AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et de la VARDE et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X..., en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur Olivier,
- A... Michèle, épouse X..., en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son fils mineur Olivier,
- Y... Denise, épouse A..., parties civiles,
- X... Adeline,
1) contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 14 septembre 1998, qui, dans l'information suivie contre Igor Z... du chef d'assassinat, a rejeté la demande de publicité des débats ;
2) contre l'arrêt de ladite chambre d'accusation, en date du 23 novembre 1998, qui, dans la même procédure, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité des pourvois formés par Adeline X... :
Attendu qu'Adeline X... n'étant pas partie à la procédure, elle est sans qualité pour agir ; que, dès lors, ses pourvois sont irrecevables ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 septembre 1998 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 199, 199-1 et 593 du Code de procédure pénale, 122-1 du Code pénal ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que les débats n'auront pas lieu en séance publique ;
" aux motifs que la Cour considère qu'en l'espèce la publicité des débats serait de nature à nuire au bon déroulement de l'audience au cours de laquelle doit être apprécié l'état d'une information qui, ordinairement soumise au principe du secret, n'est pas encore terminée du fait de l'appel interjeté par les parties civiles ; qu'en effet, la présence de tiers au dossier, susceptible d'affecter la sérénité des débats, risque d'apporter un trouble à l'ordre public à raison des circonstances particulières de l'espèce ;
" alors qu'en justifiant le refus de débats publics par des considérations d'ordre général tirées du secret de l'instruction et de la présence de tiers, inhérente à une audience publique, et non par des éléments concrets propres à l'affaire faisant craindre un trouble à l'ordre public lors des débats publics, la chambre d'accusation a entaché son arrêt d'un défaut de motif et violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour rejeter la demande de publicité des débats formée par les parties civiles en application de l'article 199-1 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation énonce qu'en raison des circonstances de l'espèce, la publicité était de nature à affecter la sérénité des débats et risquait d'apporter un trouble à l'ordre public ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui relèvent de leur pouvoir souverain d'appréciation, les juges ont justifié leur décision au regard des dispositions de l'article 199-1 du Code précité ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
II-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 23 novembre 1998 :
Vu l'article 575, alinéa 2, 6, du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 199, 199-1 et 593 du Code de procédure pénale et 122-1 du Code pénal ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de suivre à l'encontre d'Igor Z... ;
" alors que la cassation de l'arrêt du 14 septembre 1998, qui a dit que les débats ne seront pas publics, entraînera par voie de conséquence l'annulation de toute la procédure ultérieure et de l'arrêt attaqué " ;
Attendu que le rejet des pourvois formés contre l'arrêt du 14 septembre 1998 prive de fondement le moyen qui se borne à demander la cassation de l'arrêt du 23 novembre 1998 en conséquence de la cassation de ce précédent arrêt ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 199-1, 575-6 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de suivre à l'encontre d'Igor Z... ;
" alors que la comparution de la personne mise en examen dans les conditions prévues par l'article 199-1 du Code de procédure pénale implique son audition sur le fond et la possibilité pour les parties civiles de lui poser des questions ; qu'ainsi, en omettant de procéder à l'interrogatoire d'Igor Z... qui avait comparu devant elle, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué permettent à la Cour de Cassation de s'assurer que les débats devant la chambre d'accusation se sont déroulés conformément aux règles édictées par les articles 199 et 199-1 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 156, 427, 575-6 et 593 du Code de procédure pénale, 122-1 du Code pénal ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu de suivre à l'encontre d'Igor Z... ;
" aux motifs qu'apparaissent irrecevables, en l'état de la procédure devant la chambre d'accusation, les lettres, constitutives de notes en délibéré, que les conseils des parties ont adressées au président de cette chambre, les 5 et 6 novembre 1998, sollicitant la réouverture des débats au motif allégué de nouveaux faits de subornation de témoins, pour lesquels plainte avec constitution de partie civile a été déposée par X... et Michèle X..., ainsi que par Denise A... ; qu'au demeurant, ces faits dénoncés ne seraient pas de nature à motiver la réouverture des débats, dès lors que l'ordonnance de non-lieu critiquée est fondée sur la personnalité d'Igor Z... et non sur l'insuffisance de charges réunies à son encontre ;
ensuite qu'aux termes de l'article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ; que, privées du droit de s'immiscer dans les travaux des experts, les parties ne peuvent, pendant l'information, critiquer les conclusions des rapports d'expertise que par la demande d'un supplément d'expertise ou d'une contre-expertise en application des dispositions des articles 197 et 197-1 du Code de procédure pénale ou, encore, en posant des questions aux experts entendus par la chambre d'accusation sur le fondement de l'article 199-1 dudit Code ; que, constituant une question d'ordre technique soumise à une expertise aux termes de l'article 156 dudit Code, l'appréciation de la personnalité du mis en examen ne saurait valablement résulter, contre plusieurs expertises, d'une démarche qui, dépourvue de toute compétence scientifique et de la rigueur corrélative, consiste à inférer de déclarations ou de faits puisés dans le dossier de la procédure une absence de trouble psychique ou neuropsychique au moment des faits ; qu'il apparaît matériellement vain et juridiquement inopérant de prétendre, par des voies autres que scientifiques ne répondant pas aux exigences légales, établir l'absence d'un tel trouble au moment de l'assassinat reproché ; que les conclusions des parties civiles sollicitant un supplément d'information n'apparaissent ni nécessaires au regard de l'état exact de l'instruction, ni même utiles à la manifestation de la vérité, dès lors qu'est établie une cause d'irresponsabilité rendant juridiquement impossible toute condamnation et matériellement inefficace toute poursuite des investigations ;
" alors que les rapports d'expertise psychiatrique ou psychologique aux fins de rechercher si l'auteur d'un crime est atteint d'un trouble psychique au sens de l'article 122-1 du Code pénal sont, comme tout rapport d'expertise, soumis à la libre appréciation des juges et à la libre discussion des parties civiles, lesquels peuvent faire l'objet à l'encontre des conclusions des experts de tous éléments de preuve de nature à établir qu'au moment des faits, la personne mise en examen avait le contrôle de ses actes ; qu'ainsi, en affirmant que les parties civiles ne peuvent critiquer le travail des experts autrement que par une demande de contre-expertise et ne peuvent faire état des faits ou déclarations puisées dans le dossier pour tenter d'établir l'absence de trouble mental d'Igor Z..., et s'abstenant ainsi d'examiner par principe la valeur probante des éléments invoqués par les consorts X... et d'apprécier l'opportunité de compléments d'instruction sollicités, la chambre d'accusation a omis de répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties civiles et violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et analysé les conclusions concordantes des trois expertises psychiatriques, d'où il résulte qu'Igor Z... était atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1 du Code pénal, retient que l'intéressé n'est pas pénalement responsable ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui ne contient aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à proposer à l'appui de son seul pourvoi, en l'absence de recours du ministère public, n'est pas recevable ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
Par ces motifs :
DECLARE les pourvois d'Adeline X... IRRECEVABLES ;
REJETTE les autres pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;