CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., Y..., Z..., A...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 février 1997, qui, sur renvoi après cassation, a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de l'office public d'habitations à loyers modérés de l'Orne ainsi que les demandes d'annulation d'actes de la procédure présentées par eux et les a renvoyés devant le tribunal correctionnel pour escroqueries, faux et usage.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Z... et Y... et pris de la violation des articles R. 421-51 et R. 421-61.1 du Code de la construction et de l'habitation, L. 111-5 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'OPHLM du département de l'Orne ;
" aux motifs que l'article 13 du règlement intérieur de l'OPHLM du département de l'Orne, régulièrement adopté par le conseil d'administration dans sa séance du 1er juin 1964, dispose que "le président représente l'office et intente, s'il y a lieu, les actions en justice" ; que les 3 plaintes avec constitution de partie civile successivement déposées par B... au nom de l'OPHLM de l'Orne doivent dès lors être déclarées recevables sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la régularité de la délibération du 25 juillet 1988 ni, en conséquence, de surseoir à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'Etat la concernant ;
" alors que, d'une part, les dispositions de l'article R. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation donnant exclusivement pouvoir au conseil d'administration de l'office public d'habitations à loyer modéré pour régler les affaires de ceux-ci, il s'ensuit que les dispositions d'un règlement intérieur propre à un OPHLM donné en ce qu'elles prétendent attribuer ce pouvoir au président de l'OPHLM sont manifestement entachées d'illégalité puisque contrevenant à des dispositions réglementaires hiérarchiquement supérieures de sorte que la décision de la chambre d'accusation, qui, en faisant totalement abstraction de l'article R. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation, s'est fondée sur l'article 13 du règlement intérieur de l'OPHLM du département de l'Orne pour considérer que le président de cet OPHLM avait compétence pour décider seul de l'introduction d'une plainte avec constitution de partie civile au nom de cet organisme, est totalement dépourvue de base légale ;
" et alors que, d'autre part, par voie de conséquence, la chambre d'accusation ne pouvait se refuser, ainsi qu'elle l'a fait, d'examiner la régularité de la délibération du 25 juillet 1988 et de répondre à l'argument péremptoire du mémoire de Y... et Z... faisant valoir que cette délibération ne répondait pas aux exigences de l'article R. 421-61.1 du Code de la construction et de l'habitation " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour A... et X... et pris de la violation des articles R. 421-61 et R. 421-61.1 du Code de la construction et de l'habitation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de A... et X..., tendant à voir déclarer irrecevables les plaintes avec constitution de partie civile déposées au nom de l'OPHLM de l'Orne ;
" aux motifs que le règlement intérieur de l'office public d'habitations à loyer modéré du département de l'Orne, régulièrement adopté par le conseil d'administration dans sa séance du 1er juin 1964, dispose que : "le président représente l'office et intente, s'il y a lieu, les actions en justice" ; que les 3 plaintes avec constitution de partie civile successivement déposées par B... au nom de l'OPHLM de l'Orne doivent dès lors être déclarées recevables, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la régularité de la délibération du 25 juillet 1988 ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation, le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'office, le président du conseil d'administration se bornant à ordonnancer les dépenses ; qu'en décidant, néanmoins, que le président de l'OPHLM avait pouvoir de décider seul de l'introduction d'une plainte avec constitution de partie civile au nom de l'office, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la disposition de l'article 13 du règlement intérieur de l'OPHLM, selon laquelle le président "représente l'office et intente, s'il y a lieu, des actions en justice", se borne à définir l'organe de représentation de l'office aux yeux des tiers, mais ne confère pas au président le pouvoir d'intenter seul, sans autorisation du conseil d'administration, des actions en justice ; qu'ainsi, en déclarant recevable la plainte avec constitution de partie civile datée du 21 juillet 1988 et déposée le 25 juillet 1988 par le président de l'OPHLM au nom de l'office, l'arrêt attaqué a méconnu le sens de l'article 13 du règlement intérieur et violé l'article L. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation ;
" alors, de surcroît, et en tout état de cause, que la chambre d'accusation ne pouvait, conformément à l'article L. 111-5 du Code pénal, que constater l'illégalité des dispositions de l'article 13 du règlement intérieur, comme contrevenant aux dispositions réglementaires hiérarchiquement supérieures de l'article R. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation ; qu'en fondant sa décision sur l'article 13 du règlement intérieur, la chambre d'accusation a donc violé les articles R. 421-61 du Code de la construction et de l'habitation et L. 111-5 du Code pénal ;
" alors, de quatrième part, que la plainte avec constitution de partie civile de l'OPHLM de l'Orne déposée par son président nécessitait une délibération valable de son conseil d'administration ; que, la validité de la délibération du 25 juillet 1988 ayant été contestée par les demandeurs, la chambre d'accusation ne pouvait déclarer irrecevable la plainte avec constitution de partie civile, sans examiner la régularité de cette délibération ;
" alors, enfin, que la délibération du conseil d'administration du 25 juillet 1988, prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé au regard de l'article R. 421-61-1 du Code de la construction et de l'habitation, et intervenue postérieurement au dépôt de la plainte, ne pouvait donner au président pouvoir pour agir ; qu'il s'ensuit que la plainte avec constitution de partie civile, radicalement nulle, était irrecevable " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par arrêt en date du 6 avril 1993, la chambre criminelle de la Cour de Cassation, statuant sur un précédent pourvoi des inculpés, a approuvé la chambre d'accusation d'avoir admis que l'article 13 du règlement intérieur de l'office public d'habitations à loyers modérés de l'Orne autorisait son président à intenter une action en justice au nom de l'office, sans qu'une délibération spéciale du conseil d'administration à cet effet fût nécessaire ;
D'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion un point de droit définitivement jugé en la même cause à l'égard des mêmes parties, sont irrecevables ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Z... et Y... et pris de la violation des articles 80, 82, 86, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la saisine du juge d'instruction ;
" aux motifs que, s'il est soutenu en premier lieu que la plainte avec constitution de partie civile du 21 juillet 1988 ne vise aucun fait précis susceptible de revêtir une qualification pénale, le rapport C... du 20 juillet 1988 annexé à cette plainte ne contenant qu'une critique du contrat d'exploitation du chauffage du groupe la Madeleine à L'Aigle, il s'avère en réalité que les investigations menées par M. C... font apparaître que le prix de base du fuel facturé par la société D... à l'OPHLM de l'Orne a été majoré en 1981 de 40 %, qu'un écart de 30 % apparaît dans la facturation des années 1985 et 1986, générant une erreur de 969 825 francs au débit de l'office, que le poste de fourniture de combustible a été surévalué pendant 9 ans de 1978 à 1987 et que "la société D... dans un but de vraisemblance sous-estime volontairement le rendement des matériels qu'elle entretient pour justifier les consommations de fuel qui sont, ainsi qu'il a été démontré, erronées" ; que ce rapport révèle ainsi pour ce qui concerne le chauffage du groupe immobilier la Madeleine à L'Aigle des faits précis susceptibles de constituer à la charge des responsables de la société D... les délits d'escroquerie et de complicité d'escroquerie... qu'en second lieu, il est allégué que le réquisitoire introductif du 19 septembre 1988 ne délimite pas l'étendue de la saisine du juge d'instruction car il se contente de viser la constitution de partie civile sans se référer à un quelconque document relatif à des faits précis... qu'en réalité, ce réquisitoire vise en pièce jointe la constitution de partie civile du président de l'OPHLM de l'Orne à laquelle est annexé le rapport de M. C... susmentionné ; que le simple visa dans le réquisitoire introductif des pièces qui y sont jointes équivaut à une analyse des pièces ; que la saisine initiale du juge d'instruction est donc en l'espèce parfaitement précisée ; que les moyens tirés de l'irrégularité de la saisine du juge d'instruction seront donc écartés ;
" alors qu'une information ne pouvant être légalement ouverte que sur une présomption d'infraction déterminée et la saisine du juge d'instruction se trouvant strictement limitée aux faits précisément exposés dans la plainte avec constitution de partie civile ou dans le réquisitoire introductif, il s'ensuit que cette plainte ou ce réquisitoire, lorsqu'ils ne contiennent l'indication d'aucun fait susceptible de recevoir une qualification pénale, ne sauraient légalement justifier l'ouverture d'une information, ce qui était précisément le cas en l'espèce où il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt que la seule pièce sur laquelle se fondait la plainte avec constitution de partie civile de l'OPHLM du département de l'Orne, en l'occurrence le rapport de M. C..., ne faisait état tout au plus que d'un simple mensonge si ce n'est d'une erreur ; que, dès lors, cette plainte n'ayant pu saisir le juge d'instruction d'aucun fait déterminé susceptible de recevoir une qualification pénale, et ce pas plus que le réquisitoire introductif, lequel se bornait à viser ladite plainte ainsi que le rapport précité de M. C..., il en résulte dès lors que l'ouverture d'une information faite sur la base de faits imprécis et manifestement insusceptibles d'une qualification pénale est radicalement entachée de nullité ainsi que toute la procédure subséquente contrairement à ce qu'a considéré la chambre d'accusation dont la décision s'avère privée de toute base légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour A... et X... et pris de la violation des articles 80, 82, 86, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la saisine du juge d'instruction, présentée par A... et X... ;
" aux motifs que le rapport C... du 20 juillet 1988 annexé à la plainte initiale, complété par de nouveaux rapports précis et circonstanciés, annexés aux plaintes des 23 décembre 1988 et 27 février 1989, font apparaître une facturation erronée entre 1978 et 1987 ; que ce rapport révèle ainsi des faits précis susceptibles de constituer à la charge des responsables de la société D... les délits d'escroquerie ou de complicité d'escroquerie ; que le réquisitoire introductif du 19 septembre 1988 vise la constitution de partie civile du président de l'OPHLM de l'Orne, à laquelle est annexé le premier rapport C... ; qu'il s'ensuit que la saisine initiale du juge d'instruction est parfaitement précisée ;
" alors, d'une part, que le réquisitoire introductif du 19 septembre 1988, simple réquisitoire suivant la plainte avec constitution de partie civile sur le fondement de l'article 86 du Code de procédure pénale, se borne à viser cette constitution de partie civile du président de l'OPHLM de l'Orne ; que, dès lors que cette plainte était irrégulière et irrecevable, le réquisitoire, faute de préciser lui-même les faits objet de la saisine du juge d'instruction, était lui-même nul ;
" alors, d'autre part, que la plainte avec constitution de partie civile à laquelle était annexé le rapport C... ne faisant état que de facturations erronées, sans viser aucun fait précis susceptible de recevoir une qualification pénale, ne pouvait valablement saisir le juge d'instruction de faits précis pénalement qualifiables ; qu'il s'ensuit que la saisine du juge d'instruction était irrégulière " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'aucun moyen de nullité ne saurait être tiré de ce que les délits dénoncés auraient été insuffisamment caractérisés dans la plainte avec constitution de partie civile, dès lors que l'objet de l'information, à laquelle le juge d'instruction avait le devoir de procéder en application de l'article 86 du Code de procédure pénale, était précisément de vérifier la réalité des infractions alléguées ;
Qu'il s'ensuit que les moyens, qui, pour le surplus, reviennent à remettre en cause l'analyse souveraine, par la chambre d'accusation, des pièces annexées au réquisitoire introductif, d'où elle a déduit que les faits, objet de la saisine du juge d'instruction, étaient précisément déterminés, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Z... et Y... et pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 368 de l'ancien Code pénal, 226-1 du Code pénal, 81, 100, 100-1, 100-2, 100-4, 100-5, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de loyauté dans la recherche de la preuve, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la décision du juge d'instruction de verser au dossier de la procédure des pièces et enregistrements obtenus en violation des dispositions légales ;
