IRRECEVABILITE et CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... André,
- la société Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 6 décembre 1999, qui, dans l'information suivie contre André X..., Joseph Z..., Andrée A... et Jeanine B..., épouse Z..., des chefs de recel, complicité de recel, abus de confiance et complicité d'abus de confiance, a constaté l'extinction de l'action publique.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi d'André X... ;
Attendu que le demandeur est sans intérêt à critiquer une décision rendue en sa faveur ;
D'où il suit que le pourvoi doit être déclaré irrecevable ;
Sur le pourvoi de la société Y... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6, 80, 170, 174, 175, 188 et s., 202, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation des droits de la défense et défaut de motifs :
" en ce que la chambre d'accusation, saisie d'une requête en nullité, a relevé d'office un moyen nouveau tiré de la prescription de l'action publique ;
" aux motifs que dans une première plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée du 22 mars 1989, la société Y... dénonçait des faits imputés à Andrée A... sous les qualifications d'escroquerie, escroquerie au jugement et tentative d'escroquerie ; que la tentative d'escroquerie consistait en la tentative, commise en 1983, de se faire remettre par la partie civile des certificats d'actions en présentant à l'échange quatre anciens certificats en sa possession et qui auraient du être annulés ; que, dans sa plainte, la société Y... précisait qu'Andrée A... aurait agi avec la complicité de tiers et que les certificats d'actions litigieux avaient été soustraits des archives de la société puis remis en circulation ; qu'au cours de l'information Andrée A... était mise en examen des chefs d'escroquerie, escroquerie au jugement et tentative d'escroquerie ; qu'à l'issue de l'information, la chambre d'accusation rendait, le 11 juin 1991, un arrêt confirmant l'ordonnance de non-lieu ; qu'il y était jugé notamment, d'une première part que l'information n'avait pas apporté la preuve que les certificats d'action au porteur remis en 1983 par Andrée A... à la société Y... pour en obtenir l'échange, appartenaient à d'autres propriétaires ; qu'en tout état de cause, les demandes formulées par Andrée A..., à les supposer constitutives d'une tentative d'escroquerie, étaient couvertes par la prescription ; d'autre part que même si les certificats d'actions étaient, aux dires de la partie civile, périmés, l'information n'avait démontré ni dans quelles circonstances, ni à quel moment Andrée A... en avait eu la disposition, ni quelle connaissance celle-ci avait de leur caducité ; que la soustraction des archives de la société Y... des certificats n'était qu'alléguée et non établie ; que, de surcroît, le vol allégué aurait nécessairement été commis avant avril 1993 et serait donc couvert par la prescription ; que dans sa plainte du 7 décembre 1992, la partie civile dénonçait des faits qu'auraient commis Gilbert Z... et son frère Jean Z... qui, alors qu'ils étaient salariés de la société et spécialement chargés du contentieux et des pourparlers transactionnels avec Andrée A..., auraient agi en collusion avec cette dernière dont ils étaient parents par alliance ; qu'elle précise que les titres litigieux ont été "enlevés, détournés ou obtenus à l'aide d'un délit et que Andrée A... les aurait sciemment recelés", les deux frères Gilbert et Jean Z... ayant joué "un rôle certain et actif dans cette affaire" et commis un abus de confiance non encore prescrit "compte tenu de la découverte toute récente du lien de parenté susmentionné" ; qu'indépendamment cependant de la découverte ultérieure de l'identité des auteurs présumés du détournement, il résulte des termes de la plainte déposée le 22 mars 1989 qu'à cette date la partie civile connaissait l'existence de la soustraction des titres litigieux, délit distinct des escroqueries et tentative d'escroquerie qu'elle y dénonçait ; qu'elle n'a cependant pas saisi le juge d'instruction des faits qu'elle qualifie maintenant d'abus de confiance et de recel et qui avaient permis à Andrée A... d'entrer en possession des titres litigieux alors même qu'elle en avait connaissance ;
qu'en cet état aucun acte n'ayant interrompu la prescription de l'action publique qui avait commencé à courir le 22 mars 1989, au plus tard, celle-ci se trouvait acquise depuis le 23 mars 1992 soit avant le dépôt de la plainte du 7 décembre 1992 ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la requête ;
" 1o alors que, d'une part, la chambre d'accusation saisie d'une requête en nullité de la procédure n'est pas investie de la connaissance de l'entier dossier et ne peut s'emparer d'un moyen de prescription de l'action publique, lequel est étranger à l"unique objet" de contentieux propre aux nullités ; qu'en ne statuant pas sur la requête en annulation, la chambre d'accusation, qui ne disposait d'aucune faculté d'évocation, n'a pu déclarer l'action publique éteinte pour cause de prescription sans excéder ses pouvoirs ;
" 2o alors que, d'autre part, un moyen de prescription, fût-il d'ordre public, ne peut être relevé d'office sans que les parties aient préalablement été invitées à présenter leurs observations ; que le principe du contradictoire a donc en tout état de cause été méconnu ;
" 3o alors que, de troisième part, en l'état de son précédent arrêt du 18 janvier 1995 ayant validé la procédure comme reposant sur des faits nouveaux et non simplement sur des charges nouvelles, la chambre d'accusation n'a pu affirmer sans se contredire que les faits objets de la présente plainte seraient identiques à ceux dénoncés dans la première plainte de la partie civile ;
" 4o alors que, de quatrième part, dans le cadre de l'information ouverte le 24 décembre 1992 sur des faits distincts de ceux objets d'une précédente information clôturée le 11 juin 1991 par un non-lieu, le juge d'instruction, saisi in rem d'infractions caractéristiques d'abus de confiance et de recel pouvait considérer que le point de départ de la prescription courait du jour où les délits correspondants avaient été révélés à la partie civile et mettre en examen, dans le cadre de sa saisine, tout tiers paraissant impliqué dans lesdits faits " ;
Attendu que, lorsqu'elle est appelée à statuer sur une requête déposée par une partie en application de l'article 173 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation ne peut, sans excès de pouvoir, statuer sur une question étrangère au contentieux de l'annulation dont elle est exclusivement saisie ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'alors qu'elle était appelée à prononcer sur une requête en annulation d'actes d'instruction déposée par André X..., mis en examen, la chambre d'accusation a, sans statuer sur cette demande, relevé d'office l'extinction, par l'effet de la prescription, de l'action publique mise en mouvement par la plainte avec constitution de partie civile de la société Y... ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi, les juges ont excédé leurs pouvoirs ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi d'André X... :
Le déclare IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi de la société Y... :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions en ce qui, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 6 décembre 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles.