CASSATION partielle par voie de retranchement sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X..., Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 12 mars 2001, qui, pour contrebande de marchandises prohibées, les a condamnés à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, à des pénalités douanières et au paiement des droits éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 460, 512, 513 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué indique que le conseil du prévenu a soulevé une exception d'incompétence territoriale donnant lieu à un débat à l'issue duquel le prévenu et son conseil n'ont pas eu la parole en dernier ;
" alors que la règle selon laquelle le prévenu ou son conseil doivent, à peine de nullité, avoir toujours la parole en dernier doit s'appliquer aux débats portant sur les questions de nullité de procédure soulevées au début de l'audience même si une décision de jonction a été ordonnée ; qu'ainsi la Cour a méconnu les droits de la défense " ;
Attendu que l'arrêt mentionne qu'après que les avocats des prévenus, puis le ministère public et l'avocat de la partie civile eurent été entendus sur l'exception d'incompétence, les juges ont joint l'incident au fond ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que, après jonction de l'incident au fond et poursuite des débats, les avocats des prévenus ont eu la parole en dernier, avant que la cour d'appel ne se prononce sur l'ensemble de l'affaire ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 36 du règlement CEE n° 542-69, 414, 417, 418, 420, 421, 422, 423 à 429 du Code des douanes des Communautés, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par X... ;
" aux motifs que l'enquête des douanes françaises et belges a permis de constater, en flagrant délit, le déchargement de 43 tonnes de riz transportées par camion dans la zone industrielle de Villeneuve-le-Roi, la marchandise circulant sous T1, et que la société française Parex était bien destinataire de ces marchandises visées dans le titre irrégulier de transit ; que, dans ces conditions, c'est bien en France que la soustraction au régime de transit, en l'espèce la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions prévues au régime douanier, a été opérée ;
" alors que, d'une part, il appartient aux juges du fond de qualifier les faits dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, la Cour ne pouvait retenir, quant aux faits visés dans la prévention, la qualification de contrebande sans rechercher si l'existence de titres de transport irréguliers, dont elle a constaté l'existence, ne conduisait pas à la qualification d'exportations sans déclaration, en l'espèce, sous couvert de fausses déclarations tendant à éluder ou à compromettre le recouvrement des droits ;
" alors que, d'autre part, dans ses conclusions régulièrement visées, X... avait soutenu que l'infraction qui lui était reprochée avait sa source dans l'émission frauduleuse de 44 titres de transit T1 émis en Belgique, et sollicitait ainsi la requalification de l'infraction visée à la prévention ; qu'en délaissant ce moyen essentiel des conclusions du prévenu, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Y..., pris de la violation des articles 36 du règlement CEE n° 222-77 du 13 décembre 1976, 414, 417, 423 à 429 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Y... au profit des juridictions répressives belges ;
" aux motifs que " l'article 417-2 du Code des douanes dispose que sont constitutifs des faits de contrebande : " les soustractions ou substitutions en cours de transport de marchandises expédiées sous un régime suspensif et, d'une manière générale, toute fraude douanière relative au transit de marchandises expédiées sous un régime suspensif ; qu'il est indéniable que l'enquête des douanes françaises et belges a permis de constater, en flagrant délit, le déchargement des 43 tonnes de riz transportées par camion dans la zone industrielle de Villeneuve-le-Roi, la marchandise circulant sous T1, et que la société française Parex était bien destinataire de ces marchandises visées dans le titre irrégulier de transit ; qu'en l'espèce, c'est bien en France que la soustraction au régime de transit, en l'espèce la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions prévues au régime douanier, a été opérée ; que, dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que l'infraction poursuivie avait été commise en France et qu'il s'est donc estimé compétent " ;
