Joint les pourvois n° 95-12.338 et n° 95-12.841 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. Y... a été mis en redressement judiciaire, suivant le régime de la procédure simplifiée, avec M. X... comme administrateur, celui-ci ayant reçu mission, dans un premier temps, d'assister le débiteur, puis, le 30 octobre 1987, de le représenter ; que M. X... a laissé sans réponse les mises en demeure que lui avaient adressées, en novembre 1987, les sociétés Atal et Ordo pour prendre parti sur la poursuite des contrats de concession exclusive consentis à M. Y... ; que celui-ci, faisant reproche à l'administrateur judiciaire de n'avoir pas sollicité la poursuite de ces contrats, l'a assigné, après son remplacement par un autre administrateur et l'adoption du plan de continuation de l'entreprise, en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi de M. X..., pris en ses sept branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa faute et de l'avoir condamné au paiement de la somme de 8 292 000 francs pacifiques, alors, selon le pourvoi, d'une part, que c'est à la date de la mise en demeure adressée à l'administrateur selon les dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, qu'il importe de se placer pour apprécier d'éventuels manquements de l'administrateur ; qu'à cet égard, M. X... faisait valoir dans ses écritures, que par courrier des 5 et 10 novembre 1987, les sociétés Atal et Ordo dénonçaient les contrats de concession dont s'agit par application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; que cette dénonciation du contrat, qui n'était que le corollaire de la mise en demeure précitée, d'avoir à régler le solde restant dû avec notification d'une clause de réserve de propriété, était immédiatement répercutée sur le débiteur qui ne réagissait pas ; qu'au regard de l'importance du passif (170 000 000 de francs CPF), et des difficultés de trésorerie (la Banque Socredo venant, par ailleurs, de dénoncer la convention de compte courant la liant à M. Y...), l'administrateur décidait de ne pas poursuivre les contrats de concession Atal et Ordo ; que cette situation était exposée au tribunal de commerce le 8 janvier 1988, en présence de M. Y... et n'appela aucune contestation, tant le choix opéré s'imposait à tous avec la force de l'évidence étant observé qu'il était encore souligné que la cour d'appel ne saurait suivre le Tribunal dans une analyse, qui n'a pas suffisamment tenu compte de la situation particulièrement désastreuse de l'entreprise au moment où l'administrateur a dû se déterminer, s'agissant de la résiliation des contrats d'exclusivité, l'appelant faisant encore valoir que " pour juger de la responsabilité de M. X..., il importe de se replacer au moment où il a dû prendre ses décisions, et non pas plusieurs mois ou plusieurs années après, alors que la situation a évolué en fonction de facteurs que M. X... ne pouvait pas appréhender " ; qu'en ne répondant pas de façon pertinente à ce moyen fondé sur des allégations assorties de preuves, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en ne s'expliquant pas sur ces faits régulièrement entrés dans le débat, faits relatés au précédent élément de moyen et de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision, au regard de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, en outre, et en toute hypothèse, qu'il était encore soutenu que la situation de M. Y... avait été modifiée postérieurement à la résiliation des contrats d'exclusivité, en l'état de la décision de l'administrateur de ne pas les voir se poursuivre, et ce à la suite d'événements totalement imprévisibles au moment de la décision dudit administrateur, à savoir le revirement spectaculaire de la banque Indo Suez, qui accepta un plan de huit années sans intérêts ; qu'en ne s'expliquant pas davantage sur ce moyen, la cour d'appel a derechef méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, au surplus, qu'en ne tenant pas compte de ces données de fait régulièrement entrées dans le débat, données évoquées au précédent élément de moyen, la cour d'appel n'a pas justifié son arrêt au regard des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, de surcroît, qu'il était soutenu qu'en toute hypothèse, les contrats d'exclusivité venaient rapidement à échéance, et que les fournisseurs n'avaient aucune intention de renouveler lesdits contrats à leurs échéances, après avoir fait jouer la clause de réserve de propriété et avoir dénoncé