" aux motifs que, d'une part, s'il est allégué que MM. E... et F..., tous 2 chefs de l'agence départementale de la société D..., auraient remis au juge d'instruction des pièces frauduleusement obtenues dans le but de fournir des éléments à charge contre les personnes mises en examen et que les intéressés auraient été condamnés pour avoir détourné ces pièces au préjudice de leur employeur, la Cour relève qu'aucune disposition légale ne permet au juge d'instruction de refuser de joindre à la procédure des pièces spontanément remises par un témoin ou par une personne mise en examen aux motifs qu'elles auraient été obtenues de façon illicite ou déloyale, de telles pièces ne revêtant pas le caractère d'actes d'instruction susceptibles d'être annulés mais ne constituant que des moyens de preuve dont la valeur peut être discutée contradictoirement ; et que, d'autre part, concernant les cassettes d'enregistrement remises par M. G..., partie civile, l'examen de la procédure révèle que les enregistrements critiqués se rapportent à des conversations antérieures à l'ouverture de l'information tenues entre M. G... et divers cadres de la société D... ; que ces conversations ont été enregistrées par M. G... à l'insu de ses interlocuteurs ; que les cassettes contenant lesdits enregistrements ont été remises au magistrat instructeur par M. G..., partie civile, au cours de sa première audition le 3 novembre 1988 ; qu'une transcription a ensuite été faite par le commissaire Gaillardon puis par un expert désigné à cette fin par le magistrat ; que, toutefois, comme il a été indiqué, le juge d'instruction ne peut refuser d'annexer à la procédure des documents produits par les parties à l'appui de leur défense, auraient-ils été obtenus par des procédés déloyaux ; que les transcriptions ordonnées en l'espèce par le juge d'instruction et rendues nécessaires pour la consultation des enregistrements ne constituent que des éléments de preuve pouvant être contradictoirement discutés par les parties ;
" alors qu'en vertu des dispositions de l'article 81 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction jouissant d'une totale indépendance dans la détermination et la mise en oeuvre des actes d'instruction a par là même corrélativement la faculté de refuser de verser au dossier des pièces remises par des tiers ou des parties, a fortiori lorsque celles-ci ont été obtenues en violation des dispositions légales et ne saurait en tout état de cause, sans méconnaître le devoir de loyauté qui lui incombe dans la recherche de la vérité, ordonner des actes d'instruction sur le fondement de pièces dont il sait qu'elles ont été obtenues de manière illicite ; qu'il s'ensuit, dès lors que, d'une part, le juge d'instruction ne pouvait, sans violer ce principe, verser au dossier des documents remis par des tiers ayant une provenance manifestement délictueuse contrairement à ce qu'a considéré la chambre d'accusation par une analyse erronée des pouvoirs et des devoirs du juge d'instruction, que, d'autre part, en tout état de cause, en ordonnant la transcription par un commissaire de police puis par un expert désigné à cette fin d'enregistrements effectués par une partie civile à l'insu de ses interlocuteurs et en violation de l'article 368 ancien du Code pénal alors en vigueur, le juge d'instruction, en ordonnant ainsi une mesure permettant d'utiliser des éléments dont il ne pouvait ignorer qu'ils avaient été obtenus au moyen de la commission d'un délit, a manifestement violé l'obligation de loyauté dans la recherche de la preuve de sorte que la chambre d'accusation ne pouvait, sans entacher sa décision d'un manque de base légale, s'abstenir de prononcer la nullité des actes d'instruction ainsi accomplis par le juge d'instruction et consistant dans les décisions de faire transcrire les enregistrements puis d'ordonner une expertise à cette fin " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour A... et X... et pris de la violation du principe de loyauté dans la recherche de la preuve pénale, des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 368 du Code pénal abrogé, 226-1 du Code pénal, 81 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la décision du juge d'instruction de verser au dossier de la procédure des documents et enregistrements obtenus en violation de dispositions légales, ainsi que des actes de procédure pris par le juge d'instruction à propos de ces éléments (demande de transcription, expertise) ;
