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30/06/1998 | FRANCE | N°96-19160

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 juin 1998, 96-19160


Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Grasse, 28 mai 1996), que la société civile immobilière (SCI) Bahia a assigné le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes en demandant le dégrèvement des droits de mutation et des pénalités y afférentes, établis sur le prix de 400 000 francs qu'elle a payé pour l'achat de 27 actions nominatives de la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var (la société Yacht Club) donnant droit à la jouissance d'emplacements de mouillage dans le port de plaisance de Saint-Laurent du Var et non sur la s

omme de 27 000 francs, seule part de ce prix qui, selon elle, co...

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Grasse, 28 mai 1996), que la société civile immobilière (SCI) Bahia a assigné le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes en demandant le dégrèvement des droits de mutation et des pénalités y afférentes, établis sur le prix de 400 000 francs qu'elle a payé pour l'achat de 27 actions nominatives de la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var (la société Yacht Club) donnant droit à la jouissance d'emplacements de mouillage dans le port de plaisance de Saint-Laurent du Var et non sur la somme de 27 000 francs, seule part de ce prix qui, selon elle, couvrait la " valeur du droit à jouissance des biens immobiliers " ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Bahia reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la procédure de redressement contradictoire ayant donné lieu à la mise en recouvrement des droits et pénalités litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsque l'administration des Impôts entend substituer la valeur vénale réelle à la valeur déclarée des biens en cause, il lui appartient, dès la notification du redressement, de justifier l'évaluation par elle retenue par référence notamment à des éléments de comparaison tirés de la cession, avant la mutation litigieuse, de biens intrinsèquement similaires, cela afin de permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que lorsqu'elle rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ; qu'en énonçant, pour écarter l'exception tirée de l'irrégularité de la notification, que l'Administration était seulement tenue de motiver le rejet des observations du contribuable, le tribunal a violé les articles L. 17, L. 55 et L. 57 du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, qu'en retenant que le fait pour l'administration fiscale de substituer au prix déclaré par le contribuable correspondant à la valeur nominale des actions lui ayant conféré un droit de jouissance immobilière, une valeur correspondant au prix global de cession de ces titres, ne lui imposait pas dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire suivie en l'espèce de notifier des éléments de comparaison tirés de la cession de biens immobiliers ou de droits intrinsèquement similaires ou, à défaut, de justifier d'une méthode de calcul en permettant de déterminer la valeur réelle des biens ou des droits immobiliers transmis, le tribunal a encore violé les textes susvisés ; alors, en outre, que l'administration fiscale commet une irrégularité substantielle en privant le contribuable de la possibilité de saisir la commission de conciliation ; que lorsqu'elle estime que le litige porte sur un point ne relevant pas de la compétence de cet organisme, elle peut seulement lui demander de se déclarer incompétent ; qu'en retenant en l'espèce que l'Administration n'avait commis aucune irrégularité, bien qu'elle eût rayé, dans les réponses aux observations du contribuable, la mention prévoyant le droit pour l'intéressé de soumettre le litige à la commission départementale de conciliation, le tribunal a violé l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales ; et alors, enfin, qu' il résultait des pièces de la procédure que le contribuable ayant souscrit une " déclaration de cession de parts sociales non constatée par un acte " dans laquelle il avait évalué la base de l'imposition litigieuse à une certaine somme et indiqué qu'elle correspondait au droit de jouissance conféré par les titres en cause sur des biens immobiliers, l'Administration avait modifié cette base d'imposition en y substituant le prix payé pour l'achat des actions ;

qu'ayant pour sa part considéré, en fonction de la situation de fait, que les services rendus aux détenteurs des actions étaient intrinsèquement liés au droit de jouissance de sorte que le prix d'achat devait en totalité servir de base à l'imposition, le juge ne pouvait affirmer que le différend ne portait pas sur une insuffisance d'évaluation de l'assiette de l'imposition, cela pour déclarer régulière la notification du redressement et en déduire que la commission de conciliation n'aurait pas été compétente ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Bahia soutient que les droits de mutation dus en application de l'article 728 du Code général des impôts ne doivent porter que sur une somme correspondant selon elle à la " valeur du droit à jouissance des biens immobiliers " tandis que l'Administration a appliqué ces droits à la totalité du prix payé pour les actions dont la propriété confère à leur titulaire la jouissance d'emplacements de mouillage et de services annexes, le jugement retient que le litige porte non sur l'insuffisance du prix ou l'évaluation ayant servi de base à la taxation mais sur les éléments à prendre en compte dans l'assiette de l'imposition, c'est-à-dire sur une question de droit ; qu'au vu de ces constatations et de cette appréciation, le tribunal, qui n'a pas dénaturé l'objet du litige, a retenu à bon droit que l'Administration n'avait pas à fournir des éléments de comparaison à l'appui du redressement ou à mentionner une possibilité de saisir la commission départementale sans compétence en une telle espèce ; d'où il suit que le moyen est mal fondé en chacune de ses quatre branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Bahia reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande de dégrèvement des droits de mutation à titre onéreux et pénalités y afférentes mis en recouvrement alors, selon le pourvoi, d'une part, que seule la partie du prix de cession des titres afférente à l'immeuble ou la fraction d'immeuble réputé transmis est assujettie aux droits de mutation au tarif des ventes d'immeubles, le surplus étant considéré comme s'appliquant à une cession de droits sociaux soumise au régime fiscal de droit commun ; qu'ayant constaté que les actions acquises par elle conféraient un droit à la jouissance d'ouvrages portuaires assimilables à des biens immobiliers ainsi qu'à d'autres prestations dont l'existence avait également été prise en compte pour la fixation de leur prix de vente, le juge n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient en décidant que la cession litigieuse avait été régulièrement imposée aux droits de mutation selon le tarif applicable aux ventes immobilières sur la totalité du prix de vente ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les articles 728 et 729 du Code général des impôts ; et alors, d'autre part, que le différend portait sur le point de savoir si l'administration fiscale était autorisée à substituer à la valeur indiquée par le contribuable dans une " déclaration de cession de parts sociales non constatée par un acte " comme devant servir d'assiette pour le calcul des droits d'enregistrement au tarif applicable aux mutations d'immeubles ou de droits immobiliers, une valeur correspondant au prix global effectivement payé pour cette opération ; qu'en déclarant que les autres services auxquels les titres donnaient vocation avaient été pris en considération dans le " prix de vente indiqué à l'acte de cession ", cela pour en inférer que leur valeur ne pouvait venir " en déduction de la base d'imposition ", le tribunal a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le jugement relève que les actions acquises par la société Bahia confèrent le droit de jouissance d'un emplacement de mouillage et d'amarrage comportant nécessairement le droit d'utiliser les divers services offerts par l'infrastructure portuaire dont la société Yacht Club international est concessionnaire et retient que la valeur des autres services rendus par cette même société ne saurait venir en déduction de la base d'imposition puisqu'ils sont intrinsèquement attachés au droit de jouissance conféré par la détention des actions ; que le tribunal, qui n'a nullement relevé que c'est dans un " acte de cession " que la société Bahia avait reconnu que le prix total payé par elle pour acquérir les actions était de 400 000 francs, a pu déduire de ces constatations que les services, accessoires de droits sur les immeubles qu'ils valorisent et dont ils ne sauraient être dissociés, sont dépourvus en eux-mêmes d'une valeur qui pourrait être déduite de l'assiette des droits d'enregistrement ; que le moyen qui manque en fait en sa seconde branche est mal fondé en la première ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-19160
Date de la décision : 30/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux de meubles - Cession de droits sociaux - Cession donnant le droit à la jouissance d'immeuble - Champ d'application - Services accessoires indissociables .

Statuant sur la demande de dégrèvement d'un contribuable qui, ayant acquis les actions nominatives d'une société donnant droit à la jouissance d'emplacements de mouillage dans un port de plaisance, soutenait que les droits de mutation dus en application de l'article 728 du Code général des impôts ne devaient porter que sur une somme correspondant, selon lui, à la valeur du droit à jouissance des biens immobiliers et non sur la totalité du prix de cession, un tribunal, ayant relevé que les actions acquises conféraient le droit de jouissance d'un emplacement de mouillage et d'amarrage comportant nécessairement le droit d'utiliser les divers services offerts par l'infrastructure portuaire dont la société était concessionnaire, et retenu que les autres services rendus par cette même société étaient intrinsèquement attachés au droit de jouissance conféré par la détention des actions a pu en déduire que ces services, accessoires de droits sur les immeubles qu'ils valorisent et dont ils ne sauraient être dissociés, sont dépourvus en eux-mêmes d'une valeur qui pourrait être déduite de l'assiette des droits d'enregistrement.


Références :

CGI 728

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grasse, 28 mai 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 jui. 1998, pourvoi n°96-19160, Bull. civ. 1998 IV N° 214 p. 176
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 IV N° 214 p. 176

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, Mme Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.19160
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