Attendu que M. X.... est entré au service de la société Aubry le 27 juin 1988 en qualité de chauffeur-routier ; qu'il a participé, au mois de novembre 1996, au mouvement de grève des chauffeurs-routiers ; que, le 29 novembre 1996, alors qu'il était gréviste, il a participé à une altercation avec un chauffeur non gréviste, au cours de laquelle un camion appartenant à la société Nonin a été endommagé ; qu'il a été condamné pour destruction volontaire d'un bien à une peine d'emprisonnement avec sursis par jugement du 31 janvier 1997 du tribunal correctionnel ; que son employeur, après l'avoir convoqué par lettre du 4 février 1997 à un entretien préalable, l'a licencié pour faute lourde par lettre du 17 février 1997 ; que l'intéressé a saisi le juge des référés pour obtenir sa réintégration ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'exception de prescription tirée de l'article L. 122-44 du Code du travail, alors que, selon le moyen, ce texte interdit à tout employeur d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre d'un salarié au-delà du délai de 2 mois à compter du jour où il a eu connaissance d'un fait fautif de ce dernier ; que l'exercice de poursuites pénales à l'initiative d'un tiers, et non de l'employeur, n'a pas pour effet d'interrompre la prescription ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 122-44 du Code du travail : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales " ; qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales, que l'action publique ait été déclenchée sur l'initiative du ministère public, une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe de la victime, quelle que soit celle-ci, le délai de 2 mois pour engager les poursuites disciplinaires est interrompu par la mise en mouvement de l'action publique jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale ;
Et attendu que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir constaté que les faits commis le 28 novembre 1996 avaient donné lieu à des poursuites pénales engagées le 29 novembre 1996 et terminées par un jugement du 31 janvier 1997, a décidé que l'instance disciplinaire introduite le 7 février 1997 était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 521-1 et R. 516-31 du Code du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande de réintégration du salarié, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que M. X... ne discutait pas les faits qui ont été sanctionnés pénalement et que l'appréciation du degré de gravité des agissements fautifs constituait une question de fond que la formation de référé ne peut trancher ;
Attendu, cependant, qu'il appartient au juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d'un salarié gréviste auquel une faute lourde ne peut être reprochée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui appartenait de rechercher si M. X... avait commis une faute lourde, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 28 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.