AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Pierre X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 septembre 1996 par la cour d'appel de Douai (2ème chambre), au profit de la société Crédit général industriel, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 mars 2000, où étaient présents : M. Grimaldi, conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Collomp, conseillers, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. X..., de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Crédit général industriel, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, le 1er août 1985, la société Le Causse de Vers (la société) a effectué auprès de la société Crédit général industriel (C.G.I.) une demande de crédit destiné à financer l'acquisition de matériels ; que, le même jour, M. X..., président du conseil d'administration de la société, a signé un acte de cautionnement solidaire des sommes dues au C.G.I. par la société ; que le crédit a été consenti, le 5 août 1986, pour un montant de 400 000 francs en principal ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire le 21 mars 1986, puis en liquidation judiciaire, la société C.G.I. a assigné M. X... en paiement en invoquant son engagement de caution ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré "d'office irrecevables les conclusions du 24 mai 1996" déposées par lui, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que les conclusions de M. X... avaient été déposées le "jour prévu pour l'ordonnance de clôture" ; qu'en les déclarant d'office irrecevables, sans rechercher si lesdites conclusions n'avaient été déposées le jour de l'ordonnance de clôture, mais antérieurement à celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que pour rejeter les conclusions déposées par M. X... le 24 mai 1996, la cour d'appel n'a pas retenu qu'elles avaient été déposées après l'ordonnance de clôture ; qu'en l'état de ces motifs, le grief tiré du défaut de recherche est inopérant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en qualité de caution de la société, à payer à la société C.G.I. la somme principale de 576 413,78 francs, alors, selon le pourvoi, que si, par exception aux exigences formelles de l'article 1326 du Code civil, l'engagement de la caution peut être déterminé, sa validité suppose en ce cas que le signataire avait -au moment même de son engagement- la connaissance certaine et non équivoque de la nature et de l'étendue de l'obligation principale contractée, ce qui implique nécessairement que le cautionnement ait été concomitant ou postérieur à la souscription de l'obligation principale ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... a signé le "bon pour caution solidaire" le 1er août 1985, en même temps qu'il effectuait la "demande de financement" au nom de la société qu'il présidait ; que, pour décider que cet engagement -bien qu'indéterminé- était néanmoins régulier, la cour d'appel retient que la connaissance exacte de la caution quant à la nature et aux conditions du crédit souscrit postérieurement résultait du fait que celles-ci étaient identiques à celles exprimées dans la demande de financement antérieure ; qu'en se fondant sur une similitude dont la caution ne pouvait avoir connaissance par avance, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. X... a souscrit, le 1er août 1985, au nom de la société dont il était le président du conseil d'administration, une demande de financement d'équipement professionnel précisant le montant du crédit, le montant des mensualités et leur nombre, la demande se référant à des factures d'achat de matériels, pour certaines datées des 29 et 30 juillet 1985, correspondant à des livraisons déjà effectuées, et que le même jour, il s'est porté caution solidaire "des sommes dues au C.G.I. par S.A. Le Causse de Vers" ; que l'arrêt retient encore que les conditions du crédit, dont l'acte a été régularisé le 5 août 1985, "quant à son montant, à celui de ses mensualités et à leur nombre, sont identiques à celles exprimées dans la demande signée le 1er août 1985" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 48 de la loi du 1er mars 1984 et 55 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer à la société C.G.I la somme de 576 413,78 francs, avec intérêts au taux "contractuel" à compter du 10 octobre 1992, l'arrêt se borne à relever l'existence d'une information faite à la caution le 21 mars 1986, jour du prononcé du redressement judiciaire du débiteur principal, et à retenir que la C.G.I est en droit de réclamer les intérêts au taux "contractuel" à compter du 10 octobre 1992, date de l'arrêt de compte "indiquée par l'intimée dans ses dernières écritures" ;
Attendu qu'en se détermant par ces seuls motifs, d'où il résulte que la somme de 576 413,78 francs englobait des intérêts jusqu'à la date du 10 octobre 1992, sans constater ni que les intérêts étaient encore dus après le prononcé du redressement judiciaire du débiteur principal, ni l'existence d'une mise en demeure de payer à la caution faisant courir contre elle les intérêts au taux légal ou une information autre que celle du 21 mars 1986, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la société Crédit général industriel la somme de 576 413,78 francs avec intérêts au taux contractuel de 18,49 % à compter du 10 octobre 1992, l'arrêt rendu le 5 septembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Crédit général industriel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit général industriel ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Tricot, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président en l'audience publique du vingt-trois mai deux mille.