" aux motifs qu'aucune disposition légale ne permet au juge d'instruction de refuser de joindre à la procédure des pièces spontanément remises par un témoin, par une personne mise en examen ou par une partie civile, aux motifs qu'elles auraient été obtenues de façon illicite ou déloyale, de telles pièces constituant des moyens de preuve dont la valeur peut être discutée contradictoirement ; que les moyens tirés de la violation du principe de la loyauté des preuves, invoqués à propos des pièces et cassettes d'enregistrement fournies par M. E..., témoin, M. F..., personne mise en examen, et M. G..., partie civile, seront donc écartés ;
" alors, d'une part, que, conformément au principe de la loyauté des preuves, une juridiction pénale d'instruction ou de jugement ne peut déclarer admissibles des preuves obtenues par ruse, dissimulation, surprise ou tout autre moyen déloyal, illicite ou illégal, de tels stratagèmes étant de nature à vicier la recherche de la vérité ; qu'en décidant d'admettre comme élément de preuve des pièces et cassettes d'enregistrement dont les demandeurs démontraient l'origine frauduleuse, le juge d'instruction a violé le principe de la loyauté dans la recherche de la preuve pénale ; qu'en s'abstenant de prononcer la nullité de cette décision, la chambre d'accusation a violé les textes et principes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'en ordonnant la transcription par un commissaire de police, puis par un expert désigné à cette fin, des enregistrements obtenus de façon illégale, le juge d'instruction a violé l'obligation de loyauté dans la recherche de la vérité ; qu'il s'ensuit qu'en s'abstenant de prononcer la nullité des actes d'instruction ainsi accomplis par le juge d'instruction, la chambre d'accusation a violé les textes et principes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les inculpés ont invoqué devant la chambre d'accusation un moyen de nullité pris de la violation du principe de la loyauté des preuves en faisant valoir, d'une part, qu'un témoin et l'un de leurs coïnculpés avaient remis au juge d'instruction des documents comportant des éléments à charge qui, bien qu'obtenus de manière frauduleuse, avaient été annexés par le juge aux procès-verbaux d'audition ou d'interrogatoire et, d'autre part, que le magistrat avait également joint à la procédure et fait transcrire des enregistrements de conversations téléphoniques remis par la partie civile après avoir été effectués par elle à l'insu de ses interlocuteurs, Z..., Y... et X... ;
Attendu qu'en écartant l'argumentation des inculpés par les motifs repris aux moyens, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, la circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une partie ou un témoin aient été obtenus par des procédés déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'ils ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ; que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation ;
D'où il suit que les moyens, pour partie irrecevables en ce qu'ils sont proposés pour A..., lequel est sans qualité à invoquer l'irrégularité de l'enregistrement des propos tenus par ses coïnculpés, doivent être écartés ;
Mais sur le troisième moyen de cassation proposé pour Z... et Y... et pris de la violation des articles 156, 157-1, 166, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'expertise réalisée par M. Charly F... ;
" aux motifs que, par ordonnance en date du 1er septembre 1989, le juge d'instruction a désigné Charly F..., chef de la division métrologie, qualité normalisation, Direction régionale de l'industrie et de la recherche, région Alsace, expert près de la cour d'appel de Colmar, pour réaliser le contrôle des étalonnages des compteurs volumétriques à l'usine Schlumberger à Hagueneau ; que le magistrat a précisé que le rapport de Charly F... serait intégralement annexé au rapport des experts K... et B... ; que si les appelants exposent qu'il ressort du rapport déposé le 8 janvier 1990 que Charly F... n'a pas procédé personnellement à la mission qui lui était confiée, que celle-ci a été exécutée par une personne non habilitée, Florence B... , technicien