AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PINSSEAU, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SA BANQUE CHAABI DU MAROC, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 26 novembre 1998, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris, de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile d'une banque (la Banque Chaabi du Maroc, la demanderesse) du chef d'abus de confiance contre un ancien responsable d'agence (Mohamed X...) ;
"aux motifs qu'il ne résultait pas de la procédure que Mohamed X... eût eu l'intention délictueuse de détourner des fonds appartenant à la Banque Chaabi ; qu'en effet, le simple non-respect des règles internes à la banque ne suffisait pas à caractériser l'intention délictueuse de la part d'un directeur d'agence qui exécutait les ordres de virement d'un client dont le compte était débiteur ; qu'il apparaissait, au contraire, que le client IFB était connu de Mohamed X..., que son compte était créditeur lors du premier virement et qu'il bénéficiait d'un découvert en cours d'autorisation d'un montant de 300 000 francs ; qu'il était, en outre, établi par les pièces de la procédure (procès-verbal du 18 octobre 1993 de réunion du comité de réseau) que Mohamed X... rencontrait des difficultés avec la Banque Populaire et qu'il était accaparé par les tâches matérielles ; qu'ainsi, la thèse soutenue par lui (omission d'imputation en raison des délais très courts et du manque de personnel) ne pouvait être exclue ; que, dès lors, en l'absence d'éléments établissant la volonté de Mohamed X... de dissiper des fonds appartenant à la banque, l'ordonnance de non-lieu devait être confirmée ;
"alors que, d'une part, le fait qu'un mandataire ait disposé des sommes revenant à son mandant dans des conditions dont il devait prévoir qu'elles l'empêcheraient de les lui rendre ou de lui en représenter la valeur caractérise à la fois le détournement et l'intention frauduleuse de son auteur ; qu'en déclarant n'y avoir lieu à suivre du chef d'abus de confiance par cela seul que l'intention frauduleuse de Mohamed X... n'aurait pas été établie, la chambre d'accusation s'est déterminée en contradiction avec ses propres constatations faisant apparaître qu'il reconnaissait avoir payé au profit d'un tiers, sans avoir débité le compte du donneur d'ordre des sommes correspondantes, un ordre de virement de 60 000 francs puis un autre de 137 066,50 francs à un moment où le compte de l'intéressé était débiteur de 170 033 francs sans autorisation effective, ce dont il résultait qu'il avait pris le risque délibéré de ne pouvoir représenter à la banque les fonds qu'il lui devait ;
"alors que, d'autre part, sur l'unique base d'une déclaration de Mohamed X... ayant allégué avoir obtenu un accord "téléphonique", la chambre d'accusation a relevé que le client ayant donné les ordres de virement en cause aurait bénéficié d'un découvert de 300 000 francs "en cours d'autorisation", sans répondre au chef péremptoire du mémoire de la demanderesse qui soutenait que, la procédure d'autorisation des découverts étant écrite puisqu'elle nécessitait l'accord formel du directeur général de la banque pour des montants supérieurs à 100 000 francs, Mohamed X... avait délibérément outrepassé son mandat en accordant au client concerné un découvert de cette envergure sans autorisation écrite et exposé la banque au risque de ne pouvoir en récupérer le montant auprès du client dont il connaissait la solvabilité douteuse ;
"alors que, en outre, la chambre d'accusation n'a pas davantage répondu au chef du mémoire de la demanderesse faisant valoir que le chef de l'agence de Marseille avait l'obligation de procéder simultanément à l'exécution de l'ordre de virement et à l'inscription de la somme correspondante au débit du compte du donneur d'ordre, en sorte qu'en transgressant le protocole en connaissance de cause, il avait pris le risque délibéré de ne pouvoir en représenter le montant à la banque ;
"alors que, enfin, la chambre d'accusation ne s'est pas non plus expliquée sur le chef du mémoire de la demanderesse l'invitant à constater que le magistrat instructeur n'avait pas procédé à la confrontation qu'elle lui avait demandé d'effectuer au cours de l'information et qu'une confrontation entre la partie civile et Mohamed X... aurait permis de mettre en lumière les agissements volontairement délictueux de ce dernier" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pinsseau conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;