Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 mars 2000), que la société Fournier industrie et santé (la société), a procédé, le 18 décembre 1984, à la fusion-absorption des sociétés Laboratoires Goella, Laboratoires Plestan et Sapes industries et a acquitté à ce titre le 24 janvier 1985 les droits d'enregistrements institués par l'article 816 du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'elle a présenté, le 24 juin 1996, une réclamation en faisant valoir que ces droits d'enregistrement étaient incompatibles avec la directive n° 69/335 du Conseil des Communautés européennes du 17 juillet 1969 modifiée concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux ; qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des services fiscaux de la Côte-d'Or devant le tribunal de grande instance de Dijon ; que celui-ci a rejeté sa demande ; que la société a interjeté appel ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1° que l'opération taxée était une fusion de sorte que la disposition ayant conduit à la perception des droits en cause était l'article 816 du Code général des impôts et non l'article 812 relatif aux apports comme l'affirme l'arrêt attaqué ; d'où il suit qu'en fondant sa décision sur l'article 812, la cour d'appel l'a entaché d'un défaut de base légale au regard de ces textes ;
2° que l'application de l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales, opposant une prescription quadriennale au droit de restitution, suppose que l'exercice de ce droit, matérialisé par la réclamation, soit postérieur à la décision de justice qui a révélé la non-conformité de l'imposition litigieuse au droit communautaire et que seule une décision de justice rendue par une Cour souveraine et nationale peut assurer le contribuable de la contrariété d'une règle interne au droit communautaire ; de sorte qu'en faisant remonter la date butoir à l'arrêt Bautiaa et en opposant ainsi la prescription prévue à l'article L. 190, alinéa 3, malgré l'inapplicabilité de cette disposition à l'espèce, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
Mais attendu que les droits d'enregistrement institués par l'article 816 du Code général des impôts ont été déclarés incompatibles avec la directive n° 69/335 précitée par l'arrêt rendu le 13 février 1996 par la Cour de justice des Communautés européennes (société Bautiaa), que la cour d'appel a constaté que la réclamation présentée par la société le 24 juin 1996, qui ne pouvait être recevable qu'en application de l'article R. 196-1 c du Livre des procédures fiscales, était fondée sur cet arrêt ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'article L. 190, alinéa 3, du même Livre disposant que l'action en restitution fondée sur une décision juridictionnelle ayant révélé la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision est intervenue était applicable ; que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, que si la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt Fantask du 2 décembre 1997, a reconnu la possibilité pour les Etats de limiter le droit à restitution, c'est, au nom du principe de sécurité juridique, d'une part, à condition que la procédure interne de répétition de l'indu ne soit pas moins favorable que les autres procédures analogues, d'autre part, que le droit à restitution ne soit pas ainsi rendu impossible ou excessivement difficile ; qu'en l'espèce l'article L. 190, alinéa 3, fait obstacle au droit à restitution pour les années où le droit français, non seulement n'avait pas respecté les normes communautaires, mais de plus où cette non-conformité n'avait pas été révélée ; de sorte que l'article L. 190, alinéa 3, est non seulement moins favorable que certaines hypothèses de réclamation prévues à l'article R. 196-1, mais encore il interdit, en opposant une prescription, de faire valoir toute l'étendue du droit à restitution ; d'où il suit qu'en reconnaissant la validité de l'article L. 190, alinéa 3, au regard du droit communautaire, la cour d'appel a violé l'article 5, devenu l'article 10, du traité instituant la Communauté européenne posant le principe de sécurité juridique ;
Mais attendu que, par arrêt du 28 novembre 2000 (société Roquette), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le droit communautaire ne s'oppose pas à la réglementation d'un Etat membre prévoyant que, en matière fiscale, l'action en répétition de l'indu fondée sur la déclaration par une juridiction nationale ou communautaire de la non-conformité d'une règle nationale avec une règle nationale supérieure ou avec une règle communautaire ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision juridictionnelle révélant la non-conformité est intervenue ; que c'est dès lors, à bon droit, que la cour d'appel a jugé que l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales était compatible avec l'ordre juridique communautaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen :
1° qu'elle soutenait dans ses conclusions d'appel qu'en vertu d'un principe général du droit, la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir, règle qui s'oppose à ce qu'on limite le droit à restitution du contribuable alors que celui-ci, par l'effet de la loi française elle-même, était placé dans l'impossibilité de faire valoir ce droit ; et que, en adoptant l'article L. 190, alinéa 3, le législateur a entendu rattacher cette disposition au régime de la déchéance quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968, dont l'article 3 dispose que la prescription ne court pas contre le créancier qui ne peut agir ; d'où il suit que la cour d'appel, en se contentant de rappeler des motifs déjà exposés, n'a pas répondu à cette argumentation entachant ainsi sa décision d'une insuffisance de motivation en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir, règle qui s'oppose à ce qu'on limite le droit à restitution du contribuable alors que celui-ci, par l'effet de la loi française elle-même, était placé dans l'impossibilité de faire valoir ce droit ;
Mais attendu qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la compatibilité d'une disposition de nature législative, telle que l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales, avec un principe général du droit ; que le moyen en ses deux branches est dès lors irrecevable ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.