Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Valence, 27 février 1996), que M. X..., qui exploitait un commerce en son nom personnel, a placé sur son compte bancaire personnel en 1990, 1991 et 1992 des sommes provenant de la trésorerie de son exploitation ; que de 1991 à 1993, il a compris ces placements dans l'assiette de son patrimoine soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, mais les a placées au passif au titre de dettes envers le fonds de commerce ; que l'administration des Impôts n'a pas admis cette déduction et a procédé à un redressement contradictoire ; que M. X... a demandé l'annulation de la décision de rejet de sa réclamation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir décidé qu'était régulière la notification du redressement alors, selon le pourvoi, que l'administration ne peut priver le contribuable de la faculté de saisir la commission départementale de conciliation visée à l'article 667 du Code général des impôts et aux articles 17 et 59 du Livre des procédures fiscales, ni se faire juge de la compétence de cette dernière ; que, par suite, se trouve privé d'une garantie de procédure le contribuable à qui l'Administration notifie une confirmation de redressement au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune sur laquelle se trouve rayée la mention selon laquelle le contribuable a la faculté de saisir la commission départementale de conciliation ; qu'en déclarant que le rayage de cette mention était sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que la commission de conciliation n'avait pas compétence pour connaître du point de droit que soulevait le litige, le tribunal a violé les articles L. 17 et L. 59 du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe des droits de la défense ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans que la méconnaissance des termes du litige ait été soulevée, que le présent litige avait pour origine non un désaccord portant sur la valeur des biens, mais sur le caractère professionnel ou privé des sommes appréhendées par M. X..., ce dont il résultait que la commission départementale n'avait pas compétence pour apprécier la contestation, le tribunal en a déduit à bon droit que l'Administration n'était pas tenue de proposer à M. X... la faculté de recourir à cet organisme ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... reproche encore au jugement de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel ne perdent pas le caractère de biens professionnels, au sens de l'article 885 N du Code général des impôts relatif à l'impôt sur les grandes fortunes, lorsqu'elles sont placées en cours d'exercice, dès lors qu'elles doivent être regardées comme restant nécessaires aux besoins de l'exploitation, ce qu'il appartient au tribunal de rechercher ; qu'en se bornant à déduire le caractère privé des sommes en cause de la seule constatation qu'elles avaient été appréhendées par lui en cours d'exercice et placées sur un compte personnel, sans rechercher, comme il y était invité, si ces liquidités destinées au paiement des fournisseurs n'étaient pas indispensables à son exploitation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, d'autre part, que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel et qui demeurent nécessaires ou utiles à cette exploitation ne perdent leur caractère de biens professionnels que lorsque ces liquidités ont été appréhendées par le contribuable et considérées par lui comme constituant un bien à caractère privé ; que le placement de ces liquidités sur un compte ouvert au nom de ce commerçant ne permet pas, à lui seul, de déduire que ces sommes ont perdu leur caractère professionnel ; qu'en ne relevant aucun élément ou indice objectif propre à démontrer que les sommes qu'il avait placées étaient désormais regardées par lui comme constituant un bien à caractère privé et ne pouvaient plus, dans ces conditions, être réputées utilisées pour les besoins de son exploitation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 885 N du Code général des impôts ; et alors, enfin, que le principe civiliste de l'unité du patrimoine n'interdit pas à un contribuable, exploitant une entreprise en son nom personnel, d'opérer, à des fins exclusivement fiscales, une distinction entre son patrimoine " privé " et son patrimoine " professionnel " en faisant apparaître au passif de l'un les dettes dont ce patrimoine est débiteur à l'égard de l'autre, dès lors que celles-ci correspondent à des flux financiers justifiés par les besoins de son entreprise et compatibles avec les règles de la fiscalité et de la comptabilité d'entreprise ; qu'en jugeant que le principe de l'unité du patrimoine excluait que M. X... fît apparaître au passif de son patrimoine personnel, seul soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, des dettes correspondant à des avances qu'il devait restituer à son entreprise, le tribunal a violé l'article 885 G du Code général des impôts, ensemble le principe d'indépendance des patrimoines civil et fiscal ;
Mais attendu, d'une part, que les juges, après avoir énoncé justement que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel ne perdent pas leur caractère de biens professionnels par le simple fait qu'elles sont placées en cours d'exercice, dès lors qu'elles restent utilisées pour les besoins de l'exploitation, ont constaté qu'il n'en était pas ainsi en l'espèce, les fonds ayant été appréhendés par le contribuable en vue de placements à caractère privé ;
Attendu, d'autre part, que le jugement énonce, à bon droit, que le régime des biens professionnels en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ne prévoit pas une dérogation aux règles du droit civil sur l'unicité du patrimoine ; que le grief n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.