de l'annexe IV pris pour l'application des articles 262- II. 2° et 3° et 257. 15° du Code général des impôts, les faits qui lui étaient reprochés, à les supposer établis, ne pouvaient, en l'absence de sanctions spécifiques, être poursuivis que sur le fondement de l'article 411 du Code des douanes, texte excluant toute mesure de confiscation ;
Que le prévenu a, en outre, fait valoir que, le navire ayant été loué en 1991 à son dirigeant au prix du marché, la société ACT devait être regardée, pour l'exercice considéré, comme s'étant livrée à une activité commerciale conforme à ses engagements, et qu'à compter de l'exercice 1992, la gestion de cette société étant passée sous contrôle de la SDBO et du Crédit Lyonnais, il avait perdu la maîtrise du navire ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu et le déclarer coupable de la contravention de détournement de marchandises de leur destination privilégiée, visée à l'article 412 du Code des douanes, et lui infliger l'amende et la confiscation prévues par ce texte, la cour d'appel retient, par motifs propres ou adoptés, que rien n'établissait dans le dossier que l'intéressé ait, à un quelconque moment, perdu le contrôle de la société ACT et qu'il était poursuivi, à ce titre, non pour avoir omis de faire, en temps utile, la déclaration de changement d'affectation du navire, mais pour avoir continué, de 1991 à 1993, à avitailler celui-ci en vivres et en produits pétroliers, en franchise des droits et taxes normalement exigibles, alors que les conditions pour bénéficier de ce régime privilégié n'étaient plus remplies ;
Que les juges ajoutent, sur ce point, que le fait que le prévenu ait versé un loyer en contrepartie de l'utilisation du navire ne suffit pas à caractériser l'activité commerciale exigée pour l'octroi de ce régime, l'intéressé ayant fait un usage privatif de ce dernier sans contrepartie réelle pour l'entreprise, dont l'activité a été constamment déficitaire en l'absence de véritable exploitation commerciale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'avitaillement d'un navire en vivres et en produits pétroliers en exemption de droits ou de taxes, en méconnaissance des conditions posées par les articles 190 à 194 du Code des douanes et par les arrêtés ministériels des 2 et 3 janvier 1974, pour bénéficier de ce régime douanier notamment l'affectation effective du navire avitaillé au commerce maritime constitue un détournement de marchandises de leur destination privilégiée entrant dans les prévisions de l'article 412. 5° du Code des douanes ;
Que cette infraction ne saurait se confondre avec l'omission de la déclaration de changement d'affectation, prévue en matière de TVA à l'importation, aux articles 257. 15° du Code général des impôts et 46 de l'annexe IV de ce Code, pour la répression de laquelle, en raison de l'absence de dispositions spécifiques dans le Code des douanes, auquel renvoie l'article 1790 du Code général des impôts, seules les peines des articles 410 et 411 de ce Code sont applicables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne dans ses deuxième et troisième branches à remettre en question l'appréciation, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuves soumis aux débats, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de Bernard Y..., pris de la violation des principes fondamentaux du droit, tels que résultant du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789, des articles 369 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Bernard Y..., non seulement une amende de 10 000 francs, mais également la confiscation en valeur des marchandises détournées, soit la somme de 5 124 531 francs, d'une part, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si, en application de l'article 369 du Code des douanes, il existait, en l'espèce, des circonstances atténuantes tenant notamment au fait, invoqué par Bernard Y..., de la connaissance, par l'administration des Douanes, des conditions d'utilisation exactes du " Phocéa ", et donc de son acceptation, jusqu'en 1993, de celles-ci, et, d'autre part, si le montant de la peine de confiscation correspondait à la gravité objective des agissements poursuivis, de sorte qu'en l'état de la peine ainsi prononcée, la Cour a violé le principe de la proportionnalité des sanctions, dont le quantum doit être fixé strictement en fonction du trouble causé à l'ordre public, ce qui ne saurait être assuré en cas de sanction manifestement excessive " ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu, qui invoquait, comme une circonstance atténuante de responsabilité, le fait qu'à aucun moment il n'avait dissimulé à l'Administration les conditions d'exploitation du " Phocéa ", et le condamner aux peines d'amende et de confiscation prévues par l'article 412 du Code des douanes, les juges du fond énoncent que rien, dans le dossier, ne permet d'établir que cette dernière ait eu connaissance, avant communication des résultats de la vérification de la société ACT par les services fiscaux, des conditions réelles d'utilisation dudit navire ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les juges répressifs disposent, pour le prononcé des peines propres à sanctionner l'infraction dont ils sont saisis, d'un pouvoir d'appréciation dont ils ne doivent aucun compte, et qu'ils ne peuvent, en outre, à cette occasion, se faire juges de la constitutionnalité des lois qu'ils sont chargés d'appliquer, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur de l'administration des Douanes, pris de la violation des articles 412, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté l'administration des Douanes de sa demande tendant en paiement de la confiscation en valeur du navire ;
" aux motifs que l'article 412 du Code des douanes prévoit uniquement la confiscation des marchandises non prohibées qui ont été détournées de leur destination privilégiée ; que ce texte ne permet pas de confisquer le navire lui-même ;
" alors que l'article 412 du Code des douanes permet la confiscation des marchandises non prohibées détournées de leur destination privilégiée ; que la cour d'appel a considéré, à la suite du tribunal, que le navire n'avait pas été utilisé, pendant la période visée par la prévention, à titre commercial, tout en ayant été immatriculé comme navire de commerce, ce qui avait permis de bénéficier de l'exonération de la TVA et du droit annuel de francisation et de navigation ; que le tribunal en avait déduit que ce navire ayant été détourné de sa destination privilégiée, il y avait lieu d'en ordonner la confiscation en valeur, qu'en infirmant le jugement de ce chef aux motifs que l'article 412 ne permettrait pas de confisquer le navire mais seulement les marchandises non prohibées détournées de leur destination privilégiée tout en ayant constaté que le navire lui-même avait été détourné de sa destination privilégiée puisqu'il n'avait pas été utilisé comme navire de commerce, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé l'article 412 du Code des douanes " ;
Attendu que, pour refuser de faire droit à la demande de confiscation du navire présentée par l'administration des Douanes, la cour d'appel énonce que l'article 412 du Code des douanes ne prévoyant que la confiscation des marchandises litigieuses, et celles-ci ne s'entendant, au regard de la prévention, que des vivres et produits pétroliers irrégulièrement apportés sur le navire, la confiscation de ce dernier excéderait les prévisions de la loi ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que le fait, également visé à la prévention, de déclarer faussement, comme navire de commerce, un bateau de plaisance, en vue de bénéficier d'une exonération du droit annuel de navigation, n'autorisait pas la confiscation du navire, la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
Qu'en effet, en premier lieu, le détournement de marchandises de leur destination privilégiée, au sens des articles 412. 5° et 427. 5° du Code des douanes, ne s'entend que de l'utilisation des marchandises susceptibles de bénéficier, dans le cadre des opérations visées au titre VII dudit Code, d'un régime fiscal privilégié, à une fin autre que celle pour laquelle elle a été autorisée ; qu'en conséquence, les marchandises susceptibles de bénéficier d'une exemption de droit et de taxes, en application des articles 190 à 194 du Code des douanes ne s'entendant que des vivres et produits pétroliers, la confiscation des " marchandises litigieuses " que prévoit l'article 412 du Code des douanes, en cas d'utilisation desdites marchandises à d'autres fins que celles autorisées, ne peut porter, en nature ou en valeur, que sur lesdits produits ; qu'en l'absence de dispositions expresses de la loi, l'utilisation commerciale du navire, qui n'est qu'une des conditions exigées pour l'octroi d'un traitement privilégié aux marchandises précitées, ne saurait donner lieu, en cas de modification d'activité, à la confiscation du navire lui-même ;
Qu'en second lieu, le fait de déclarer faussement, comme navire de commerce, un bateau de plaisance, en vue de bénéficier d'une exonération du droit annuel de navigation, n'est pas une infraction douanière, mais, aux termes mêmes de l'article 225 du Code des douanes, inclus dans le titre IX du Code des douanes, une infraction poursuivie " comme en matière de douanes " ; que, faute d'être incluse dans le titre VII du Code des douanes, elle constitue, non " un détournement de marchandise de sa destination privilégiée ", mais une infraction spécifique de " défaut de paiement du droit annuel de navigation " ; qu'en outre, en l'absence de dispositions particulières dans le Code des douanes auquel renvoie l'article 225 précité, elle ne peut être sanctionnée que des seules peines de l'article 411 dudit Code, texte excluant toute mesure de confiscation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation proposé en faveur de l'administration des Douanes, pris de la violation des articles 354, 377 bis, 412 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté l'administration des Douanes de sa demande en paiement des taxes éludées au titre des immobilisations ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces de la procédure que ces immobilisations concernaient : " la construction de la coque, la construction du " Phocéa ", la maquette et les agencements " ; qu'il est constant et non contesté que ces travaux ont été effectués pour la plupart avant le 4 mai 1987 et sont, en tout cas, tous antérieurs à 1990 ; que, par application de l'article 354 du Code des douanes, à la date du 10 novembre 1993, la prescription était acquise ;
" alors que le détournement d'une marchandise de sa destination privilégiée, ainsi que la demanderesse avait fait valoir dans ses conclusions d'appel, est une infraction continue qui se caractérise par la conservation de la franchise pour l'usage d'un produit soumis en réalité à taxation ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que le navire avait été détourné de sa destination privilégiée, puisqu'il n'avait pas été utilisé à titre commercial ; que ce détournement avait eu pour effet de bénéficier indûment depuis la construction du navire jusqu'à la constatation de l'infraction le 10 novembre 1993 par les agents des douanes de l'exonération de la TVA ; qu'en estimant, dès lors, que l'infraction serait instantanée et donc prescrite à la date du 10 novembre 1993, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour refuser d'ordonner, sur le fondement de l'article 377 bis du Code des douanes, le paiement des 14 386 311 francs de TVA qui auraient dû être acquittés, en 1987, sur le montant des travaux effectués pour transformer le voilier de course en yacht de plaisance, la cour d'appel énonce, par motifs propres ou adoptés, que, dans les citations qu'elle a délivrées aux prévenus et qui délimitent la saisine de la juridiction, l'Administration a cantonné les poursuites aux années 1991 à 1993 et que, dans ces conditions, celle-ci ne peut réclamer les taxes éludées concernant une période non visée à la prévention ;
Que les juges ajoutent qu'au demeurant, eu égard à la date d'exigibilité de ces droits, leur recouvrement se heurterait à la prescription triennale prévue par l'article 354 dudit Code ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, si en application de l'article 377 bis du Code des douanes, les juges répressifs doivent ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, ils ne peuvent prononcer ainsi que pour autant que les droits réclamés se rapportent aux infractions ou faits dont ils sont saisis ;
Que le moyen, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.