REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- la société Saupiquet, la société Sogema, la société SCAC Delmas Vieljeux,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2000, qui, après relaxe de la première du chef d'infraction réputée importation sans déclaration de marchandises prohibées, les a condamnées au paiement des droits éludés.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté pour la société Saupiquet, pris de la violation des articles 177 du Traité de Rome, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du 24 juillet 1979, des articles 351, 354, 355, 369.4 et 377.2 du Code des douanes, 3, 10 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non prescrite l'action en recouvrement exercée par l'administration des Douanes au titre des 11 certificats EUR 1 non validés par les autorités ivoiriennes ;
" aux motifs que l'article 2 du règlement CEE n° 1697-79 comme l'article 221-3° du Code des douanes communautaire, s'ils indiquent comment l'action en recouvrement des droits non perçus est engagée et le délai au-delà duquel cette action ne peut plus être exercée, ne disent pas, contrairement aux affirmations des sociétés poursuivies, que la communication du montant des droits au débiteur constitue le seul acte susceptible d'interrompre l'écoulement de ce délai et que, n'évoquant pas le sujet, ils ne comportent en réalité aucune disposition susceptible de rendre incompatibles avec le droit communautaire les dispositions du droit national en vigueur en la matière ; qu'en application de l'article 10 du Code de procédure pénale tout acte de poursuite et d'instruction interrompt, à l'égard de tous les participants aux faits, la prescription des actions tant publique que civile ; que "sauf à priver de toute portée les dispositions des articles 369-4° et 377 bis du Code des douanes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions, mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits" ; qu'en l'espèce, les procès-verbaux de constat portant saisine de documents et audition de sachants établis par l'administration des Douanes les 17 septembre 1991, 14 novembre 1991, 7 avril 1992 et intervenus dans les 3 ans des faits générateurs des droits dus comme les procès-verbaux de notification d'infractions faites aux sociétés avec audition de leur représentant les 14 mars 1994, 3 mai 1994 et 19 juillet 1994 ont régulièrement interrompu la prescription de l'action en recouvrement de ces droits ; que, dans ces conditions, la Cour, sans qu'il soit nécessaire de saisir la Cour de justice des Communautés européennes, infirmant le jugement déféré, déclarera l'action en recouvrement des droits dus exercée par l'administration des Douanes consécutivement à la présentation de ces 11 EUR 1 lors des déclarations en douane non prescrite ;
" alors qu'il résulte des articles 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 que l'action en recouvrement de droits non perçus se prescrit par l'expiration d'un délai de 3 ans à compter, à défaut de prise en compte de la date de naissance de la dette douanière, à moins qu'il ne soit constaté que c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités compétentes n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, auquel cas l'action en recouvrement s'exerce conformément aux règles, de délai notamment, en vigueur dans les Etats membres ; que, dès lors, en jugeant que le délai de 3 ans ayant couru à compter des déclarations en douane avait pu être interrompu, du fait de l'effet attaché par l'article 10 du Code de procédure pénale à tout acte de poursuite et d'instruction par des procès-verbaux des Douanes portant saisie de documents et auditions de sachants, tandis qu'il se déduisait, de sa décision de relaxe sur l'action fiscale, qu'aucun acte passible de poursuites judiciaires répressives n'avait été commis, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que de tels procès-verbaux comporteraient un effet interruptif en vertu du droit communautaire, ni n'a jugé utile de saisir la Cour de justice d'une question relative à l'interprétation de l'article 2 du règlement n° 1697-79, n'a donc pas légalement justifié sa décision ;
" et alors, en tout état de cause, que si les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif à l'égard de l'action tendant au recouvrement de ces droits, ce n'est que lorsqu'une infraction a été commise ; qu'en jugeant que les procès-verbaux de saisie de documents et d'audition de sachants avaient interrompu le délai de prescription de l'action en recouvrement des droits tout en constatant qu'aucune infraction n'avait été commise, ce dont il résultait que cette action présentait un caractère exclusivement civil et se prescrivait dès lors selon les règles du droit civil, la cour d'appel a violé les textes ci-dessus mentionnés " ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté pour la société Sogema, pris de la violation des articles 177 du Traité de Rome, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du 24 juillet 1979, des articles 351, 354, 355, 369.4 et 377.2 du Code des douanes, 3, 10 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non prescrite l'action en recouvrement exercée par l'administration des Douanes au titre des 11 certificats EUR 1 non validés par les autorités ivoiriennes ;
