AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société France Volaille, société anonyme, dont le siège est espace industriel de l'Ifflet, BP 68, Tremorel, 22230 Merdrignac,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 février 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (18e chambre sociale), au profit de M. Albert X...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 juin 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société France Volaille, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 1996), que M. X..., engagé le 13 avril 1983 en qualité de VRP par la société Pic Grain, aux droits de qui se trouve aujourd'hui la société France volaille, a été licencié le 23 janvier 1991 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale afin de faire déclarer sans cause réelle et sérieuse son licenciement et obtenir le paiement d'indemnités de rupture et d'un rappel de salaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société France volaille fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, d'une part, en relevant d'office, et sans réouvrir les débats, le moyen pris de la prescription du grief déduit de la disparition de marchandises, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, une faute disciplinaire, non sanctionnée en son temps, peut être invoquée comme cause de licenciement à l'appui d'autres griefs, constitués ultérieurement ; qu'en l'espèce, l'enquête diligentée par l'employeur à la suite des disparitions de marchandises avait révélé des surfacturations d'essence, et que c'est l'ensemble de ces griefs qui avaient été invoqués dans la lettre de licenciement du 23 avril 1991 ; qu'en déclarant cependant le premier atteint par la prescription, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 122-44 du Code du travail ; qu'enfin, en ne recherchant pas, comme l'y invitait l'employeur, si les faits, établis par l'attestation Muscat selon laquelle M. X... utilisait, sans autorisation, ni comptabilité, ni contrôle, la carte de paiement de l'entreprise, ne caractérisaient pas objectivement une pratique de gestion douteuse de nature à ruiner la confiance de l'employeur en ce salarié, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sans méconnaître le principe de la contradiction, la cour d'appel a relevé, d'une part, que les disparitions de marchandises reprochées à M. X... remontaient à une époque où il était encore chef de dépôt avant le 6 septembre 1990 et qu'il ne pouvait être tenu pour responsable des disparitions constatées après qu'il eût été relevé de ces fonctions, et, d'autre part, que le grief tiré de la facturation de carburant pour son usage personnel ne pouvait, compte tenu du doute existant sur le bien-fondé de ce grief, être retenu à son encontre ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, elle a décidé que le licenciement de M. X... ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société France volaille fait grief à l'arrêt d'avoir dit que M. X... pouvait prétendre à un rappel de prime sur le chiffre d'affaires fondé sur les dispositions de son contrat de travail du 13 avril 1983, alors, selon le moyen, que les stipulations du contrat du 13 avril 1983, ainsi libellées : "A cette rémunération de base se rajouterait une commission de 1,5 % calculée sur le chiffre d'affaires qui dépasserait le chiffre d'affaires correspondant au salaire brut de base" étaient formulées au conditionnel ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du contrat visé, a violé l'article 1134 du Code civil ; qu'en toute hypothèse, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, hors toute contradiction, la cour d'appel a interprété les termes ni clairs ni précis du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France Volaille aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Texier, conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré en remplacement de M. le président Desjardins, empêché, en son audience publique du quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.