Attendu, selon l'arrêt déféré, que Mme X... et M. Y... se sont portés, respectivement les 7 et 11 décembre 1985, envers la caisse de Crédit mutuel de Cléguérec (la banque) et à concurrence de 250 000 francs de principal, cautions solidaires des dettes de la société Garage de Cornouaille (la société) ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... et M. Y... reprochent à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la banque alors, selon le pourvoi, qu'il appartient aux juges du fond d'appliquer d'office les dispositions d'ordre public des articles 47 et 52 de la loi du 25 janvier 1985 qui obligent le créancier d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective à se soumettre, concernant les demandes tendant au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective, à la procédure de déclaration et de vérification des créances, laquelle doit être respectée même en cas de poursuite engagée à l'encontre d'une caution ; qu'il résulte du jugement rendu le 16 octobre 1991 par le tribunal de grande instance de Lorient que la demande, formée par la banque à l'encontre de M. Y... et de Mme X... ès qualités de cautions de la société, l'a été à la suite de la mise en redressement judiciaire de la débitrice principale ; que la cour d'appel, qui a prononcé une condamnation en paiement à l'encontre des cautions, sans rechercher d'office si le créancier avait régulièrement déclaré sa créance au passif de la procédure ouverte à l'encontre de la débitrice principale, a privé sa décision de base légale au regard des articles 47 et 50 précités ;
Mais attendu que la cour d'appel, saisie d'une action en paiement contre les seules cautions, n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée, portant sur la déclaration au passif de la liquidation judiciaire de la société, qui ne lui était pas demandée ; que le moyen est sans fondement ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 2011 du Code civil et les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que l'arrêt accueille la demande de la banque dirigée à l'encontre de Mme X..., tout en relevant que cette dernière se disait, sans être contredite, en redressement judiciaire depuis le 29 août 1989 ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la demande de la banque tendait, pour une cause antérieure au jugement prononçant le redressement judiciaire de la caution, au paiement de la créance née de l'engagement de celle-ci, de sorte que cette demande était soumise aux exigences de la procédure collective et que l'arrêt devait, au besoin d'office, vérifier que la créance de la banque avait été déclarée au passif du redressement judiciaire de Mme X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 1116 et 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de défense de Mme X... et de M. Y... qui prétendaient que la banque, qui avait refusé de renouveler son concours financier au vu du bilan de la société du 31 décembre 1985, avait commis, lors des contrats de cautionnement des 7 et 11 décembre 1985, un dol par réticence en ne les informant pas de la situation lourdement obérée de la société et, par suite, dire valables les cautionnements de Mme X... et de M. Y..., l'arrêt se borne à retenir que Mme X... et M. Y... avaient apporté chacun 10 000 francs pour constituer, le 5 octobre 1985, le capital social de 50 000 francs de la société et n'étaient donc pas " étrangers " à la société ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à établir la connaissance qu'avaient les cautions de la situation de la société lors de leurs engagements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit valables les cautionnements de Mme X... et de M. Y... et a condamné solidairement ces deux cautions, dans la limite de leurs engagements, à payer à la caisse de Crédit mutuel de Cléguérec la somme de 268 035,30 francs outre les agios au taux bancaire contractuel à compter du 30 mars 1987, l'arrêt rendu le 22 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.