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04/12/2001 | FRANCE | N°01-81985

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 décembre 2001, 01-81985


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Alain, la société Calcaires du Plantaurel, civilement responsable, Y... Christian, Y... Florian, Y... Philippe, agissant tant en son nom personnel que comme représentant de son fils mineur Pierre, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 1er février 2001, qui, dans la procédure suivie contre Alain X... et Christian Z... pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I. Sur les pourvois des parties civiles :
Vu le mémoire ampliatif, commu...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Alain, la société Calcaires du Plantaurel, civilement responsable, Y... Christian, Y... Florian, Y... Philippe, agissant tant en son nom personnel que comme représentant de son fils mineur Pierre, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 1er février 2001, qui, dans la procédure suivie contre Alain X... et Christian Z... pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur les pourvois des parties civiles :
Vu le mémoire ampliatif, commun aux demandeurs, et les mémoires en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du Code pénal, 1134, 1147, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a partiellement exonéré les prévenus des conséquences civiles de l'homicide involontaire retenu à leur encontre, à raison de la faute imputée à la victime ;
" aux motifs que " même si Gilles Y... n'avait pas de connaissances mécaniques suffisantes lui permettant de déterminer les causes techniques du dysfonctionnement du véhicule, il n'en était pas moins conscient du risque qu'il prenait en utilisant ce camion. Il avait d'ailleurs fait état de cette situation à certains de ses camarades de travail (voir par exemple les témoignages de MM. A... et B...) et à des membres de sa famille : sa mère et son frère Charles, à qui il avait dit le 22 juillet 1994, 4 jours avant l'accident, que l'engin qu'il conduisait n'avait toujours pas de freins. D'autre part, il n'est pas possible de considérer que, du seul fait de la relation de travail dans laquelle il était engagé, Gilles Y... s'est trouvé contraint de manière irrésistible d'exécuter sa tâche dans des conditions mettant sa vie en péril " " ;
" alors que, d'une part, l'auteur d'une infraction pénale est tenu à la réparation intégrale et ne peut être admis à en bénéficier, fût-ce moralement ; qu'en réduisant le montant des réparations civiles dues aux parties civiles, motif pris d'un risque pris par la victime, la cour d'appel a violé le principe susrappelé ;
" alors que, d'autre part, l'employeur qui met à la disposition d'un salarié un véhicule pour lui permettre d'exécuter son contrat de travail est tenu à son égard d'une obligation de sécurité ; que la cour d'appel, qui constate que ledit employeur avait mis à la disposition de son salarié un véhicule défectueux à l'origine du décès du salarié, ne pouvait reprocher à ce dernier d'avoir utilisé le véhicule " au péril de sa vie ", pour exécuter les ordres de son employeur ; qu'un tel reproche est inopérant ; qu'il appartenait en effet à l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de mettre en péril la vie de son salarié ; qu'en exonérant l'employeur d'une part de ses responsabilités dans ces conditions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur un chantier de construction, le camion-benne, appartenant à la société Calcaires du Plantaurel et conduit par son salarié Gilles Y... qui s'apprêtait à décharger la benne, a dévalé une pente en marche arrière, s'est renversé et a heurté des arbres ; que le conducteur a été mortellement blessé ; qu'Alain X..., gérant de la société, et Christian Z..., technicien salarié de l'entreprise utilisatrice du véhicule sur le chantier, ont été poursuivis pour homicide involontaire ; qu'ils ont été définitivement déclarés coupables du délit, le premier en raison de la défaillance du système de freinage du camion, confié en mauvais état au préposé, à l'origine de l'accident, le second, au motif qu'il avait désactivé le dispositif de sécurité destiné à bloquer les freins et à immobiliser l'engin ;
Attendu que, sur l'action civile des membres de la famille de la victime, n'ayant pas la qualité d'ayants droit au sens de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel, pour prononcer un partage de responsabilité et réduire la réparation du préjudice des parties civiles, énonce que Gilles Y... a commis une imprudence ayant contribué à la production du dommage, en continuant à piloter l'engin malgré l'avertissement qu'il avait reçu de ne pas circuler à bord du camion dépourvu de freins ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des circonstances de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision, tant au regard de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, applicable à l'action exercée contre l'employeur, gardien du véhicule seul impliqué dans l'accident de la circulation dont a été victime son préposé, qu'au regard de l'article 1382 du Code civil, applicable à l'action exercée contre le tiers coresponsable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II. Sur le pourvoi du prévenu et du civilement responsable :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de violation des articles L. 211-1 du Code des assurances, 1134 du Code civil, 591 à 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait mis hors de cause l'assureur du véhicule en cause (la compagnie Azur Assurances) ;
" aux motifs que la police d'assurance, dont se prévalent les premiers appelants, a été souscrite non par Alain X... mais par la SARL " Calcaires du Plantaurel " ; que cette société est donc la seule à pouvoir bénéficier de la garantie de la compagnie Azur Assurances ; que les parties civiles n'ont formé de demandes d'indemnisation que contre Alain X... ; que l'appel en cause d'Azur Assurances par la SARL est donc sans objet et c'est à juste titre que les premiers juges ont mis hors de cause cette compagnie ;
" alors, d'une part, que l'assurance du véhicule ayant causé l'accident étant une garantie obligatoire au sens de l'article L. 211-1 du Code des assurances, elle s'appliquait quel que soit le gardien ou le responsable du véhicule, dès lors que ce dernier était impliqué dans le dommage ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas décider que l'assurance n'avait pas vocation à produire ces effets dans le cadre de l'action civile réparant le préjudice né de l'accident ;
" alors, d'autre part, que, subsidiairement, le prévenu ayant été condamné en ce qu'il était gérant de la SARL Les Calcaires du Plantaurel, dans le cadre de l'activité qu'il développait pour le compte de la société qui était gardienne du véhicule litigieux, l'assurance souscrite par cette dernière doit garantir les conséquences dommageables d'un accident causé par le véhicule, objet de l'assurance, et garantir à ce titre son gérant, sauf à méconnaître le sens et la portée de la garantie ; qu'en statuant comme elle l'a dit, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles 385-1, 388-1 et 388-3 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis :
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 211-1 du Code des assurances ;
Attendu que la juridiction pénale ne peut mettre hors de cause l'assureur intervenu volontairement ou mis en cause devant elle que si elle reconnaît le bien-fondé de l'exception, présentée par l'assureur avant toute défense au fond et fondée sur une cause de nullité ou sur une clause du contrat d'assurance de nature à l'exonérer totalement de son obligation de garantie à l'égard des tiers ;
Attendu qu'Alain X... et la société Les Calcaires du Plantaurel, intervenant en qualité de civilement responsable, ont appelé au procès pénal la compagnie Azur, auprès de laquelle la société avait souscrit un contrat d'assurance automobile, et demandé qu'elle soit condamnée à les " garantir de toutes condamnations prononcées " contre eux ;
Attendu que la compagnie a décliné sa garantie en se prévalant de la clause des conditions générales du contrat excluant de la couverture les dommages corporels subis par le conducteur du véhicule et soutenu qu'aucune dérogation contractuelle n'était applicable en l'espèce ; que les premiers juges ont fait droit à l'exception ;
Attendu que, saisie des appels du prévenu et de la société, la cour d'appel, pour mettre la compagnie Azur hors de cause, énonce que l'intervention de l'assureur est sans objet dès lors qu'aucune demande d'indemnisation n'est dirigée par les parties civiles contre le souscripteur du contrat d'assurance, seul bénéficiaire de la garantie ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi par un motif inopérant, l'assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur, prévue par l'article L. 211-1 du Code des assurances, n'étant pas limitée à la responsabilité civile du souscripteur du contrat, la cour d'appel, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois des parties civiles :
Les REJETTE ;
II. Sur le pourvoi d'Alain X... et de la société Calcaires du Plantaurel :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives à la compagnie Azur, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 1er février 2001, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 01-81985
Date de la décision : 04/12/2001
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Loi du 5 juillet 1985 - Domaine d'application - Implication du seul véhicule de la victime - Conducteur non gardien du véhicule.

1° La loi du 5 juillet 1985 est applicable à l'action en réparation exercée contre le gardien du véhicule seul impliqué dans l'accident de la circulation dont a été victime le conducteur de ce véhicule qui n'en est pas le gardien. Justifie, dès lors, sa décision au regard de l'article 4 de cette loi la cour d'appel qui, après avoir déclaré un employeur, gardien du véhicule confié en mauvais état à son préposé, pénalement responsable du décès de ce dernier survenu lors de la conduite du véhicule, seul impliqué dans l'accident, réduit la réparation du préjudice des proches de la victime, n'ayant pas la qualité d'ayants droit au sens de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, en raison de l'imprudence du conducteur ayant contribué à la production du dommage(1).

2° ASSURANCE - Action civile - Intervention ou mise en cause de l'assureur - Juridictions pénales - Mise hors de cause - Conditions.

2° La juridiction pénale ne peut mettre hors de cause l'assureur intervenu volontairement ou mis en cause devant elle que si elle reconnaît le bien-fondé de l'exception, présentée par l'assureur avant toute défense au fond et fondée sur une cause de nullité du contrat ou une clause du contrat d'assurance de nature à exonérer totalement l'assureur de son obligation de garantie à l'égard des tiers.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de la sécurité sociale L451-1
Code des assurances L211-1
Loi 85-677 du 05 juillet 1985 art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre correctionnelle), 01 février 2001

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre civile 2, 1997-07-02, Bulletin 1997, II, n° 209, p. 123 (cassation) ;

Chambre civile 2, 1998-01-28, Bulletin 1998, II, n° 32, p. 20 (cassation). A comparer : Chambre criminelle, 1999-06-29, Bulletin criminel 1999, n° 156, p. 426 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 déc. 2001, pourvoi n°01-81985, Bull. crim. criminel 2001 N° 249 p. 832
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2001 N° 249 p. 832

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Cotte
Avocat général : Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat(s) : Avocats : M. Odent, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Choucroy, la SCP Parmentier et Didier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:01.81985
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