AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Havas Média Hebdos (nouvelle dénomination sociale de la société Avenir Havas Hebdos), société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit de M. Jacques X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mai 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Tric, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Tric, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Havas Média Hebdos, de Me Roger, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la Société d'édition de médias d'information franciliens (SEMIF), de sa reprise d'instance au lieu et place de la société Havas Média Hebdos ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 6 novembre 1996), que la société Avenir Havas Hebdos, devenue Havas Média Hebdos a acquis en 1988 la société Libération Presse, qui éditait le journal Le Républicain ; qu'en juillet 1991, invoquant la nullité pour absence de cause du contrat de gestion de la clientèle d'annonceurs conclu entre la société Libération Presse et la société Publi-Banlieue et enregistré le 6 décembre 1978, elle a cessé de lui verser les redevances et a refusé d'acquérir sa clientèle sur sa demande faite conformément au contrat ;
Attendu que la société SEMIF reproche à l'arrêt d'avoir condamné la société Havas Média Hebdos à payer à M. X... la somme de 50 798 francs à titre de redevances des troisième et quatrième trimestres 1991 et la somme de 1 043 712,50 francs au titre de la cession de clientèle, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'existence d'un mandat d'intérêt commun pour en déduire que la clientèle était commune à la société Libération Presse et à la société Publi-Banlieue, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur le mérite de ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que le seul accroissement d'une clientèle et l'accroissement corrélatif de la rémunération du mandataire ne suffit à conférer au mandat d'apporteur d'affaires un intérêt commun au mandant et au mandataire ; qu'en déduisant l'existence d'un mandat d'intérêt commun entre la société Publi-Banlieue et la société Libération Presse, aux droits de laquelle se trouvait la société Havas Média Hebdos, de ces seuls éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil ; alors, encore, qu'en déduisant de la seule existence d'un mandat d'intérêt commun le caractère commun au mandataire et au mandant de la clientèle, pour considérer que l'acte du 6 décembre 1978 avait une cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du Code civil ; alors, en outre, qu'ayant relevé que si la société Publi-Banlieue avait seule prospecté et créé la clientèle d'annonceurs, les ordres étaient transmis et exécutés par la société Libération Presse qui facturait directement les annonceurs et rémunérait la société Publi-Banlieue par un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé, constatations dont il résultait que la société Publi-Banlieue était rémunérée par commission pour l'apport d'une clientèle qui devenait exclusivement celle de la société Libération Presse, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que cette clientèle était commune aux deux sociétés, pour en déduire que l'acte enregistré le 6 décembre 1978 avait une cause, a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en considérant que la clientèle était un bien commun aux deux sociétés et en condamnant cependant la société Havas Média Hebdos, aux droits de la société Libération Presse, à payer le prix fixé par la convention pour la gérance puis la cession d'une clientèle attribuée pleinement à la société Publi-Banlieue, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'analysant la convention enregistrée le 6 décembre 1978 dont M. X... demandait l'exécution ainsi que les faits qu'il invoquait, l'arrêt retient que l'activité déployée pendant dix huit ans par le mandant et le mandataire dans le cadre d'une exclusivité réciproque avait pour même finalité le développement de la clientèle et un accroissement de leurs profits respectifs en résultant ; que la cour d'appel ayant ainsi donné aux relations contractuelles leur exacte qualification, sans relever un moyen d'office, a constaté l'existence d'un mandat d'intérêt commun, dont l'objet était le développement de la clientèle créée par la société Publi-Banlieue, et a retenu que cette clientèle était le bien commun des sociétés Libération Presse et Publi-Banlieue qui pouvaient la donner en gestion et envisager sa cession pour la part qui était la leur, à des conditions financières librement consenties ; qu'ainsi, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SEMIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SEMIF à payer à M. X... la somme de 11 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille.