CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Georges,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 26 février 1998, qui, pour escroquerie, défaut de justification de garantie financière par un intermédiaire en opération de banque et rémunération anticipée d'un intermédiaire en matière de prêt d'argent, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement dont 16 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 313-1 du nouveau Code pénal, de l'article 405 de l'ancien Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges X... coupable du délit d'escroquerie et l'a condamné à payer diverses indemnités aux parties civiles ;
" aux motifs que Georges X... a soutenu avoir agi en qualité de fiduciaire légal de la société OCC ayant son siège à Baltimore aux Etats-Unis et qui a, notamment, pour objet de réaliser toutes les opérations financières et d'émettre des documents de garantie ou tout autre document afin de garantir les affaires qu'elle a acceptées ; qu'il a prétendu qu'il s'était assuré du sérieux de la société OCC en se faisant adresser les bilans des exercices 1990 et 1991 et que son rôle avait consisté à renseigner la société OCC sur la valeur des documents juridiques présentés par les clients ; qu'il n'aurait perçu aucune rémunération sur les sommes versées par Jean-Claude A... et les époux Z... ; que le commitment du 6 juin 1992 établi au profit de la société IFM était devenu sans valeur au motif que François B... avait retiré les garanties hypothécaires promises à la société OCC ; qu'il n'était pas intervenu dans le dossier des époux Z... où il s'était contenté de recevoir le chèque de 120 000 francs aussitôt transmis à OCC ; que, cependant, Georges X... n'a pas produit un contrat fixant le but et les conditions de sa collaboration avec la société OCC ; que l'expertise demandée par le magistrat instructeur a fait apparaître que le document intitulé commitment du 6 juin 1992 ne pouvait servir de garantie à une banque française pour consentir un prêt à la société IFM, compte tenu des pratiques, usages et réglementation bancaires ; que l'expert a indiqué que les éléments dont il a disposé laissent apparaître que la société OCC a une activité trop récente et un chiffre d'affaires trop modeste avec des pertes antérieures et une rentabilité dérisoire en 1993, n'entraînant aucune crédibilité vis-à-vis des créanciers ; qu'elle se caractérisait par une absence de transparence en matière de communication de documents comptables et de statuts ; que le sérieux et la notoriété de la société OCC n'étaient donc pas établis ; que le rôle de Georges X... ne s'est pas limité à renseigner la société américaine OCC sur la valeur des documents présentés par les clients ; qu'il est personnellement intervenu dans les tractations entre ces derniers et les dirigeants de la société OCC et qu'il a réceptionné des fonds ; qu'il a été l'ancien animateur de la société Eurocrédit et que les bureaux de cette société se situaient dans les mêmes locaux que son cabinet professionnel ; que Georges X... a reconnu que François B... n'avait pas signé l'acte de cautionnement au profit de la société OCC et que l'argument de Georges X... selon lequel le commitment du 6 juin 1992 serait devenu sans valeur au motif que François B... avait retiré sa garantie est donc sans valeur ; que Georges X... ne saurait sérieusement soutenir s'être borné à faire transiter des fonds dans le dossier des époux Z... alors qu'il résulte d'un courrier adressé le 20 novembre 1992 par Me Y..., notaire et conseil des époux Z..., que le prévenu lui avait demandé que ces derniers établissent un chèque de 120 000 francs à son ordre ; qu'il est ainsi illusoire et chimérique de laisser espérer à Jean-Claude A..., François B... et aux époux Z..., clients de la société OCC, que la simple présentation du document intitulé commitment permettrait l'obtention de prêts auprès d'établissements bancaires français ;
qu'il apparaît ainsi que Georges X..., se prévalant de sa qualité d'avocat, s'est livré à des opérations d'intermédiaire financier par l'entremise de la société Euro Crédit (jugement entrepris, page 3, alinéa dernier, pages 4, 5, 6, alinéas 1, 2) ;
" 1° alors que Georges X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que Monique Z... avait rencontré les représentants de la société OCC avec lesquels elle s'était mis d'accord pour le versement de la somme de 120 000 francs et ce, avant de connaître Georges X... ; que ses rapports avec les époux Z... étaient postérieurs à la remise par eux de la somme de 120 000 francs reversée intégralement à la société OCC ; et que le seul fait antérieur à cette remise, relevé par le tribunal, consistait dans un appel téléphonique au notaire pour lui indiquer de faire établir le chèque de 120 000 francs à son ordre ; qu'il en déduisait qu'il n'avait donc entrepris aucune intervention auprès des époux Z... qui serait déterminante de la remise de la somme litigieuse de 120 000 francs ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que la cour d'appel, en se bornant, dans l'affaire Z..., à relever que Georges X... avait indiqué au notaire, conseil des époux Z..., que ceux-ci devaient établir le chèque de 120 000 francs à son ordre, sans relever l'existence de manoeuvres, antérieures à la remise de cette somme et déterminante du consentement des époux Z..., n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3° alors que, pour retenir Georges X... dans les liens de la prévention du chef d'escroquerie au préjudice de la société IFM, la cour d'appel a affirmé qu'il s'était livré à des opérations d'intermédiaire financier par l'entremise de la société Euro Crédit dont il serait le dirigeant de fait ; qu'en se bornant à relever que le dirigeant de droit de cette société était la compagne de Georges X... et que cette société avait ses bureaux dans les mêmes locaux que son cabinet d'avocat, sans caractériser des actes d'immixtion de Georges X... dans la gestion de cette société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 4° alors que la cour d'appel s'est bornée à retenir que la garantie accordée par la société OCC à Jean-Claude A... et aux époux Z... était sans valeur pour l'obtention de prêts auprès d'établissements bancaires en France ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette garantie n'était pas reconnue par des établissements bancaires étrangers auprès desquels les prêts auraient pu être souscrits ou si Georges X... avait persuadé les parties civiles de la validité de cette garantie auprès des banques françaises, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 5° alors que le délit d'escroquerie n'est établi que si le prévenu a, en toute connaissance de cause, participé à des manoeuvres frauduleuses déterminantes du consentement de la victime ; que l'intention frauduleuse ne peut résulter de la négligence ou de l'absence de précaution ; que la cour d'appel s'est, en l'espèce, bornée à relever que la société OCC ne présentait pas les garanties de sérieux suffisantes et que la garantie bancaire, intitulée "commitment", qu'elle avait délivrée à Jean-Claude A... et aux époux Z... contre rémunération, était sans valeur auprès des établissements bancaires français ; qu'en omettant de rechercher si Georges X... connaissait l'insuffisance de la surface financière de la société OCC et le fait que la garantie bancaire qu'elle accordait ne pouvait permettre aux intéressés d'obtenir le prêt souhaité, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit en violation des textes susvisés " ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;
Attendu que, pour déclarer Georges X... coupable d'escroquerie, la cour d'appel se borne à énoncer que l'intéressé " a repris devant elle les moyens de défense soutenus devant le tribunal auxquels les premiers juges ont répondu par des motifs précis, pertinents et fondés en droit auxquels la Cour se réfère expressément " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir que son intervention avait été postérieure à la remise des fonds, par les époux Z... et qu'elle n'avait pu la déterminer, et que les premiers juges n'avaient pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 15 de la loi du 28 décembre 1996 et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges X... coupable du délit prévu et réprimé par l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 et l'a condamné à payer diverses indemnités aux parties civiles ;
" aux motifs qu'il résulte des déclarations de Monique Z... que cette dernière a établi un chèque à l'ordre de Georges X... après que celui-ci l'ait assuré que OCC était un organisme de crédit connu ; que, par lettre du 4 février 1994, Georges X... a écrit aux époux Z... en qualité de conseil d'Euro Crédit pour les informer que des banques asiatiques avaient donné leur accord de principe sur la demande de financement et leur réclamer l'ensemble des pièces du dossier ; que, d'autres échanges de correspondance établissent que Georges X... a, outre son intervention en vue de la délivrance par la société OCC d'un commitment, laissé croire aux victimes qu'il leur apportait son concours à l'obtention d'un prêt ; que les fonds versés par les époux Z... l'ont été à titre de provision sur la commission ; qu'en percevant cette somme avant la remise des fonds prêtés, Georges X... s'est rendu coupable de l'infraction prévue et réprimée par l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 1 à 5) ;
" alors que le délit de perception indue d'une commission visé à l'article 8 de la loi du 26 décembre 1966 ne peut être caractérisé que si son auteur a apporté son concours à l'obtention de crédit ou à l'octroi de prêt ; que le concours apporté en vue de l'obtention d'une caution n'entre pas dans les prévisions de ce texte ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que la commission de 120 000 francs avait été versée par les époux Z... à la société OCC par l'intermédiaire de Georges X..., exclusivement au titre de l'engagement de caution de la société OCC ; qu'en se fondant sur des documents, postérieurs à cette remise, qui établiraient que Georges X... serait aussi intervenu pour aider les époux Z... à obtenir un prêt sans relever qu'il aurait perçu la moindre commission pour cette intervention, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction, violant ainsi les textes susvisés " ;
Vu l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 ;
Attendu que, selon ce texte, il est interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours à l'obtention ou à l'octroi d'un prêt d'argent de percevoir une quelconque somme avant le versement effectif des fonds prêtés ;
Attendu que, pour retenir contre le prévenu le délit de rémunération anticipée d'intermédiaire en prêt d'argent, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le versement des sommes perçues par Georges X... n'était destiné qu'à l'obtention d'une caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est, à nouveau, encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt du 26 février 1998 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.