AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n° Q 96-42.257 et R 96-42.258 formés par la société La Renaissance, société anonyme dont le siège est ...,
en cassation de deux jugements (n 2/96/00007 et 2/96/00010) rendus le 1er mars 1996 par le conseil de prud'hommes de Libourne (Section commerce) , au profit :
1 / de Mme Andrée E..., demeurant ...,
2 / de Mme Catherine C..., demeurant ...,
3 / de M. Bruno D..., demeurant Cité Carriet, 46, rue des Marguerites, 33310 Lormont,
4 / de Mme Christiane Z..., demeurant "La Gravette" à Saint-Sulpice et Cameyrac, 33450 Saint-Loubes,
5 / de Mme Sylvie X..., demeurant antérieurement ..., actuellement sans domicile connu,
6 / de Mme Danielle B..., demeurant appartement 84, ...,
7 / de Mme Clotilde Y..., demeurant ...,
8 / de Mme Anne-Marie A..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 juin 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Boinot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de Me Ricard, avocat de la société La Renaissance, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Q 96-42.257 et R 96-42.258 ;
Sur le moyen unique, commun aux deux pourvois :
Attendu, selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Libourne, 1er mars 1996), que la société La Renaissance ayant refusé de payer la prime de fin d'année au titre de l'année 1988, Mme E... et 7 autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la société La Renaissance fait grief aux jugements de l'avoir condamnée au paiement de cette prime, alors, selon le moyen, premièrement, que le paiement d'une prime de fin d'année n'est obligatoire pour l'employeur que si elle répond aux trois critères de généralité, fixité et constance ; qu'en l'espèce, pour condamner l'employeur à payer une prime de fin d'année, le conseil de prud'hommes se borne à énoncer qu'il s'agit d'un usage, l'employeur ayant versé une prime chaque année, sans établir ni que son paiement répondait à un mode de calcul prédéterminé, fixe et précis, ni qu'elle avait été versée à l'ensemble du personnel de l'entreprise ou, à tout le moins, à une catégorie précise de salariés ; que sa décision manque de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et des articles L.140-1 et suivants du Code du travail ; alors, deuxièmement, qu'il appartient au salarié demandeur de justifier que le paiement d'une prime de fin d'année qu'il revendique est dû selon un usage constant, général et fixe ; que renverse la charge de la preuve le conseil de prud'hommes qui reproche à l'employeur, qui prétendait que cette prime variait selon les résultats de l'entreprise, de ne pas établir que le paiement de cette prime répondait à un mode de calcul prédéterminé et le condamne au paiement de cette prime "pour assumer les conséquences de son refus", violant ainsi l'article 1315 du Code civil ; alors, troisièmement, que dénature le compte-rendu du 15 décembre 1988 dans lequel les délégués du personnel demandent la prime de fin d'année au titre des avantages acquis et la note d'information du 8 février 1989, dans lesquels l'employeur précise que cette prime ne peut être payée en raison des difficultés économiques rencontrées par la société et qu'elle ne pourra l'être à l'avenir qu'en fonction des résultats, le conseil de prud'hommes, qui affirme que par ces documents l'employeur et les délégués du personnel parlent d'un usage que l'employeur envisage de modifier, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, quatrièmement, que le conseil de prud'hommes ne pouvait affirmer l'existence d'un usage commandant le paiement de la prime de fin d'année au prétexte que l'employeur l'avait écrit lui-même à de nombreuses reprises ; que ce motif d'ordre général, qui ne précise pas sur quels documents se fondait cette affirmation, ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, s'agissant de Mme Y..., que le conseil de prud'hommes a relevé que la prime litigieuse lui était due en vertu de son contrat de travail ;
Et attendu, d'autre part, que, pour les autres salariés, le conseil de prud'hommes a constaté, sans avoir à procéder à d'autres recherches, que la prime était due en vertu d'un usage reconnu par l'employeur qui avait voulu le dénoncer mais de manière irrégulière ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société La Renaissance aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Texier, conseiller le plus ancien, ayant participé au délibéré en remplacement de M. le président Desjardins, empêché, en son audience publique du quinze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.