" aux motifs que l'article 2 du règlement CEE n° 1697-79 comme l'article 221-3° du Code des douanes communautaire, s'ils indiquent comment l'action en recouvrement des droits non perçus est engagée et le délai au-delà duquel cette action ne peut plus être exercée, ne disent pas, contrairement aux affirmations des sociétés poursuivies, que la communication du montant des droits au débiteur constitue le seul acte susceptible d'interrompre l'écoulement de ce délai et que, n'évoquant pas le sujet, ils ne comportent en réalité aucune disposition susceptible de rendre incompatibles avec le droit communautaire les dispositions du droit national en vigueur en la matière ; qu'en application de l'article 10 du Code de procédure pénale tout acte de poursuite et d'instruction interrompt, à l'égard de tous les participants aux faits, la prescription des actions tant publique que civile ; que "sauf à priver de toute portée les dispositions des articles 369-4° et 377 bis du Code des douanes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions, mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits" ; qu'en l'espèce, les procès-verbaux de constat, portant saisine de documents et audition de sachants établis par l'administration des Douanes les 17 septembre 1991, 14 novembre 1991, 7 avril 1992 et intervenus dans les 3 ans des faits générateurs des droits dus, comme les procès-verbaux de notification d'infractions faites aux sociétés avec audition de leur représentant les 14 mars 1994, 3 mai 1994 et 19 juillet 1994 ont régulièrement interrompu la prescription de l'action en recouvrement de ces droits ; que, dans ces conditions, la Cour, sans qu'il soit nécessaire de saisir la Cour de justice des Communautés européennes, infirmant le jugement déféré, déclarera l'action en recouvrement des droits dus exercée par l'administration des Douanes consécutivement à la présentation de ces 11 EUR 1 lors des déclarations en douane non prescrite ;
" alors qu'il résulte des articles 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 que l'action en recouvrement de droits non perçus se prescrit par l'expiration d'un délai de 3 ans à compter, à défaut de prise en compte de la date de naissance de la dette douanière, à moins qu'il ne soit constaté que c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que les autorités compétentes n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, auquel cas l'action en recouvrement s'exerce conformément aux règles, de délai notamment, en vigueur dans les Etats membres ; que dès lors, en jugeant que le délai de 3 ans ayant couru à compter des déclarations en douane avait pu être interrompu, du fait de l'effet attaché par l'article 10 du Code de procédure pénale à tout acte de poursuite et d'instruction par des procès-verbaux des Douanes portant saisie de documents et auditions de sachants, tandis qu'il se déduisait, de sa décision de relaxe sur l'action fiscale, qu'aucun acte passible de poursuites judiciaires répressives n'avait été commis, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que de tels procès-verbaux comporteraient un effet interruptif en vertu du droit communautaire, ni n'a jugé utile de saisir la Cour de justice d'une question relative à l'interprétation de l'article 2 du règlement n° 1697-79, n'a donc pas légalement justifié sa décision ;
" et alors, en tout état de cause, que si les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif à l'égard de l'action tendant au recouvrement de ces droits, ce n'est que lorsqu'une infraction a été commise ; qu'en jugeant que les procès-verbaux de saisie de documents et d'audition de sachants avaient interrompu le délai de prescription de l'action en recouvrement des droits tout en constatant qu'aucune infraction n'avait été commise, ce dont il résultait que cette action présentait un caractère exclusivement civil et se prescrivait dès lors selon les règles du droit civil, la cour d'appel a violé les textes ci-dessus mentionnés " ;
Sur le premier moyen de cassation, présenté pour la société SCAC Delmas Vieljeux, pris de la violation des articles 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du 24 juillet 1979 du Conseil des Communautés européennes repris par l'article 221 du Code des douanes communautaire, des articles 351, 354, 355, 369-4° et 377 bis du Code des douanes, 2, 3, 10 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non prescrite l'action en recouvrement exercée par l'administration des Douanes à l'encontre de la société SDV, commissionnaire en douane, au titre des onze certificats EUR 1 non validés par les autorités ivoiriennes ;
" aux motifs que l'article 2 du règlement CEE n° 1697-79 comme l'article 221-3° du Code des douanes communautaire, s'ils indiquent comment l'action en recouvrement des droits non perçus est engagée et le délai au-delà duquel cette action ne peut plus être exercée, ne disent pas, contrairement aux affirmations des sociétés poursuivies, que la communication du montant des droits au débiteur constitue le seul acte susceptible d'interrompre l'écoulement de ce délai et que, n'évoquant pas le sujet, ils ne comportent en réalité aucune disposition susceptible de rendre incompatibles avec le droit communautaire les dispositions du droit national en vigueur en la matière ; qu'en application de l'article 10 du Code de procédure pénale tout acte de poursuite et d'instruction interrompt, à l'égard de tous les participants aux faits, la prescription des actions tant publique que civile ; que, "sauf à priver de toute portée les dispositions des articles 369-4° et 377 bis du Code des douanes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697-79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits" ; qu'en l'espèce, les procès-verbaux de constat, portant saisine de documents et audition de sachants établis par l'administration des Douanes les 17 septembre 1991, 3 octobre 1991, 14 novembre 1991, 7 avril 1992 et intervenus dans les 3 ans des faits générateurs des droits dus, comme les procès-verbaux de notification d'infractions faites aux sociétés avec audition de leur représentant les 14 mars 1994, 3 mai 1994 et 19 juillet 1994, ont régulièrement interrompu la prescription de l'action en recouvrement de ces droits ;
" alors, d'une part, qu'il résulte du règlement CEE n° 1697-79 du 24 juillet 1979 que l'action en recouvrement a posteriori de droits à l'importation ou de droits à l'exportation, qui porte une atteinte à la sécurité que les redevables sont en droit d'attendre des actes administratifs entraînant des conséquences pécuniaires, ne peut être engagée que dans les 3 ans de la date de prise en compte du montant primitivement exigé du redevable et par la notification à l'intéressé du montant des droits dont il est redevable ; qu'il n'est dérogé à cette règle que si c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives que l'administration des Douanes n'a pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits dus, et que c'est seulement dans ce cas que l'action en recouvrement s'exerce conformément aux règles du droit national en vigueur ; qu'en décidant, en l'espèce, malgré l'absence de toute infraction, et en se référant aux dispositions du droit interne, que la prescription de l'action en recouvrement avait pu être interrompue par des procès-verbaux de constat et de saisine dressés à l'insu du commissionnaire en douane et avant toute notification à ce dernier du montant des droits que l'Administration entendait lui réclamer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la prescription de l'action civile est indépendante de la prescription de l'action publique ; que les actes de poursuite et d'instruction n'interrompent pas nécessairement le cours de la prescription de l'action civile ;
" alors, en outre et en tout état de cause, que si tout acte de poursuite et d'instruction interrompt, à l'égard de tous les participants aux faits, la prescription des actions tant civile que publique, c'est à la condition qu'il ait été statué sur l'action publique et qu'une condamnation ait été prononcée ; qu'en affirmant, en l'espèce, que les procès-verbaux de constat et d'audition établis en 1991 et 1992 par l'administration des Douanes à l'insu du commissionnaire en douane, définitivement relaxé, avait pu interrompre à son encontre l'action en recouvrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, de surcroît, que seuls peuvent interrompre la prescription de l'action en recouvrement les procès-verbaux qui visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer ; qu'en l'espèce, faute de préciser en quoi les procès-verbaux de constat portant saisine de documents et audition de sachants établis par l'Administration les 17 septembre 1991, 3 octobre 1991, 14 novembre 1991 et 7 avril 1992 seraient de nature à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, qu'en admettant, en l'absence de toute infraction, que la prescription de l'action en recouvrement a posteriori de droits de douane exercée à l'encontre d'un commissionnaire en douane pouvait être interrompue, en dehors de toute notification faite à lui des droits réclamés par l'Administration, par des actes effectués à son insu (les constats et auditions effectués en 1991 et 1992), la cour d'appel a méconnu la réglementation communautaire et a porté atteinte au principe de sécurité juridique, mais également aux principes de non-discrimination et d'égalité de traitement " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté pour la société SCAC Delmas Vieljeux, pris de la violation de l'article 177 du Traité instituant la Communauté européenne, des articles 2 et 4 du règlement n° 1697-79 du Conseil des Communautés européennes du 24 juillet 1979 relatif au recouvrement a posteriori des droits à l'importation ou à l'exportation, de l'article 221 du Code des douanes communautaire, ensemble violation des articles 351, 354, 355, 369-4° et 377 bis du Code des douanes, 10 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle sur la compatibilité de l'interprétation jurisprudentielle des règles de droit interne quant à l'effet interruptif des procès-verbaux notifiés par l'administration des Douanes à l'égard de la prescription de l'action en recouvrement a posteriori de la dette douanière avec les dispositions du règlement n° 1697-79 du Conseil des Communautés européennes du 24 juillet 1979 reprises par l'article 221 du Code des douanes communautaire ;
" alors qu'en application de l'article 177 du Traité instituant la Communauté européenne, il est nécessaire de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle suivante :
"des règles de procédure nationale, légales ou jurisprudentielles, peuvent-elles au regard du règlement CEE n° 1697-79 du Conseil du 24 juillet 1979 ainsi que des principes de sécurité juridique, de non-discrimination et d'égalité de traitement, prévoir l'allongement du délai de 3 ans imposé à l'administration des Douanes pour engager l'action en recouvrement a posteriori de la dette douanière prévue par l'article 2 du règlement communautaire précité, et notamment prévoir, en l'absence de toute infraction, que le délai peut être interrompu à l'égard de l'un de ses débiteurs légaux par un acte éventuellement diligenté à son insu et sans qu'un montant de droits pris en compte lui ait été notifié dans le délai légal de 3 ans de la naissance de la dette douanière en cause ?" " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre 1989 et 1991 la société Saupiquet a importé, par l'intermédiaire des sociétés Sogema et SCAC Delmas Vieljeux, commissionnaires en douane, des conserves de thon fabriquées en Côte d'Ivoire ; que ces importations ont été effectuées sous couvert de certificats EUR 1 leur permettant de bénéficier de la franchise des droits dans le cadre des accords de Lomé conclus entre la Communauté européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP) ; qu'un contrôle a posteriori ayant fait apparaître que onze de ces certificats se rapportaient à des marchandises pour lesquelles la proportion de produits non originaires de pays ACP excédait le seuil de tolérance admis par lesdits accords, l'importateur et les commissionnaires en douane ont été poursuivis pour fausse déclaration d'origine ;
Attendu que, statuant sur l'action en recouvrement des droits éludés, après relaxe des prévenus prononcée en raison de leur bonne foi, la cour d'appel, pour écarter le moyen tiré de la prescription, relève que celle-ci a été interrompue par les procès-verbaux de constat portant saisine de documents et audition de sachants établis par l'administration des Douanes les 17 septembre 1991, 3 octobre 1991, 14 novembre 1991, 7 avril 1992 et intervenus dans les 3 ans des faits générateurs des droits dus, ainsi que par les procès-verbaux de notification d'infractions en date des 14 mars 1994, 3 mai 1994 et 19 juillet 1994 ;
Que les juges ajoutent que les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions douanières mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'elle n'était pas tenue de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'article 2 du règlement CEE n° 1697-79 du Conseil, du 24 juillet 1979, alors applicable, ni les principes de sécurité juridique et de non-discrimination ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, présenté pour la société SCAC Delmas Vieljeux, pris de la violation de l'article 3, paragraphe 2 du protocole annexé n° 1 de la Convention Lomé III, de l'article 5 du protocole annexé de la Convention Lomé IV, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société SCAC Delmas Vieljeux solidairement avec la société Saupiquet à payer des droits de douane et TVA éludés pour un montant de 4 876 340 francs ;
" aux motifs que les sociétés Saupiquet et SCAC Delmas Vieljeux, dans des conclusions développées par leur avocat, demandent subsidiairement à la Cour de dire et juger que les sommes à recouvrer ne sauraient excéder les droits et taxes afférents aux thons non originaires incorporés dans les envois en cause au motif que seules les parties des envois consistant en des marchandises reconnues non originaires peuvent constituer l'assiette des droits de douane qui peuvent être perçus par la communauté : soit pour la société Saupiquet un montant de droits éludés de 2 052 752 francs au lieu des 6 383 270 francs réclamés par les Douanes et, pour la société SCAC Delmas Vieljeux, un montant de droits éludés de 1 238 972 francs au lieu des 4 876 340 francs réclamés par les Douanes ; que les prétentions des sociétés Saupiquet et SCAC Delmas Vieljeux ne sont pas fondées dès lors que c'est l'ensemble des conserves de thon importées et non pas seulement les parties reconnues non originaires qui ont bénéficié du régime tarifaire préférentiel sur présentation des EUR 1 lors des déclarations en douane ; que la demande de l'Administration formulée au titre des droits de douane et TVA éludés consécutivement à la présentation de ces onze EUR 1 est donc justifiée ;
" alors qu'en cas de dépassement du seuil de tolérance prévu par la Convention de Lomé, seule la partie des produits déclarés non originaires peut constituer l'assiette des droits de douane ; qu'en l'espèce l'exposante faisait valoir que, selon une lettre du 17 octobre 1995 émanant des autorités ivoiriennes, les quantités, en poids et en valeur, de thon non originaire étaient précisément déterminées ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait pas décider que l'ensemble des conserves de thon importées ne pouvait pas bénéficier du régime tarifaire préférentiel " ;
Attendu que, pour fixer le montant des droits dus par la société SCAC Delmas Vieljeux, la cour d'appel a pris en compte l'ensemble des marchandises importées, par l'intermédiaire de cette dernière, sous couvert de certificats EUR 1 annulés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 377 bis du Code des douanes et des dispositions des Conventions de Lomé, du 8 décembre 1984 et du 15 décembre 1989 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, présenté pour la société Saupiquet, pris de la violation des articles 5, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1697-79, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Compagnie Saupiquet à payer à l'administration des Douanes la somme de 6 382 270 francs ;
" alors qu'en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1697-79, le redevable a droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement à la triple condition que les droits n'aient pas été perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes, que cette erreur n'ait pu être raisonnablement décelée par lui, et qu'il ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane ; que dès lors, en faisant droit à l'action en recouvrement de l'administration des Douanes, bien qu'elle ait constaté que l'Etat ivoirien avait seul autorité pour certifier l'origine des produits susceptibles de bénéficier de l'exemption, que rien ne permettait de penser que les sociétés importatrices aient manqué de vigilance ou de sérieux dans leurs investigations sur le caractère ACP ou non des navires, ou qu'elles aient cherché à tromper les autorités ivoiriennes en leur communiquant délibérément à propos de ces navires des données factuelles inexactes, et que seules des recherches approfondies effectuées par les autorités ivoiriennes avaient permis de découvrir que certains navires ne répondaient pas aux critères de la convention, ce dont il ressortait que le défaut de perception des droits était imputable à la certification erronée de l'origine des produits par les autorités ivoiriennes seules compétentes pour ce faire en effectuant au besoin les recherches appropriées, et auxquelles les sociétés opératrices avaient communiqué de bonne foi toutes les données factuelles susceptibles d'être requises de leur part pour l'application de la réglementation douanière en cause, la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté la bonne foi des redevables et leur respect de la réglementation en vigueur, a violé la réglementation communautaire " ;
Et sur le second moyen de cassation, présenté pour la société Sogema, pris de la violation des articles 5, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1697-79, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Compagnie Saupiquet à payer à l'administration des Douanes la somme de 6 382 270 francs.
" alors qu'en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1697-79, le redevable a droit à ce qu'il ne soit pas procédé au recouvrement à la triple condition que les droits n'aient pas été perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes, que cette erreur n'ait pu être raisonnablement décelée par lui, et qu'il ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane ; que dès lors, en faisant droit à l'action en recouvrement de l'administration des Douanes, bien qu'elle ait constaté que l'Etat ivoirien avait seul autorité pour certifier l'origine des produits susceptibles de bénéficier de l'exemption, que rien ne permettait de penser que les sociétés importatrices aient manqué de vigilance ou de sérieux dans leurs investigations sur le caractère ACP ou non des navires, ou qu'elles aient cherché à tromper les autorités ivoiriennes en leur communiquant délibérément à propos de ces navires des données factuelles inexactes, et que seules des recherches approfondies effectuées par les autorités ivoiriennes avaient permis de découvrir que certains navires ne répondaient pas aux critères de la convention, ce dont il ressortait que le défaut de perception des droits était imputable à la certification erronée de l'origine des produits par les autorités ivoiriennes seules compétentes pour ce faire en effectuant au besoin les recherches appropriées, et auxquelles les sociétés opératrices avaient communiqué de bonne foi toutes les données factuelles susceptibles d'être requises de leur part pour l'application de la réglementation douanière en cause, la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté la bonne foi des redevables et leur respect de la réglementation en vigueur, a violé la réglementation communautaire " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que la cour d'appel a condamné les sociétés Saupiquet et Sogema au paiement des droits éludés sans répondre au moyen qui invoquait l'application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1697-79, lequel exclut le recouvrement a posteriori du montant des droits à l'importation non perçus par suite d'une erreur des autorités compétentes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, lorsque ce dernier a agi de bonne foi et a observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'au surplus elle constatait que rien ne permettait de penser que la société Saupiquet eût manqué de vigilance ni qu'elle eût cherché à tromper les autorités ivoiriennes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen présenté pour la société Saupiquet :
I. Sur le pourvoi de la société SCAC Delmas Vieljeux :
LE REJETTE ;
II. Sur les pourvois des sociétés Saupiquet et Sogema :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 11 mai 2000, mais en ses seules dispositions ayant condamné ces sociétés au paiement des droits éludés, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.