CASSATION sur les pourvois formés par :
- X..., Y...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de Seine-et-Marne, en date du 26 mars 2000, qui les a condamnés, le premier, pour viols et agressions sexuelles aggravés et corruption de mineur, à 15 ans de réclusion criminelle, le second, pour viols et agressions sexuelles aggravés, à 8 ans d'emprisonnement.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X... et pris de la violation des articles 310, 316, 330, 591 et 593 du Code de procédure pénale, des règles de compétence, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la Cour, par arrêt incident, a déclaré fondée l'opposition des parties civiles à l'audition de différents témoins et a dit que ces témoins seront entendus à titre de renseignements en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;
" alors que la Cour, qui déclare fondée une opposition à l'audition de témoins, n'est pas compétente pour dire que ces témoins seront entendus à titre de renseignements en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ; qu'il ne lui appartient pas de statuer sur une mesure relevant du pouvoir discrétionnaire du président qui ne l'avait pas saisie, ni d'ordonner que le président exerce son pouvoir discrétionnaire ; que la Cour a ainsi outrepassé ses pouvoirs et méconnu sa compétence en violation des textes susvisés " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Y... et pris de la violation des articles 310, 316 et 330 du Code de procédure pénale :
" en ce qu'il résulte des mentions du procès-verbal des débats (pages 5 et 6) que, statuant par arrêt incident, la Cour a déclaré fondée l'opposition des parties civiles à l'audition de divers témoins, et a dit que ces témoins seront entendus à titre de renseignements en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;
" alors que la Cour, qui déclare fondée une opposition à l'audition de témoins, n'est pas compétente pour dire que ces témoins seront entendus à titre de renseignements en vertu du pouvoir discrétionnaire du président qui relève en effet de la seule compétence de ce dernier " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 310 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, le président de la cour d'assises est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut en son honneur et en sa conscience prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité ; que ce pouvoir est exercé en dehors de tout contrôle et que le président ne peut recevoir injonction d'en user ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la Cour a statué par arrêt incident sur des conclusions déposées par les avocats des parties civiles et tendant à ce que des témoins cités par les accusés ne soient pas entendus en cette qualité, la liste de ces personnes n'ayant pas été dénoncée auxdites parties civiles conformément aux dispositions de l'article 281 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le dispositif de l'arrêt déclare fondée l'opposition des parties civiles à l'audition des témoins non dénoncés et dit que " cependant ces témoins seront entendus à titre de renseignements en vertu du pouvoir discrétionnaire du président " ;
Attendu qu'en statuant ainsi sur l'utilité d'une mesure relevant exclusivement du pouvoir discrétionnaire du président, alors qu'il n'est pas constaté que celui-ci ait jugé opportun de la saisir, et en ordonnant qu'il exercerait ce pouvoir, la Cour a outrepassé ses propres attributions et empiété sur celles du président ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur la demande fondée sur l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que cette demande, présentée après le dépôt du rapport, n'est pas recevable ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de Seine-et-Marne, en date du 26 mars 2000, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Essonne.