le contrat peu de temps avant, de sorte que les mises en demeure adressées à l'administrateur d'avoir à se prononcer sur la poursuite des contrats en cours en date du 5 novembre 1987, pour la société Atal et du 10 novembre 1987 pour Ordo, étaient sans incidence, même dans l'hypothèse où l'administrateur aurait opté pour leur continuation, si l'on tient compte du délai imparti audit administrateur pour se prononcer, puisque les contrats expiraient quelques semaines après et, de toute façon, n'auraient pas été renouvelés par les cocontractants, en l'état de la situation de M. Y... au moment des faits, c'est-à-dire à la fin de l'année 1987 ; qu'en ne répondant pas davantage à ce moyen, de nature à avoir une incidence sur la solution du litige, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, qu'en ne s'expliquant pas sur des données de fait régulièrement entrées dans le débat, données évoquées au précédent élément de moyen, la cour d'appel n'a pas justifié légalement son arrêt, au regard de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, et en toute hypothèse, qu'il est acquis en l'état du droit positif, que si un administrateur décide en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, de poursuivre tel ou tel contrat en cours, il a l'obligation de fournir la prestation promise au cocontractant du débiteur, sauf à engager sa responsabilité personnelle, de sorte que seule une faute qualifiée de l'administrateur, qui n'a pas entendu user de la faculté que lui réserve l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, est de nature à engager sa responsabilité, étant observé que cette faute doit être appréciée en l'état de la situation de la personne juridique ou physique, frappée par la procédure collective au jour de la mise en demeure de l'article 37 ; qu'en statuant à partir de motifs inopérants pour retenir un manquement, cependant que l'administrateur usait de pouvoirs que lui confère la loi, ensemble en ne tenant pas compte du contexte au jour de la mise en demeure, M. Y... étant dans une situation financière catastrophique, au moment où l'administrateur décida de ne pas continuer les contrats en cause en cours, certains créanciers importants, qui avaient provoqué la procédure collective n'ayant qu'ultérieurement accepté d'abandonner leur créance, la cour d'appel n'a pas justifié légalement son arrêt, au regard des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a relevé, en se plaçant au temps de la mise en demeure, que l'administrateur judiciaire ne s'était entouré d'aucun avis, qu'il n'avait pas demandé une prolongation des délais impartis, qu'il n'avait pas mené une véritable étude sur la réponse à fournir et qu'il avait laissé s'éteindre les effets du contrat conclu avec la société Atal qui revêtait pour l'entreprise une importance primordiale, puisqu'elle lui permettait de vendre en exclusivité un produit recherché ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions de l'administrateur et caractérisé le manquement de celui-ci à son obligation de moyens ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que la société Atal n'avait à aucun moment remis en cause l'existence du contrat en cours, ni fait état du terme contractuel expirant à la fin de l'année 1987, qu'elle avait, au contraire, confirmé les liens contractuels, en adressant à l'administrateur, le 5 novembre 1987, la mise en demeure d'avoir à poursuivre leurs accords, et que la société Ordo avait maintenu à M. Y... l'exclusivité de sa marque ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi de M. Y... :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt a confirmé le jugement excluant tout préjudice de M. Y..., en ce qui concerne la non-continuation du contrat conclu avec la société Ordo, cette société ayant maintenu, à l'avantage de l'entreprise, l'exclusivité de sa marque ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Y... suivant lesquelles s'il était parvenu à conclure un nouveau contrat d'exclusivité, en juin 1992, avec la société Ordo, il n'avait pas bénéficié, pour la période s'échelonnant entre la rupture du premier contrat et la signature du second, des conditions et garanties accordées à un concessionnaire exclusif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement excluant tout préjudice de M. Y..., s'agissant de la non-continuation du contrat conclu avec la société Ordo, l'arrêt rendu le 1er décembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée.