AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Raymond Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 1996 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre, 2e section), au profit :
1 / de la société Via crédit banque, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de Mme Annie X..., épouse Y..., demeurant ...,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Collomp, conseillers, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de M. Y..., de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Via crédit banque, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Dijon, 26 avril 1996, n° 618), que, par acte du 17 septembre 1993, M. Y... s'est porté caution solidaire envers la société Via crédit banque (la banque) des engagements de la société Copano France (la société) à concurrence de 2 300 000 francs ; que la banque, n'ayant pu obtenir le règlement de sa créance par la débitrice principale, a fait pratiquer diverses mesures conservatoires sur le patrimoine de M. Y..., puis a assigné celui-ci en exécution de ses engagements ; que M. Y... a été condamné, par jugement du 26 novembre 1993, à payer à la banque la somme principale de 1 773 464,62 francs ; que M. Y... a formé un recours en révision contre ce jugement, au motif que son cautionnement avait été donné en période suspecte, un jugement du 8 juillet 1994 ayant fixé la date de cessation des paiements de la société au 1er septembre 1993, tandis que parallèlement la banque a exercé une action en révocation de la vente d'un bateau, intervenue le 25 septembre 1993 entre M. Y... et sa fille, Mme X..., moyennant le prix de 100 000 francs ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action paulienne de la banque à son encontre, ès qualités de caution solidaire de la société, et d'avoir déclaré inopposable à la banque la vente intervenue le 25 septembre 1993, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le délai du recours en révision court seulement à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque ; qu'en se bornant à déclarer "hors délai" le recours en révision introduit par M. Y... contre le jugement du "23" novembre 1993, sans énoncer aucune constatation de nature à préciser le jour où M. Y... aurait eu effectivement connaissance de la cause de révision par lui invoquée, à savoir le report de la date de cessation des paiements du débiteur principal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 596 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que le recours en révision introduit par M. Y... à l'encontre du jugement du "23" novembre 1993 "paraît avoir été introduit hors délai", la cour d'appel a statué par motifs hypothétiques et a méconnu les exigences des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, enfin, que l'action paulienne contre un acte du débiteur ne peut prospérer dès lors que les biens appartenant encore à ce dernier sont suffisants pour désintéresser le créancier ; qu'en décidant que la vente litigieuse aurait eu pour effet de réduire l'assiette du patrimoine personnel de M. Y..., sans rechercher si ce patrimoine demeurait suffisant pour désintéresser la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que les griefs des deux premières branches sont inopérants, dès lors que le sursis à statuer relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond ;
Attendu, en second lieu, que le créancier dispose de l'action paulienne lorsque la cession a pour effet de faire échapper un bien à ses poursuites en le remplaçant par des fonds plus aisés à dissimuler et, en tout cas, plus difficiles à appréhender ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que, si la vente ne constitue pas en théorie un acte d'appauvrissement du patrimoine du débiteur, il en résulte néanmoins un préjudice certain pour le créancier, la cession ayant eu pour effet de soustraire un bateau aux poursuites en le remplaçant par une somme d'argent facile à dissimuler, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante dont fait état la troisième branche, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à la société Via crédit banque la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président en l'audience publique du vingt-trois mai deux mille.