CASSATION sur les pourvois formés par :
- la société X..., partie civile,
- le Procureur général, près la cour d'appel de Dijon,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 1998, qui après avoir relaxé Dominique X... des chefs d'abus de biens sociaux et de cession irrégulière d'actif d'une société par liquidateur amiable et Jean-Louis Y... du chef de complicité de ce dernier délit, a débouté la société X... de sa demande.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, par acte du 24 mars 1994, passé devant Jean-Louis Y..., notaire, Dominique X..., liquidateur amiable de la société X..., a vendu à sa tante un immeuble appartenant à la société ; que, par acte, passé devant le même officier public, le 28 avril 1994, Dominique X... a racheté l'immeuble moyennant une rente viagère annuelle ;
Attendu que Dominique X... est poursuivi pour avoir, en sa qualité de liquidateur, abusé des biens de la société et cédé irrégulièrement un actif de celle-ci, délits prévus par l'article 488, 1° et 2°, de la loi du 24 juillet 1966 ; que Jean-Louis Y... est poursuivi pour complicité de cette dernière infraction ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour la société X..., pris de la violation des articles 395, 488. 1°, 488. 2° de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Dominique X... des chefs d'abus de bien ou du crédit d'une société par son liquidateur et de cession irrégulière ou illégale de l'actif d'une société par le liquidateur et Jean-Louis Y... pour complicité de ces infractions, et a débouté Maître Z... de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs que l'expert a omis de tenir compte de l'importante diminution de valeur tenant à ce que la maison était occupée et en considération de laquelle, le prix pour lequel la cession a eu lieu n'apparaît pas sous-évalué ; que le délit d'abus de biens sociaux n'est donc pas constitué ; qu'ensuite Dominique X... n'a pas acheté l'immeuble à la société mais à sa tante ; que cette interposition de personne n'est pas constitutive d'un montage frauduleux, dès lors que l'immeuble a été acheté à la société pour un prix qui correspond à sa valeur réelle ; que la seconde infraction reprochée à Dominique X... n'est donc également pas caractérisée ;
" alors, d'une part, qu'un motif de pure affirmation équivaut à un défaut de motif ; que la cour d'appel ayant constaté par voie de pure affirmation que l'expert avait omis de tenir compte de l'importante diminution de valeur tenant à ce que la maison était occupée et en considération de laquelle, le prix pour lequel la cession avait eu lieu n'apparaissait pas sous-évalué, a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt et des éléments constants du dossier que le liquidateur amiable de la SA X... a acquis un immeuble de la société par l'intermédiaire de sa tante ; qu'en écartant dans ces conditions la culpabilité du prévenu du chef de cession irrégulière ou illégale de l'actif d'une société par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles 395 et 488. 2 de la loi du 24 juillet 1966 ;
" alors que, de troisième part, en exigeant que la société en liquidation ait subi un préjudice pour que le délit de cession irrégulière d'actif soit constitué, la cour d'appel a derechef violé les articles visés au moyen ;
" alors qu'enfin, en affirmant que l'immeuble avait été acheté à la société pour un prix correspondant à sa valeur réelle, la cour d'appel a énoncé un motif de pure affirmation " ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
Sur le second moyen de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 395 et 488. 2°, de la loi du 24 juillet 1966 :
Les moyens étant réunis ;
Sur les moyens en ce qu'ils concernent le délit d'abus de biens sociaux ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Mais sur les moyens en ce qu'ils concernent le délit de cession irrégulière d'actif ;
Vu l'article 395 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte la cession de tout ou partie de l'actif de la société en liquidation au liquidateur ou à ses employés ou à leurs conjoint, ascendants ou descendants, est interdite ;
Attendu que, pour renvoyer Dominique X... des fins de la poursuite, les juges énoncent que si la tante du prévenu est intervenue pour contourner l'interdiction faite à ce dernier d'acheter un bien de la société en liquidation, cette interposition de personne n'est pas constitutive d'un montage frauduleux dès lors que l'immeuble a été acheté à la société pour un prix correspondant à sa valeur réelle ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'est prohibée toute cession au profit du liquidateur, qu'elle soit directe ou indirecte, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon en date du 1er juillet 1998 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon.