AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Auchan France, société anonyme, anciennement dénommée Samu Auchan, dont le siège est ...,
2 / M. Wilhem A..., ès qualités de directeur de la société Auchan France, société anonyme, domicilié route nationale 45, centre commercial Auchan, 59494 Petite Forêt,
en cassation de deux jugements rendus le 20 mai 1999 par le tribunal d'instance de Valenciennes (élections professionnelles), au profit :
1 / du syndicat Force ouvrière, dont le siège est ...,
2 / de M. Thierry X..., demeurant ...,
3 / de M. Jean-Charles Y..., demeurant ...,
4 / de M. Fabien Z..., demeurant ...,
5 / de l'Union locale CGT, dont le siège est ...,
6 / de l'Union des syndicats CFTC, dont le siège est ...,
7 / de l'Union locale CGC, dont le siège est ...,
8 / de Mme Sylvie B..., demeurant ... d'Amour, 59230 Saint-Amand-les-Eaux,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er décembre 1999, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mme Andrich, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barberot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Auchan France et de M. A..., ès qualités, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Auchan France fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Valenciennes, 20 mai 1999), d'avoir prononcé l'exclusion des listes électorales pour le renouvellement des membres du comité d'établissement du magasin Petite Forêt de MM. X... et Z..., d'avoir constaté qu'au 12 mars 1999, le nombre des cadres électeurs ou éligibles était inférieur à vingt-cinq et qu'il n'y avait pas lieu à création d'un troisième collège, d'avoir annulé les élections des 12 et 19 mars 1999, alors, selon le moyen, d'une part, que la seule circonstance que des salariés aient pu légitimement croire qu'à la date de l'élection, un cadre se trouvait encore investi d'un mandat de représentation ne peut justifier l'exclusion de ce salarié des effectifs admis à participer au scrutin dès lors qu'il est acquis qu'à cette date, son mandat a cessé ; en sorte qu'en annulant l'élection en cause, motif pris de ce que la durée des mandats de MM. X... et Z... était de nature à "laisser entendre" aux salariés que les intéressés détenaient encore un mandat au jour de l'élection, quand il n'était pas contesté, et relevé par le jugement, que les mandats avaient pris fin, le tribunal d'instance a violé l'article L. 433-4 du Code du travail ; alors, d'autre part, et de toute façon, que quelque soit l'effectif de l'établissement considéré, et comme le faisait valoir l'exposante dans ses conclusions, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit aux partenaires sociaux de déroger au nombre légal de 2 collèges électoraux, par un accord préélectoral unanime qui augmente le nombre de collèges ; que dès lors, en présence d'un tel accord dont l'unanimité n'est pas non plus contestée, le juge d'instance ne pouvait, sans violer les articles L. 433-2 du Code du travail et 1134 du Code civil, modifier la volonté définitivement exprimée des parties et changer le nombre de collèges conventionnellement prévu par cet accord ; alors, enfin, qu'en se déterminant par la considération tirée "d'erreurs dans le calcul de l'effectif", pour invalider le protocole électoral, quand les prétendues erreurs ne concernaient que l'établissement des listes, et non les modalités du scrutin et le nombre des collèges, qui relevaient seuls du protocole, en sorte que ces erreurs étaient dépourvues de quelque incidence sur la validité de celui-ci, le tribunal d'instance s'est déterminé par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Mais attendu, d'abord qu'interprétant la volonté des parties, et après avoir relevé que, dans le protocole d'accord préélectoral, les partenaires sociaux n'avaient entendu porter à trois le nombre collèges qu'à raison d'un effectif des cadres supérieur à vingt-cinq sans déroger à la loi, le tribunal d'instance a constaté que c'était à la suite d'une erreur de calcul que ce seuil avait été retenu ;
Attendu, ensuite, que les salariés, qui, en raison de l'exercice des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ne doivent pas être compris dans l'effectif pour l'organisation des élections professionnelles où ils ne sont ni électeurs, ni éligibles ;
Et attendu que le tribunal d'instance, qui a relevé que pendant l'année précédant les scrutins, MM. X... et Z... avaient respectivement présidé les réunions du CHSCT et celles des délégués du personnel, sans que ces délégations leur ait été retirées par le chef d'entreprise, a pu décider qu'ils ne devaient pas être compris dans l'effectif pour les élections des membres du comité d'établissement, où ils n'étaient pas électeurs et que, le nombre des cadres étant inférieur à vingt-cinq, ces élections ne pouvaient avoir lieu dans trois collèges ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille.