AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 21 novembre 2000, qui, pour usage d'attestations faisant état de faits matériellement inexacts en vue de porter préjudice au patrimoine d'autrui, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-7, alinéa second, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de la présomption d'innocence, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable d'avoir, devant le juge prud'homal, fait usage d'attestations mensongères pour porter préjudice à autrui et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que le prévenu a fait usage de différentes attestations qu'il a recueillies dans des circonstances douteuses relatées par les rédacteurs, lesquels au nombre de cinq ont indiqué de façon identique que le prévenu avait exigé d'eux des attestations qu'ils affirment être fausses et ce, alors qu'il n'avaient pas réellement réfléchi ou encore parce qu'ils ne voulaient pas avoir d'ennuis avec la direction, voire parce que le dirigeant avait toujours raison ; que la victime a elle-même reconnu avoir rédigé une attestation fausse lors du congédiement d'Anne D... sur demande du prévenu et que Sonia B..., signataire, a pour sa part déclaré que l'attestation qu'elle avait signée avait été rédigée sur la base d'une ébauche elle-même préparée par le prévenu ; que les dénégations du prévenu doivent être écartées dès lors que le caractère faux et la production devant l'instance prud'homale de ces attestations mensongères a été faite pour tromper la religion du juge dans l'intérêt exclusif de Michel X... ;
" alors, d'une part, que le délit d'usage de fausses attestations exige pour être caractérisé que le prévenu ait connaissance du caractère mensonger des affirmations contenues dans les attestations signées par les rédacteurs ; que s'agissant de la description de faits de soustraction frauduleuse réalisés en son absence, constatés par ses employés, le directeur du magasin dans lequel a eu lieu le vol ignorait les conditions exactes de cette soustraction et n'a donc pas pu avoir connaissance de leur caractère erroné ; qu'en se bornant à relever la volonté délictueuse du prévenu lors de la production devant l'instance prud'homale de ces attestations, compte tenu des aveux précis des rédacteurs des documents, les juges d'appel ont par présomption relevé qu'il connaissait le caractère fallacieux desdites attestations, lors de la production litigieuse tandis que le caractère mensonger n'est apparu que postérieurement à l'instance prud'homale ; qu'ainsi la décision n'est pas légalement justifiée ;
" alors, d'autre part, que le délit d'usage de fausses attestations lorsqu'il est aggravé par la volonté des rédacteurs d'agir en vue de porter atteinte à la fortune d'autrui tel que prévu à l'article 441-7, alinéa second, du Code pénal, exige, pour être caractérisé, qu'ait été précédemment établie chez l'auteur de l'attestation mensongère, la preuve de la connaissance du préjudice patrimonial concomitant à cette rédaction ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure qu'au cours de l'enquête préliminaire, Mmes A..., E..., F...et M. Z..., auteurs des quatre attestations litigieuses, entendus sur les faits à eux reprochés, après avoir admis la fausseté partielle des faits allégués, ont reconnu avoir agi sans intention de nuire et sans volonté de porter préjudice à M. Y... (PV 113, 14 15 et 16) ; qu'en conséquence, en l'absence de toute volonté de porter atteinte au patrimoine d'autrui constatée chez les auteurs des attestations non poursuivis, les juges d'appel ne pouvaient, faute de circonstance aggravante dûment établie, retenir à l'encontre du prévenu le délit d'usage d'attestations faisant état de faits inexacts aggravé par la conscience, chez les rédacteurs, de porter atteinte à la fortune d'autrui ; qu'en se prononçant ainsi, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel X... est poursuivi pour avoir fait usage d'attestations établies par ses employés, dans Ie cadre d'une procédure prud'homale l'opposant à l'un de ses anciens salariés ;
Attendu que, pour le déclarer coupable, la cour d'appel énonce notamment que les signataires des attestations recueillies dans des conditions douteuses ont indiqué que le prévenu les avait exigées d'eux et qu'ils les reconnaissent pour fausses ; que les juges ajoutent que la victime elle-même a reconnu avoir établi, à la demande du prévenu, une fausse attestation à l'occasion du congédiement d'une autre employée et que l'une des salariées a précisé qu'elle avait rédigé l'attestation sur la base d'une ébauche préparée par le prévenu, avant de se rétracter devant le conseil des prud'hommes ; qu'ils en concluent que le prévenu a fait usage d'attestations dont le caractère faux ne peut être contesté, afin de surprendre, dans son intérêt exclusif, la religion de la juridiction prud'homale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu avait connaissance du caractère inexact des attestations dont il a fait usage et dès lors qu'il suffit que la circonstance aggravante tirée de la volonté de porter préjudice au patrimoine d'autrui soit réalisée en la personne de l'auteur de l'usage desdites attestations, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt attaqué est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Fromont ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;