AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile professionnelle (SCP) Guillemot-Augagneur-Pin, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 avril 1997 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile, 1re Section), au profit :
1 / de M. Y..., demeurant ..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Tomassimo,
2 / de Mme Du X..., demeurant ..., prise en sa qualité de liquidation de la liquidation judiciaire de la société Via pizza restauration,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mars 1999, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Poullain, Métivet, conseillers, M. Boinot, Mme Champalaune, M. de Monteynard, Mme Gueguen, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCP Guillemot-Augagneur-Pin, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Orléans, 24 avril 1997) que la société Tomassimo, qui avait, par acte sous seing privé du 21 décembre 1989, acheté le fonds de commerce de restaurant, pizzeria, salon de thé de la société Via pizza restauration, a assigné cette dernière en réduction du prix, prétendant avoir été trompée sur les résultats du fonds ; qu'elle a aussi recherché la responsabilité de la SCP Guillemot-Augagneur-Pin qui avait rédigé l'acte de vente ;
Attendu que la société Guillemot-Augagneur-Pin fait grief à l'arrêt de sa condamnation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel a expressément constaté qu'il résultait des seules écritures régulièrement signifiées par M. Y..., ès qualités, que sa demande dirigée à son encontre était fondée sur l'application de l'article 13, alinéas 1 et 2, de la loi du 29 juin 1935 ; qu'ayant, par ailleurs, déclaré irrecevable l'action engagée par la société Tomassimo sur le fondement de cette dernière disposition, la cour d'appel ne pouvait, dès lors, prenant ainsi en considération les conclusions signifiées par M. Y..., ès qualités, le 12 février 1997, et qu'elle avait écartées des débats, déclarer la SCP solidairement tenue au paiement d'une somme de 300 000 francs au motif que celle-ci aurait dû avertir l'acquéreur des risques encourus à raison de la mention trop imprécise de l'acte de vente relative aux résultats nets du fonds cédé, sans violer les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, la cour d'appel, qui a déclaré irrecevable l'action de la société Tomassimo fondée sur la loi du 29 juin 1935, ne pouvait retenir la responsabilité solidaire de la SCP Guillemot-Augagneur-Pin pour n'avoir pas attiré l'attention de la société Tomassimo sur l'imprécision des mentions exigées par la loi du 29 juin 1935 et exigé que le résultat net propre au fonds cédé soit fourni à l'acquéreur, sans violer les articles 13 et 14 de la loi du 29 juin 1935 et l'article 1147 du Code civil ; et alors, enfin, qu'au surplus, la cour d'appel a relevé que l'acte de vente litigieux stipulait que "les résultats n'étaient pas identifiables, étant confondus avec ceux des autres établissements de la société Via pizza restauration" ; qu'il résultait d'une telle constatation que l'acquéreur avait conclu la vente après avoir été informé de ce qu'il ne disposait pas des résultats nets du fonds cédé ;
qu'en retenant néanmoins la responsabilité du rédacteur de l'acte, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a constaté qu'il résultait des écritures régulièrement signifiées le 23 février 1996 par la société Tomassimo que la demande de cette dernière était fondée, non seulement sur l'inobservation des dispositions de l'article 13 de la loi du 29 juin 1935, mais aussi sur les fautes du rédacteur de l'acte qui, d'une part, se serait rendu complice du dol commis par le vendeur, d'autre part, aurait méconnu son devoir de conseil ; que la société Guillemot-Augagneur-Pin l'a, du reste, bien entendu ainsi puisqu'elle a expressément répondu à chacun de ces griefs dans ses conclusions du 13 mai 1996 ; que c'est donc sans violer les textes visés à la première branche du moyen qu'après avoir déclaré la demande irrecevable en ce qu'elle était fondée sur la loi du 29 juin 1935, la cour d'appel l'a examinée en chacun de ses autres fondements ;
Attendu, d'autre part, que les dispositions spéciales de l'article 13, alinéa 2, de la loi du 29 juin 1935 n'interdisent pas à l'acquéreur d'un fonds de commerce de rechercher la responsabilité de droit commun du rédacteur de l'acte de vente, notamment pour violation de son devoir de conseil, quand bien même les manquements allégués auraient trait à l'inexactitude des énonciations obligatoires portées à l'acte ;
Attendu, enfin, qu'ayant relevé que la société Guillemot-Augagneur-Pin avait négligé d'avertir la société Tomassimo, inexpérimentée, des risques encourus en raison de l'imprécision de l'énonciation relative aux chiffres d'affaires qui, faute d'individualiser les résultats propres au fonds cédé, la mettaient dans l'impossibilité d'apprécier la rentabilité de ce fonds au cours des trois dernières années, et, partant, la charge de l'investissement accompli, la cour d'appel a pu retenir que cette société avait failli à son devoir de conseil ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Guillemot-Augagneur-Pin aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du dix-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.