ARRÊT N° 2
Sur les trois moyens réunis :
Attendu qu'à la suite de l'annulation de l'article 1er de l'arrêté du 13 mai 1991, ayant modifié la contribution des caisses au titre du complément afférent aux frais de salle d'opération, prévu par l'article R. 162-32 du Code de la sécurité sociale abrogé par le décret n° 92-1257 du 3 décembre 1992, en appliquant un coefficient de 3/5e pour les actes d'anesthésie, la polyclinique Marchand a demandé à la Caisse de prévoyance et de retraite SNCF le versement de la différence entre les facturations qu'elle avait perçues pour la période du 19 mai 1991 au 31 mars 1992 en application de l'arrêté annulé et ce qu'elle aurait reçu sur le fondement du précédent arrêté du 28 décembre 1990 ; que l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 a validé les facturations et versements en tant qu'ils résultent de l'application de l'arrêté du 13 mai 1991 ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale (Montpellier, 1er décembre 1998), appliquant ce texte, a débouté la polyclinique Marchand de sa demande ;
Attendu que la polyclinique Marchand fait grief au jugement attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le premier moyen, qu'elle soutenait dans ses conclusions que l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996 validant, en tant qu'ils résultent de l'application de l'arrêté du 13 mai 1991, les facturations des établissements de santé privés et les versements y afférents, effectués au titre du complément afférent aux frais de salle d'opération, ne faisait pas obstacle aux demandes présentées une fois ledit arrêté annulé en vue d'obtenir le versement du solde de ce complément qui n'avait pas été initialement facturé ; qu'en s'abstenant d'apporter une réponse quelconque à ce moyen, à juste titre fondé sur le principe suivant lequel une mesure de validation législative à effet rétroactif est d'application stricte, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, selon le deuxième moyen, qu'en statuant ainsi par des considérations théoriques d'ordre général qui ne précisent pas de façon concrète et précise en quoi la mesure de validation législative contestée n'encourt pas, eu égard notamment à son objet et à sa portée, les griefs formulés par la polyclinique sur le fondement des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier protocole additionnel et 2 paragraphe 3 du pacte international sur les droits civils et politiques, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard desdits textes conventionnels ; alors, selon le troisième moyen, 1° que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit le droit de chacun au respect de ses biens, de la propriété desquels il ne peut être privé que pour cause d'utilité publique et dans les principes généraux du droit international ; qu'en se bornant à se référer, pour juger que l'Etat français n'avait pas méconnu cette garantie en privant les établissements de santé de leurs créances acquises à l'égard des caisses de sécurité sociale à la suite de l'annulation de l'arrêté du 13 mai 1991, à l'intérêt public qui s'attache à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale sans rechercher concrètement s'il existait un juste équilibre entre l'atteinte ainsi portée à des droits garantis par la Convention et l'utilité publique de l'économie ainsi réalisée dans les comptes de la sécurité sociale, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de ladite disposition conventionnelle ; alors, 2° qu'en s'abstenant de rechercher si, en privant les établissements de soins privés de leur droit d'obtenir en justice le remboursement auquel ils pouvaient prétendre à la suite de l'annulation de l'arrêté ministériel du 13 mai 1991, le législateur n'avait pas méconnu, au regard de l'intérêt général s'attachant à cette mesure de validation, leur droit à un recours effectif et à un procès équitable, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6.1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 2, paragraphe 3 du Pacte international sur les droits civils et politiques publié par le décret du 29 janvier 1981 :
Mais attendu que si, comme le soutient exactement le pourvoi, l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'oppose à l'application de l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996, validant les versements effectués par les organismes de sécurité sociale aux établissements de santé privés régis par l'article L. 162-22 du Code de la sécurité sociale, il ne s'ensuit pas pour autant que la prétention de la clinique soit fondée ,
Attendu qu'en effet, en application de l'article R. 162-32 du Code de la sécurité sociale alors en vigueur, les tarifs de responsabilité des organismes de sécurité sociale comprenaient un complément afférent aux frais de salle d'opérations dont le montant devait être fixé selon des modalités définies par un arrêté interministériel ; que si l'arrêté du 28 décembre 1990 a fixé à titre temporaire à compter du 1er janvier 1991 les modalités nécessaires au calcul du complément, il a été abrogé par l'article 2 de l'arrêté du 13 mai 1991, dont l'article 1er a modifié les règles de détermination dudit complément ; que l'arrêt du Conseil d'Etat, en date du 4 mars 1996, n'ayant annulé que les seules dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 13 mai 1991, a laissé subsister l'abrogation de l'arrêté du 28 décembre 1990 ; qu'il en résulte que pour la période du 19 mai 1991 au 3 décembre 1992, date d'abrogation de l'article R. 162-32 précité, aucun texte réglementaire n'a fixé le montant du complément afférent aux frais de salle d'opérations ; que dès lors, la clinique qui a perçu, pendant la période litigieuse, le complément afférent aux frais de salle d'opérations, dont le principe était reconnu par l'article R. 162-32 précité, ne disposait, à la suite de l'annulation de l'arrêté du 13 mai 1991, d'aucun droit au versement de la différence entre ce qu'elle avait reçu et ce qu'elle aurait dû recevoir si l'arrêté du 28 décembre 1990 n'avait pas été abrogé ;
D'où il suit qu'abstraction faite des motifs tirés de l'article 34 de la loi du 27 décembre 1996, la décision attaquée se trouve légalement justifiée par ces motifs de pur droit ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.