AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de X... ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Marc,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 22 décembre 1998, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat et de tentative d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 194 et 197 du Code de procédure pénale, 5 et 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté du juge d'instruction en date du 7 décembre 1998 ;
"aux motifs que le mis en examen appelant est non comparant ; que son avocat, bien que régulièrement avisé, ne s'est pas présenté et que Marc A... ne fait valoir aucun élément nouveau depuis que cette Cour a rejeté ses précédentes demandes de mise en liberté par des arrêts des 12 octobre 1998 et 16 novembre 1998 dont la motivation conserve toute sa pertinence ;
"alors que la formalité imposée par l'article 197 du Code de procédure pénale de notifier aux parties et à leurs conseils la date de l'audience où sera appelée une cause soumise à la chambre d'accusation est essentielle aux droits des parties et doit être observée à peine de nullité de l'arrêt à intervenir ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces de la procédure, que le seul nom d'avocat figurant dans l'arrêt est celui de Me Y..., avocat premier choisi à qui la notification devait être faite ; que cet avocat avait donné pour seule et unique adresse de son cabinet au magistrat instructeur celle du ... IV, 75004 Paris ; que, cependant, les services du Parquet ont, en dehors de toute initiative de la part de Me Y..., notifié la date de l'audience à son cabinet prétendument situé au ..., cependant que sa nouvelle adresse est en réalité au ... ; qu'en conséquence, la lettre recommandée prévue à l'article 197 est revenue avec la mention "refusée - retour à l'envoyeur " et Me Y... n'a pu, ni déposer de mémoire, ni présenter d'observations orales au nom de son client ; que cette notification est doublement irrégulière comme résultant d'abord d'une initiative du Parquet faisant obstacle à ce que les ordres donnés par Me Y... à la Poste pour faire suivre son courrier puissent être exécutés, et comme procédant en second lieu d'une erreur, la notification ayant été faite à une adresse qui n'existait
pas ;
que Marc A... ayant été ainsi privé de toute possibilité de se défendre devant la chambre d'accusation, I'arrêt doit être annulé en vertu du principe susvisé ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 194 et 197 du Code de procédure pénale qu'en matière de détention provisoire, il importe peu que la chambre d'accusation ait statué dans le délai de quinze jours de l'inscription de l'appel prévu par l'article 186, dès lors que sa décision, consistant en un refus de mise en liberté du mis en examen, a été rendue au terme d'une procédure irrégulière et que, dans ce cas, celui-ci doit être mis d'office en liberté ;
"alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 5 et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme, que le respect des dispositions de droit interne concernant les droits de la défense, particulièrement dans le domaine de la détention provisoire, doit être assuré de manière effective tant par le ministère public que par les juridictions d'instruction dans les domaines respectifs qui sont les leurs" ;
Vu les articles 197 et 198 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la date de l'audience de la chambre d'accusation doit, en matière de détention provisoire, être notifiée par lettre recommandée expédiée au moins 48 heures à l'avance aux parties et à leurs avocats, qui ont la faculté de déposer des mémoires et de présenter des observations à l'audience ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'avis prévu à l'article susvisé, destiné à informer l'avocat de Marc A... que l'affaire serait examinée à l'audience du 22 décembre 1998, n'est pas parvenu audit avocat, l'adresse étant erronée ; que, lors de cette audience, Marc A... n'a pas comparu ; que son avocat ne s'est pas présenté ; qu'aucun mémoire n'a été produit ;
Qu'il s'ensuit que les droits de la défense, que les textes susvisés ont pour objet de préserver, ont subi une atteinte ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 22 décembre 1998, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Guilloux conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;