Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 mars 1999), que la société Créations GF a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 17 juillet 1996 et que la fermeture immédiate de l'entreprise a été ordonnée ; que, par lettre du 22 juillet 1996, le mandataire-liquidateur a licencié tout le personnel pour motif économique ; que le 31 juillet 1996, la société ANM a déposé une offre de reprise des éléments d'actif et de vingt salariés, essentiellement parmi le personnel des ateliers, qui a été acceptée par ordonnance du juge-commissaire du 26 août 1996 ; que des salariées non reprises ont soutenu que l'ordre des licenciements n'avait pas été respecté ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'AGS-CGEA :
Attendu que l'AGS et le CGEA de Rennes font grief à l'arrêt d'avoir décidé que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail n'étaient pas applicables et d'avoir, en conséquence, décidé que l'AGS était tenue de garantir des indemnités pour méconnaissance des critères d'ordre des licenciements et de la priorité de réembauchage mises à la charge du cédant, alors, selon le moyen, que la cession d'unités de production d'une entreprise en liquidation judiciaire entraîne la transmission des contrats de travail au cessionnaire, en cas de transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, en dépit même d'une interruption momentanée de celle-ci, en sorte que les licenciements prononcés antérieurement par le mandataire-liquidateur sont sans effet ; qu'en écartant l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail en raison de la rupture des contrats tout en constatant la cession du fonds à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte ;
Mais attendu que les salariés licenciés dans le cadre d'une cession d'actif autorisée par le juge-commissaire bénéficient de la garantie de l'AGS ; que la cour d'appel ayant constaté que la cession d'actif avait été autorisée et que le personnel licencié n'avait pas été repris, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fixé les créances de Mmes X..., Collin, Crepeau, Gaudet, Gautron et Mitaux aux sommes respectives de 87 000 francs, 75 000 francs, 90 000 francs, 85 000 francs, 80 000 francs et 92 000 francs au titre des " dommages-intérêts pour non-respect de critères d'ordre des licenciements ", alors, selon le moyen :
1° que la cessation d'activité de l'entreprise provoquée par la liquidation judiciaire emporte nécessairement suppression de l'ensemble des postes des salariés non repris, dans le cadre d'une cession d'unité de production, par le candidat repreneur ; que les dispositions de l'article L. 321-1-1 du Code du travail, relatives aux critères à prendre en considération pour fixer l'ordre des licenciements, sont sans objet et inapplicables en pareil cas ; de sorte qu'en décidant que M. Y..., liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Créations GF, aurait dû prendre en considération les critères légaux et conventionnels permettant de fixer l'ordre des licenciements, tout en constatant que la fermeture immédiate de l'entreprise avait été ordonnée et que M. Y... avait procédé au licenciement de l'ensemble du personnel sans distinction non repris par la société Ateliers nantais de maroquinerie, les juges du fond ont violé les dispositions susvisées, ensemble les dispositions des articles 1, 148-4, 153 et 155 de la loi du 25 janvier 1985 relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises et L. 143-11-1. 3° du Code du travail ;
2° que quand bien même les dispositions de l'article L. 321-1-1 du Code du travail seraient-elles applicables en cas de liquidation judiciaire sans maintien provisoire d'activité, la demande des salariés licenciés par le liquidateur judiciaire, tendant à obtenir le paiement, par celui-ci, d'une indemnité destinée à réparer le préjudice découlant d'une prétendue inobservation de l'ordre des licenciements, ne peut qu'être rejetée, comme inopérante, lorsque le licenciement précède une reprise judiciaire de l'unité de production, dès lors qu'en ce cas les licenciements sont dépourvus d'effet ; de sorte qu'en décidant que M. Y..., ès qualités, devait réparation aux salariés licenciés, sans rechercher si la reprise de l'unité de production par la société Ateliers nantais de maroquinerie ne rendait pas inopérante la demande desdits salariés, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
3° qu'en statuant de la sorte, tout en constatant que M. Y..., appelé à se prononcer sur le plan de cession de l'entreprise, avait, pour répondre à la demande du repreneur et à l'offre de reprise faite par la société ANM, privilégié le critère de la valeur professionnelle en se fondant sur des éléments objectifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 321-1-1 du Code du travail ;
Mais attendu que les licenciements prononcés par le mandataire-liquidateur sont privés d'effet lorsqu'une ordonnance du juge-commissaire, prise en application de l'article 83 de la loi du 25 janvier 1985 auquel renvoie l'article 155 de la même loi, autorise la cession des éléments du fonds de commerce et prévoit le licenciement des salariés non repris ; qu'il en résulte qu'un ordre des licenciements doit être établi et que l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.