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16/01/2001 | FRANCE | N°98-12279

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 janvier 2001, 98-12279


Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Versailles, 17 décembre 1997), qu'aux termes de deux protocoles d'accord des 1er août et 12 septembre 1990, M. X... a cédé à M. Y... des actions des sociétés SEPA et Savonnerie de Luttenbach ; que ces actes n'ont pas été présentés à la formalité de l'enregistrement ; qu'après une mise en demeure demeurée infructueuse de procéder à cet enregistrement, l'administration fiscale a procédé par voie de taxation d'office et a notifié à M. X... un redressement portant sur les droits d'enregistrement estimés dus,

puis, le 23 avril 1993, un avis de mise en recouvrement ; qu'après le r...

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Versailles, 17 décembre 1997), qu'aux termes de deux protocoles d'accord des 1er août et 12 septembre 1990, M. X... a cédé à M. Y... des actions des sociétés SEPA et Savonnerie de Luttenbach ; que ces actes n'ont pas été présentés à la formalité de l'enregistrement ; qu'après une mise en demeure demeurée infructueuse de procéder à cet enregistrement, l'administration fiscale a procédé par voie de taxation d'office et a notifié à M. X... un redressement portant sur les droits d'enregistrement estimés dus, puis, le 23 avril 1993, un avis de mise en recouvrement ; qu'après le rejet, le 22 octobre 1996, de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance en dégrèvement des droits et pénalités litigieux ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait grief au jugement d'avoir déclaré la procédure régulière, alors, selon le moyen :

1° que si l'article L. 82 C du Livre des procédures fiscales permet au ministère public de communiquer à l'administration des Impôts les dossiers de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, ces communications ainsi que les procédures engagées et les décisions prises ensuite sur la base des dossiers ainsi communiqués ne sont régulières que pour autant que la communication a bien été faite par le ministère public ; qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que c'est à la suite d'une plainte déposée au tribunal de grande instance de Mulhouse et d'un procès-verbal d'audition de partie civile dont l'Administration a eu communication que les droits et pénalités en litige ont été mis en recouvrement ; que M. X... avait à cet égard utilement observé que l'Administration devait " justifier précisément de l'envoi par le Parquet des pièces dont (elle) entend aujourd'hui se servir " ainsi que de " la compétence personnelle de l'agent qui a exercé le droit de communication " ; que l'Administration n'a fourni ni explications ni justifications ; qu'en se bornant cependant à rappeler la faculté ouverte au ministère public par l'article L. 82 C du Livre des procédures fiscales pour en déduire la régularité de la procédure, sans rechercher si et dans quelles conditions le dossier avait été effectivement communiqué à l'administration des Impôts par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse, le tribunal de grande instance de Versailles n'a pas légalement justifié sa décision au regard des exigences du texte susvisé ;

2° que, dans son assignation, M. X... avait expressément indiqué qu'il n'avait jamais eu connaissance du procès-verbal d'audition du 28 avril 1993 mentionné par l'Administration dans sa réponse du 27 février 1996 aux observations du contribuable, en ajoutant qu'à défaut de communication de cette pièce, la règle du contradictoire n'avait pas été respectée ; que si, dans sa défense, l'Administration a énoncé que, pour " préserver le caractère contradictoire de la présente procédure et garantir les droits du demandeur ", elle produisait des pièces, elle n'a pas communiqué le procès-verbal d'audition du 28 avril 1993 ; que le jugement attaqué rappelle exactement que c'est à la suite de ce procès-verbal, dont l'Administration a eu communication, que les redressements en litige ont été effectués, confirmant ainsi l'importance de cette pièce ; qu'en se bornant à mentionner que l'Administration avait " dans le cadre de la présente procédure " régulièrement communiqué " les pièces " au contribuable sans répondre aux conclusions de ce dernier qui demandait expressément la production du procès-verbal d'audition du 28 avril 1993, le Tribunal a privé sa décision de motifs et violé de la sorte l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3° qu'en se satisfaisant d'une communication partielle des pièces sur lesquelles se fondait l'Administration et en se prononçant sur la base, notamment, du procès-verbal d'audition du 28 avril 1993 expressément visé tant par l'Administration dans ses écritures que par le jugement, bien que cette pièce essentielle n'ait pas été communiquée au contribuable, le tribunal de grande instance de Versailles a violé les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 82 C du Livre des procédures fiscales, à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des Finances ; que l'exercice de ce droit n'étant soumis à aucune forme particulière, l'administration fiscale n'est pas tenue de préciser au contribuable dans quelle condition le ministère public lui a communiqué les pièces d'un dossier judiciaire ; qu'ayant constaté que la vérification de comptabilité de la société SEPA était intervenue à la suite de la communication par le ministère public d'une plainte déposée au tribunal de grande instance de Mulhouse et d'un procès-verbal d'audition de partie civile, le Tribunal a légalement justifié sa décision de déclarer la procédure régulière ;

Attendu, en second lieu, que l'administration fiscale ayant procédé par voie de taxation d'office, faute de réponse du contribuable à la mise en demeure de procéder à la formalité de l'enregistrement, les griefs fondés sur les exigences de la procédure contradictoire de redressement des articles L. 55 et suivants du Livre des procédures fiscales sont inopérants ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief au jugement d'avoir déclaré la procédure régulière, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales que l'Administration est tenue de donner suite à la demande du contribuable tendant à la saisine de la commission de conciliation, même si elle estime que celle-ci n'est pas compétente ; qu'elle doit alors demander à la commission de se déclarer incompétente ; qu'en considérant que la procédure d'imposition était régulière bien qu'il eût constaté que le contribuable avait demandé la saisine de la commission de conciliation et que l'Administration l'avait refusée, le tribunal de grande instance a violé, par refus d'application, l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que le jugement relève à bon droit que l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales n'était pas applicable en l'espèce, l'Administration ayant dû procéder par voie de taxation d'office, et que, dès lors, l'Administration n'avait pas à donner suite à la demande du contribuable de saisir la commission de conciliation, incompétente en l'espèce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait enfin grief au jugement d'avoir rejeté sa demande de dégrèvement quant aux pénalités, alors, selon le moyen, qu'il ressort du jugement attaqué et des pièces de la procédure, spécialement de celles jointes à l'assignation, et qu'il n'a jamais été contesté qu'en application de l'article 1728 du Code général des impôts, une majoration de 40 %, soit 271 392 francs, a été mise en recouvrement en sus des droits d'enregistrement, au motif que M. X... n'avait pas présenté l'acte de cession dans le mois suivant la réception d'une mise en demeure d'avoir à le produire ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que la majoration prévue pour défaut de présentation d'un acte prévue à l'article 1727 du même Code constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; que l'article 1728 n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au Tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de la sanction ; qu'il ressort du jugement attaqué que M. X... avait, en concluant à titre subsidiaire à ce que les droits et intérêts de retard fussent ramenés à 659 482 francs, contesté la majoration de 271 392 francs et demandé à en être déchargé ; qu'il appartenait en tout état de cause au tribunal de grande instance d'écarter l'application de l'article 1728 du Code général des impôts en tant qu'il institue une majoration de 40 % ; qu'en maintenant cependant l'application de cette disposition et en ne déchargeant pas le contribuable de la majoration de 271 392 francs qui lui avait été assignée, le tribunal de grande instance a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble l'article 1728 du Code général des impôts ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions devant les juges du fond que le moyen n'a pas été soutenu devant le Tribunal ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit en ce qu'il invite le juge à apprécier la proportionnalité de la sanction au comportement du contribuable, ce moyen est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-12279
Date de la décision : 16/01/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Droit de communication - Droit auprès du ministère public - Ministère public - Communication - Forme particulière (non).

1° Aux termes de l'article L. 82 C du Livre des procédures fiscales, à l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ; l'exercice de ce droit n'étant soumis à aucune forme particulière, l'administration fiscale n'est pas tenue de préciser au contribuable dans quelle condition le ministère public lui a communiqué les pièces d'un dossier judiciaire.

2° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Imposition d'office - Taxation d'office - Mise en oeuvre exclusive du redressement contradictoire.

2° L'administration fiscale ayant procédé par voie de taxation d'office, faute de réponse du contribuable à la mise en demeure de procéder à la formalité de l'enregistrement, les griefs fondés sur les exigences de la procédure contradictoire de redressement des articles L. 55 et suivants du Livre des procédures fiscales sont inopérants.

3° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Commission départementale de conciliation - Compétence - Taxation d'office (non).

3° Un tribunal relève à bon droit que l'article L. 59 du Livre des procédures fiscales n'est pas applicable dès lors que l'administration fiscale a dû procéder par voie de taxation d'office, et qu'en conséquence, elle n'avait pas à donner suite à la demande du contribuable de saisir la commission de conciliation, incompétente en l'espèce.

4° IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Retard ou défaut de déclaration - Majoration de 40 % ou 80 % - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Moyen nouveau - Irrecevabilité.

4° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Accès - Impôts et taxes - Recouvrement - Pénalités et sanctions - Recours contre la décision de l'Administration.

4° Le moyen tiré de ce que l'article 1728 du Code général des impôts est incompatible partiellement avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de la sanction fiscale, nouveau et mélangé de fait et de droit en ce qu'il invite le juge à apprécier la proportionnalité de la santion au comportement du contribuable, est irrecevable.


Références :

CGI 1728
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1
Livre des procédures fiscales L82-C, L55, L59

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Versailles, 17 décembre 1997

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1994-01-04, Bulletin 1994, IV, n° 8 (1), p. 6 (rejet). A RAPPROCHER : (4°). Chambre commerciale, 2000-02-22, Bulletin 2000, IV, n° 38, p. 33 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 jan. 2001, pourvoi n°98-12279, Bull. civ. 2001 IV N° 18 p. 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 IV N° 18 p. 16

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Dumas .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, Mme Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:98.12279
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