AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mlle Patricia X...,
2 / M. Henri Y...,
demeurant tous deux Le Petit Princet, 31540 Saint-Julia,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 février 1996 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale), au profit de l'association Société humanitaire, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 juin 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Odent, avocat de Mlle X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de l'association Société humanitaire, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... et Mlle X... ont signé l'un et l'autre, le 1er février 1994 avec l'association Société humanitaire, un contrat d'engagement volontaire de six mois en vue d'une mission en Roumanie, qui prévoyait un versement "per diem" sur place et un pécule mensuel de 7 000 francs en France ; qu'à la suite de la rupture des relations fin mai 1994, ils ont saisi la juridiction prud'homale pour voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail et obtenir le versement d'indemnités de rupture ;
Attendu que, pour dire que la juridiction compétente était le tribunal de grande instance, l'arrêt retient que l'élément déterminant d'une relation salariale réside dans l'existence d'un lien de subordination, que l'accomplissement à l'étranger d'une mission de réhabilitation de centres d'accueil pour enfants sans autre impératif de la part de l'association que de se conformer à des instructions, règles de conduite et directives sans le moindre exemple d'ordres précis donnés aux prétendus salariés n'est pas caractéristique d'un contrat de travail, que le fax communiqué et daté du 3 mars 1994 n'est pas le signe d'une subordination, qu'il y est fait état uniquement des orientations possibles de la mission sans qu'un ordre d'exécuter quoi que ce soit en émane, que l'existence d'un lien salarial ne saurait provenir de l'utilisation de termes usités en droit du travail ou de notions proches de celle de ce droit, qu'elle ne ressort pas davantage de la suppression du paragraphe relatif à une exécution bénévole pendant deux mois, cette disposition pouvant avoir été annulée pour différentes raisons, et que le versement d'une double indemnisation, l'une sur place, l'autre en France n'est pas la preuve de ce qu'il y avait salaire déguisé, eu égard notamment aux termes d'un décret du 15 mars 1986 qui instaure un statut d'engagé volontaire ;
Attendu, cependant, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que M. Y... et Mlle X... s'étaient engagés, en exécution du contrat souscrit par eux, à accomplir pour la Société humanitaire et sous la tutelle de ses représentants une mission d'assistance humanitaire, à se conformer aux instructions, règles de conduite et directives qui leur seraient données par la Société humanitaire et son responsable, à respecter la Charte morale de la Société humanitaire et que celle-ci se réservait la possibilité de mettre fin au contrat en cas de non-respect des clauses de ce contrat, ce dont il résultait que les deux intéressés avaient agi sous le contrôle et la direction de la Société humanitaire et se trouvaient de ce fait dans une situation de subordination caractéristique de l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne l'association Société humanitaire aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Texier, conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré en remplacement de M. le président Desjardins, empêché, en son audience publique du quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.