de l'industrie et des mines à la Direction régionale de l'industrie et de la recherche d'Alsace et qu'à la page 4 du rapport, il est mentionné que c'est Florence B... qui a examiné, les 7 et 8 septembre 1989, l'ensemble des mesureurs et qui en a tiré toutes observations et conclusions utiles, ce rapport étant par ailleurs signé de Florence B... et Charly F... n'ayant fait que le viser et le transmettre avec avis conforme, la Cour relève qu'il résulte de l'ordonnance du juge d'instruction que Charly F... a été désigné pour procéder au contrôle des étalonnages des compteurs volumétriques en sa qualité de chef de la division métrologie ; que, comme l'indique le rapport critiqué, en tant qu'instrument de mesure les compteurs d'énergie thermique sont soumis au contrôle de l'Etat ; qu'ils sont notamment réglementés par le décret du 30 novembre 1944 modifié par celui du 6 mai 1988 et par le décret du 10 décembre 1976 relatif au contrôle des instruments de mesure ; qu'il résulte de ces textes et notamment de l'article 2 du décret précité du 10 décembre 1976 que sont soumis à une vérification périodique des agents commissionnés à cet effet les instruments utilisés dans des expertises judiciaires ;
" qu'en l'espèce, les opérations techniques de vérification des compteurs ont été réalisées par Florence B... , technicien de l'industrie des mines à la Direction régionale de l'industrie et de la recherche d'Alsace ; que le rapport critiqué a été établi sous le timbre de cette direction ; que Florence B... a signé ce document mais que Charly F... , son chef de service, l'a également signé en apposant la mention "vu et transmis avec avis conforme, pour le directeur régional de l'industrie et de la recherche" ; qu'il s'ensuit que les opérations d'étalonnage des compteurs thermiques ont été effectuées sous le contrôle de Charly F... , par un agent de son service commissionné à cet effet, conformément aux prescriptions de l'ordonnance du juge d'instruction du 1er septembre 1989 et dans le respect des textes réglementaires applicables ; que les expertises critiquées sont donc régulières ;
" alors que l'expert étant choisi par le juge d'instruction en raison de sa compétence propre ne peut déléguer à des tiers le pouvoir qu'il tient de la juridiction qui l'a nommé et se doit, conformément aux dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale, d'accomplir personnellement la mission qui lui a été confiée, à défaut de quoi l'expertise se trouve radicalement entachée de nullité, ce qui est nécessairement le cas en l'espèce où il est dûment établi que les opérations d'expertise ont été réalisées par une autre personne que l'expert désigné entraînant la nullité radicale de ladite expertise ainsi que de tous les actes subséquents, la circonstance que le tiers ait été un technicien du service dirigé par l'expert désigné par le juge d'instruction et que ledit service soit chargé, en application de diverses dispositions réglementaires, du contrôle des instruments de mesure dont la vérification périodique des instruments utilisés dans les expertises judiciaires étant parfaitement inopérante à couvrir l'irrégularité ainsi commise, la désignation d'un homme de l'art en qualité d'expert supposant en effet la reconnaissance de sa compétence personnelle et spécifique qui exclut par là même la délégation " ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé pour A... et X... et pris de la violation des articles 156, 157-1, 166, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'expertise réalisée par Charly F... ;
" aux motifs qu'il résulte de l'ordonnance du juge d'instruction du 1er septembre 1989 que Charly F... a été désigné pour procéder au contrôle des étalonnages des compteurs volumétriques en sa qualité de chef de la division métrologie, qualité normalisation, à la Direction régionale de l'industrie et de la recherche, région Alsace ; que la réglementation prévoit une vérification périodique, par des agents commissionnés à cet effet, des instruments utilisés dans des expertises judiciaires ; qu'en l'espèce, les opérations techniques de vérification des compteurs ont été réalisées par Mlle B... , technicien de l'industrie des mines à la Direction régionale de l'industrie et de la recherche d'Alsace ; que le rapport d'expertise a été établi sous le timbre de la Direction régionale de l'industrie et de la recherche d'Alsace, et signé par Mlle B... ; que Charly F... , chef de service de cette dernière, a également signé le rapport, en y apposant la mention "vu et transmis avec avis conforme ; pour le directeur général de l'industrie et de la recherche" ; qu'il s'ensuit que les opérations d'étalonnage des compteurs thermiques ont été effectuées sous le contrôle de Charly F... , par un agent de son service commissionné à cet effet ;
