AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Laurent B..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 avril 1994 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de la société Locarmor, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 juin 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Texier, conseillers, M. Soury, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Locarmor, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. B..., engagé le 20 août 1990, en qualité de responsable de location par la société Locarmor, a été licencié pour faute grave le 1er avril 1992 ; que prétendant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en indemnités liées à la rupture de son contrat de travail, en rappel de salaires à titre d'heures supplémentaires et en dommages et intérêts à titre de repos compensateur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 12 avril 1994) d'avoir dit que son contrat de travail a été rompu pour une cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel a considéré que selon le chef d'agence, M. Z..., la fermeture des bureaux était prévue vers 19 heures 30, qu'à son départ à 19 heures 40, il restait trois clients, qu'ainsi M. A... est parti vers 20 heures, que M. X... a quitté à 21 heures, qu'à cette heure là il restait comme client M. Y... qui est parti un peu avant 22 heures ; que M. B... est allé directement chez lui en quittant l'entreprise ; que l'accident dont il a été victime est donc bien un accident de trajet en relation avec son activité professionnelle ; que contrairement à ce que la cour d'appel indique M. B... n'a commis aucune faute ; d'autre part, que M. B... a précisé dans ses conclusions, restées sans réponse, que l'accident s'est produit en pleine nuit, dans un endroit réputé dangereux, après treize heures de travail sans compter les heures de route, donc dû à la fatigue ; qu'il appartenait à la cour d'appel de qualifier les faits en fonction de la réalité de la cause et de relever le dépassement de la durée de travail, dépassement qui se faisait journellement ; et alors, aussi, que la cour d'appel admet que le licenciement est justifié compte-tenu des incidents précédents (deux accidents - l'un avec une voiture âgée de plus de dix ans et l'autre où M.Michel avait 50 % de responsabilité) n'ayant fait l'objet d'aucun blâme, ni d'avertissement ; que n'ayant relevé aucun élément objectif à la charge de M. B..., la cour d'appel ne pouvait dire que le
licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, et que s'il y avait doute sur la réalité des faits invoqués, il devait bénéficier à M. B... ;
Mais attendu que la cour d'appel, exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes en rappel de salaire et en dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs, alors, selon les moyens, premièrement, que M. B... a rapporté la preuve qu'il effectuait au minimum 47 heures 30 de travail par semaine, que cette durée hebdomadaire figure dans les conclusions de la société Locarmor en mentionnant les horaires de l'entreprise, de 7 heures 30 à 12 heures et de 13 heures 30 à 18 heures 30 ; que de plus, tant le chef d'agence de Brest que les salariés de l'entreprise ont certifié que le magasin était ouvert bien au-delà de 18 heures 30 ; que la cour d'appel également mentionne dans son arrêt que la fermeture est prévue vers 19 heures 30, qu'elle mentionne aussi que la fermeture avait lieu à 18 heures 30 ; que la cour d'appel reconnaît la fermeture à 18 heures 30, ce qui suffit à dire que la durée hebdomadaire était au minimum de 47 heures 30, sur laquelle M. B... revendique simplement un rappel de salaire ; que s'il est exact que M. B... a perçu en 1990 le paiement de 21 heures 66 supplémentaires par mois (au lieu de 36 heures 66), il n'en est rien pour les années 1991 et 1992 ; qu'à partir du 1er janvier 1991, du fait de l'augmentation du taux horaire, la société Locarmor n'a plus payé les heures supplémentaires en arguant dans ses conclusions qu'il s'agissait d'un salaire forfaitaire ; que les bulletins de salaire ne mentionnent nullement qu'il s'agit d'un forfait ; qu'ils mentionnent uniquement que M. B... est payé pour 169 heures avec un tarif horaire ; qu'ainsi, la cour d'appel ne peut pas dire que M. B... ne rapporte pas la preuve de sa réclamation ; secondement, que M. B... fonde sa réclamation relative au repos compensateur sur une durée hebdomadaire de travail de 47 heures 30, durée largement reconnue par la société elle-même ; que la société Locarmor n'a réglé que sur la base de 44 heures par semaine et encore, après la rupture du contrat ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que le salarié avait été rémunéré pour les heures supplémentaires qu'il avait accomplies ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Locarmor ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.