AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Ruel, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 octobre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), au profit de la société Douro wine shippers and growers association LDA, société anonyme, dont le siège est rue Serpa Pinto, 534 Vila Nova de Gaia (Portugal),
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 avril 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Cossa, avocat de la société Ruel, de Me Garaud, avocat de la société Douro wine shippers and growers association LDA, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Société des Etablissements Marcelin
X...
(la SEMM), négociant en vin en gros à Bordeaux, qui était en relation d'affaires avec la société "Douro wine shippers and growers association LDA" (la société Douro), a cédé son fonds de commerce le 31 octobre 1990 à la société VDMA, par un acte qui a été publié le 25 janvier 1991 dans un journal d'annonces légales ;
que la société Douro a reçu trois bons de commandes à entête de la SEMM, datés du 15 novembre 1990, du 24 janvier 1991 et du 30 mai 1991, pour lesquels elle a établi trois factures qu'elle a adressées à cette société, respectivement, les 28 novembre 1990, 13 février 1991 et 18 juin 1991, et en règlement desquelles elle a reçu trois lettres de change qui n'ont pas été acceptées ; qu'elle a assigné la SEMM, devenue par la suite la société Ruel, en paiement d'une somme correspondant aux trois livraisons impayées ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Ruel à payer les deux factures relatives aux commandes des 15 novembre 1990 et 24 janvier 1991, la cour d'appel se borne à énoncer que la cession du fonds, n'ayant été publiée que le 25 janvier 1991, n'était pas opposable avant cette date à la société Douro et qu'en conséquence, la société Ruel demeure tenue contractuellement des deux commandes qui lui sont antérieures ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de s'engager de la société Ruel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Ruel au paiement de la facture relative à la commande du 30 mai 1991, après avoir relevé que la société Douro poursuivait le paiement des commandes sur le plan du rapport fondamental contractuel, l'arrêt retient que la SEMM a commis une faute en ne prévenant pas ses "clients" de la cession intervenue, notamment compte tenu de la confusion existant entre sa raison sociale et le nom commercial cédé à la société VDMA, étant encore observé que la SEMM s'était réservé la marque Marcelin X... pour le commerce en ville par camionnette et que la simple adjonction de VDMA dans le relevé d'identité bancaire adressé à la société Douro ne lui permettait pas d'apprécier la situation réelle ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser d'où résultait l'obligation pour la SEMM d'informer chacun de ses fournisseurs de la cession de son fonds de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa neuvième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Ruel au paiement de la troisième facture, l'arrêt se borne à retenir que ses fautes sont directement à l'origine du préjudice causé à la société Douro ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre les fautes retenues et le préjudice qu'elle entendait indemniser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la société Douro wine shippers and growers association LDA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Douro wine shippers and growers association LDA ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille.