Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale a, en mai 1988, consenti un crédit à la société Gerbaud à la suite de la défaillance d'un important client ; que M. X..., Mme X... et Mme Y... ont, alors, souscrit au profit de la banque un cautionnement solidaire à concurrence de 1 300 000,00 francs ; qu'à la suite de la dénonciation de son cautionnement par Mme Y..., la banque a invité les trois cautions à payer la dette de la société ; que, pour isoler les engagements garantis, la banque a ouvert alors un nouveau compte destiné à comptabiliser les opérations nouvelles ; que le 1er août 1989, la banque a rejeté des chèques et, le 24 août 1989, a assigné la société Gerbaud en paiement de la somme de 2 739 383,60 francs, outre intérêts, et chacune des trois cautions au paiement de la somme de 1 300 000,00 francs, outre intérêts ; que la société X... a été mise en redressement judiciaire le 5 septembre 1989 ; que le représentant des créanciers a engagé une action en responsabilité contre la Société générale, en lui reprochant la rupture de ses crédits sans préavis ; que la Société générale a prétendu que lors de la rupture de ses crédits, la société X... était en situation irrémédiablement compromise ;
Attendu que pour rejeter le moyen de défense de la banque tendant à la constatation de la situation irrémédiablement compromise de la société Gerbaud en août 1989, la cour d'appel retient qu'une telle prétention se heurte au fait que la société, après avoir été admise au redressement judiciaire, a été en mesure de présenter un plan de redressement par continuation qui n'a pas fait l'objet d'une demande de résolution ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, se référant à une décision judiciaire organisant un plan de continuation d'une entreprise, assorti, comme en l'espèce, d'un report de l'exigibilité des créances, et de diverses mesures de restructuration, et, ainsi impropres à exclure que l'entreprise ait été en situation irrémédiablement compromise avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, lors de la rupture de ses crédits par la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau.