CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Charles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 6 mai 1999, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour abus de confiance, à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans, à 5 ans de privation de certains droits civiques et civils et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510 du Code de procédure pénale, L. 212-2 du Code de l'organisation judiciaire, 1, 18, 18-1 et 19 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 :
" en ce que la cour d'appel, qui a statué sur les poursuites dirigées contre Charles X..., était, notamment, composée de " Mme Baret, magistrat stagiaire " qui " a siégé en surnombre et a participé au délibéré avec voix consultative " ;
" alors que la chambre des appels correctionnels est composée d'un président de chambre et de deux conseillers ; que si les auditeurs de justice, tels que définis par les articles 1er, 18 et 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, peuvent, conformément à l'article 19 de cette ordonnance, " siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions (...) correctionnelles ", l'arrêt attaqué ne précise pas en quelle qualité Mme Baret a participé à la composition de la cour d'appel, ni si elle siégeait en qualité d'auditeur de justice, dans le cadre du stage auquel sont soumis les auditeurs ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué, qui ne fait pas par lui-même la preuve de sa régularité formelle, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale et encourt l'annulation " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a délibéré conformément à la loi, en présence d'un magistrat stagiaire qui a participé avec voix consultative ;
Attendu qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la juridiction était régulièrement composée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a requalifié les faits de recel d'abus de confiance reprochés à Charles X... en abus de confiance, et déclaré le prévenu coupable desdits abus de confiance, en le condamnant de ce chef ;
" aux motifs que les recels d'abus de confiance au préjudice de Gabriel Y... et de la SARL Y... constituent en réalité des abus de confiance imputables à Charles X... qui, dans le cadre de son travail de comptable au sein de la SARL Y..., a sciemment détourné les chèques susvisés ; que concernant les autres recels d'abus de confiance, il y a lieu de noter que Charles X... était conseiller municipal de Saint-Mamet, qu'il a fait la comptabilité du comité des fêtes de cette commune et qu'il a été trésorier du ski-club de Bagnères-de-Luchon, de sorte qu'il avait reçu les chèques litigieux à titre de mandat, à charge pour lui de les encaisser au profit desdites associations ; que le détournement est donc établi ;
" alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a régulièrement saisis ; que, saisie de la prévention de recel d'abus de confiance (délit qui suppose que l'auteur de l'abus de confiance est une personne autre que le receleur), la cour d'appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, retenir la qualification d'abus de confiance et imputer ce délit à Charles X..., prévenu de recel ;
" alors, d'autre part, que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter ; que la cour d'appel ne pouvait, sans ajouter à la prévention, relever la qualité de mandataire de plusieurs associations de Charles X... et retenir la culpabilité de ce dernier, prévenu de recel, au titre d'abus de confiance commis dans le cadre de mandats ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a excédé sa saisine et que sa décision n'est pas légalement justifiée " ;
Vu l'article 388 du Code de procédure pénale ;
Attendu que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans la poursuite ;
Attendu que l'arrêt attaqué a condamné Charles X... du chef d'abus de confiance après avoir requalifié certains faits poursuivis initialement sous la prévention de recels d'abus de confiance, pour avoir détourné des chèques et des sommes au préjudice de son employeur et de diverses personnes ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt attaqué ni des pièces de procédure que Charles X... ait accepté d'être jugé du chef d'abus de confiance alors que les éléments constitutifs de ce délit, différents de ceux du recel, n'étaient pas compris dans la poursuite ;
Que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les troisième et quatrième moyens de cassation proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 6 mai 1999, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.