AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Garage Bellon frères, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1998 par la cour d'appel de Versailles (14e Chambre civile), au profit de la société Volvo automobiles France, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 avril 2001, où étaient présents : M. Leclercq, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société Garage Bellon frères, de Me Luc-Thaler, avocat de la société Volvo automobiles France, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mai 1998) que la société Garage Bellon frères (société Bellon) a assigné la société Volvo automobiles France (société Volvo) en responsabilité pour avoir résilié abusivement, le 21 octobre 1995, le contrat de concession exclusive à durée indéterminée qui les liait depuis le 1er octobre 1992 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Bellon fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande, alors, selon le moyen, que l'abus dans la résiliation d'une convention ne résulte pas exclusivement dans la volonté de nuire de celui qui résilie ni de la légèreté blâmable, équipollente au dol, de celui qui subit la résiliation ; qu'en se référant exclusivement à l'absence de volonté de nuire et de légèreté blâmable de la société Volvo, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que, faute de préciser sur quelles circonstances autres que la volonté de nuire et la légèreté blâmable du concédant la cour d'appel aurait dû faire porter ses recherches, le moyen n'est pas recevable ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Bellon fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / qu'elle avait souligné que la transformation de la société en une société anonyme avait été faite et le contrat de financement avait été signé avec la société Cogebra, sous la pression de la société Volvo et pour obtenir une nouvelle concession ; qu'en décidant, en conséquence, qu'il n'était pas prouvé que la société Volvo avait eu une attitude déloyale en résiliant le contrat quelques années après, sous le prétexte que les investissements réalisés courant 1992 par le Garage Bellon frères et la transformation de la forme juridique de son exploitation sont intervenus avant la signature du contrat de concession et n'ont pas été imposés à la société Bellon au cours de l'exécution de celui-ci et que le choix de ses investissements sur le moyen terme révèle la volonté du concessionnaire de les amortir dans un délai raisonnable et ne prouve pas que le concédant ait eu à son égard une attitude déloyale et abusive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du Code civil, dès lors que les juges du fond n'ont pas recherché si la transformation de l'entreprise Garage Bellon en une société n'était pas une condition de la concession et n'était pas motivée notamment par l'intérêt de la société Cogebra, filiale de la société Volvo, comme l'avait soutenu la société Bellon ;
2 / qu'elle avait fait valoir que le regroupement de ses activités, exigé par la société Volvo et qui constituait en réalité non pas un regroupement, mais un transfert des activités de vente et d'après-vente dans un lieu situé au centre de Valence, n'était pas économiquement justifié et était sans incidence sur les services rendus à la clientèle ; qu'il en était d'autant plus ainsi que la société Volvo avait rédigé, le 1er mars 1995, le "plan opérationnel", partie intégrante du contrat de concession, aux termes duquel elle reconnaissait que les installations de la société Bellon étaient satisfaisantes ; qu'en s'abstenant de rechercher si les exigences de la société Volvo étaient ou non économiquement justifiées et si la société Volvo avait ou non reconnu, quelques mois avant la résiliation de la concession, que les installations de la société Bellon étaient suffisantes, la cour d'appel, qui s'est contentée de se référer aux propositions faites par la société Bellon pendant le cours du préavis, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du Code civil ;
3 / qu'elle avait fait valoir que la société Volvo avait constitué un dossier de prétendus griefs a posteriori et qu'elle n'avait pas été capable de rapporter la preuve de ceux-ci ; qu'en ne recherchant pas si Volvo était ou non de mauvaise foi en avançant de pareils griefs, qu'elle était incapable de prouver, pour justifier la résiliation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1184 et 1187 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir observé que la société Volvo avait respecté la procédure contractuellement prévue en notifiant la résiliation avec un préavis d'un an et fait valoir que la qualité des services rendus par un concessionnaire, tant dans l'intérêt de l'essor économique de la concession que dans celui de la promotion de la marque, ne saurait avoir pour effet de priver les parties de leur faculté de dénoncer le contrat, de sorte que la transformation de l'entreprise personnelle Garage Bellon frères en société anonyme, ainsi que la souscription par elle d'un emprunt à moyen terme, antérieures à la signature du contrat, ne caractérise pas l'attitude déloyale ou fautive du concédant, l'arrêt retient qu'il n'est pas davantage démontré que ce dernier ait fallacieusement laissé croire à la société Bellon qu'il envisageait de poursuivre les relations contractuelles ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que, le concédant n'ayant pas, ainsi qu'il en avait le droit, motivé sa décision de résiliation, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux arguments tirés du caractère prétendument injustifié de cette dernière ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Garage Bellon frères aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du six juin deux mille un.