" alors qu'aux termes de l'article 166 du Code de procédure pénale, les experts doivent personnellement accomplir les opérations qui leur sont confiées, et en attester ; que l'ordonnance du 1er septembre 1989 fait apparaître que l'expertise a été confiée à Charly F... , personne physique, auquel il appartenait d'accomplir personnellement les opérations objet de l'expertise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les opérations d'étalonnage des compteurs thermiques, objet de l'expertise, ont été effectuées par Mlle B... , technicien de la DRIR d'Alsace, que le rapport d'expertise a été établi sous le timbre de la DRIR et signé par Mlle B... , et que Charly F... l'a seulement contresigné ; qu'il s'ensuit que l'expertise litigieuse du 8 janvier 1990 ne répondait pas aux exigences de l'article 166 du Code de procédure pénale, et devait être annulée, de même que l'expertise K... et Be... du 19 novembre 1990 dont elle est partie intégrante " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 166 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les experts désignés par le juge d'instruction doivent accomplir personnellement la mission qui leur est confiée ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par ordonnance en date du 1er septembre 1989, le juge d'instruction a désigné Charly F... , " chef de la division métrologie, qualité normalisation, direction régionale de l'industrie et de la recherche, région Alsace, expert près la cour d'appel de Colmar ", avec mission de " réaliser un contrôle des étalonnages de compteurs volumétriques à l'usine Schlumberger d'Haguenau " ; qu'il ressort du rapport d'expertise, établi sous le timbre de cette direction, que les opérations techniques de vérification des compteurs ont été effectuées par Florence B... , " technicien de l'industrie et des mines " appartenant au service dirigé par Charly F... ; que celui-ci a signé le rapport à la suite de sa collaboratrice et apposé la mention " vu et transmis avec avis conforme, pour le directeur régional de l'industrie et de la recherche " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que l'expert désigné n'avait pas accompli personnellement sa mission, la chambre d'accusation retient que l'expertise a été confiée à Charly F... en sa qualité de chef de service à la Direction régionale de l'industrie et de la recherche et que les instruments contrôlés étaient soumis à une vérification périodique en application de l'article 2 du décret du 10 décembre 1976 réglementant les compteurs d'énergie thermique ; que les juges en déduisent que l'expertise effectuée, sous le contrôle de Charly F... , par un agent de son service commissionné à cet effet conformément au décret précité, doit être tenue pour régulière ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'ordonnance du juge d'instruction, qui se bornait à rappeler les titres et fonctions de Charly F... , l'avait désigné personnellement pour procéder à l'expertise et alors que l'appartenance de l'expert désigné à un service de l'Etat ne l'autorisait pas à faire exécuter par l'un de ses subordonnés la mission qui lui avait été personnellement confiée, la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que l'expertise irrégulière n'est pas indissociable du rapport d'expertise de MM. K... et Be..., auquel elle est annexée ; que, par ailleurs, ni les actes subséquents, ni les énonciations de l'arrêt attaqué relatives aux charges retenues contre les inculpés ne s'y réfèrent ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 17 février 1997, mais seulement en ce qu'il a refusé d'annuler l'expertise confiée à Charly F... , annexée au rapport de MM. Be... et K... (cote D 3514, annexe 6) ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
PRONONCE l'annulation de ladite expertise ;
DIT que l'expertise annulée sera retirée du dossier d'information et classée au greffe de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT qu'en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, la cassation aura effet, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, à l'égard de F... et H... qui ne se sont pas pourvus.