" alors 1° qu'il appartient aux juges du fond de qualifier les faits dont ils sont saisis ; qu'en s'en tenant à la qualification de contrebande retenue par la prévention, sans rechercher si l'existence de titres de transports irréguliers émis au départ de Belgique, dont elle constatait l'existence, ne conduisait pas à retenir la qualification d'exportations sans déclaration et à écarter la compétence des juridictions françaises pour poursuivre ce délit commis sur le territoire belge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors 2° que, dans ses conclusions régulièrement visées, Y... soutenait que l'infraction qui lui était reprochée avait sa source dans l'émission frauduleuse de 44 titres de transit communautaire émis en Belgique où les droits de douane correspondant aux marchandises ainsi importées dans l'espace communautaire auraient dû être perçus ; qu'en laissant sans réponse ce moyen propre à justifier la compétence des juridictions répressives légales, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... et Y..., respectivement gérants de droit et de fait de la société Parex, sont poursuivis pour avoir soustrait, en cours de transport, des marchandises expédiées sous un régime suspensif ;
Attendu que, pour rejeter l'exception d'incompétence tirée de ce que les faits reprochés s'analyseraient en une fausse déclaration à l'exportation commise en Belgique, la cour d'appel relève que l'enquête des douanes françaises et belges a permis de constater que 43 tonnes de riz en provenance d'Anvers et circulant sous le régime du transit externe, ont été déchargées à Villeneuve-le-Roi au profit de la société Parex, qui en était la destinataire réelle, alors que la destinataire déclarée était la Compagnie nationale algérienne de navigation, établie à Marseille ;
Que les juges en concluent que l'infraction poursuivie a été commise en France ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à se prononcer sur des faits éventuellement commis en Belgique, distincts de ceux dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour X..., pris de la violation des articles 7, 414, 418, 420, 421 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'importation en contrebande de marchandises prohibées et fortement taxées, a statué sur les actions publiques, fiscales et civiles ;
" aux motifs que ni Y..., ni X... ne se sont assurés que la marchandise dont ils étaient les destinataires (en France) était en règle au regard des droits de douane ; que cette obligation leur incombait d'autant plus que, pour le dédouanement des marchandises, ils s'étaient adressés à un intermédiaire inconnu dont les documents (factures) n'indiquaient nulle part la qualité de commissionnaire en douane ; qu'en outre, cette vérification était d'autant plus aisée que X... demeurait en Belgique et y gérait une société ; qu'il est acquis à la procédure que Y..., ancienne gérante de la société Parex, avait reçu tout pouvoir de X..., en son absence, d'assurer la gestion quotidienne de la société ;
" alors que, d'une part, la Cour, qui a constaté l'existence d'une délégation de pouvoirs au profit de Y... durant l'absence de X... et que celui-ci résidait en Belgique, ne pouvait retenir celui-ci dans les liens de la prévention, sans s'expliquer sur la participation personnelle du prévenu aux faits visés à la prévention ;
" alors que, d'autre part, l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 qui a abrogé l'article 369-2 du Code des douanes permet aux contrevenants en matière douanière de rapporter la preuve de leur bonne foi ; que si la démonstration de la bonne foi demeure à la charge des prévenus, il n'en appartient pas moins aux juges du fond de se prononcer sur l'exception de bonne foi prononcée ; que, dans ses conclusions, X... avait fait valoir qu'il n'y avait eu de sa part aucune participation aux faits de contrebande, dès lors que la gestion administrative et comptable de la société Parex, située en France, était entièrement gérée par Y..., dirigeant de fait de la société ; que la Cour, qui a déclaré X... coupable des faits visés à la prévention sans s'expliquer ni rejeter la bonne foi du prévenu, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable des faits reprochés, la cour d'appel relève que la société Parex, dont il était gérant de droit et qui avait pour activité l'importation et la vente de produits alimentaires en provenance d'Extrême-Orient, a mis en place un système de fausses facturations, destiné à faire croire qu'elle achetait à la société Skipton, établie en Belgique, des marchandises qui étaient ensuite déchargées à Villeneuve-le-Roi après avoir été placées sous le régime du transit communautaire externe à destination de Marseille ;
Que les juges ajoutent que X... a lui-même émis les fausses factures adressées à la société Skipton, qu'il a reconnu que cette dernière ne jouait aucun rôle réel dans l'opération et que, professionnel averti, il ne pouvait ignorer le caractère frauduleux du mécanisme mis en place ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent la participation personnelle de l'intéressé aux faits reprochés et excluent sa bonne foi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen doit être rejeté ;
Mais sur le second moyen de cassation (subsidiaire) proposé pour Y..., pris de la violation des articles 36 du règlement CEE n° 222-77 du 13 décembre 1976, 215 du règlement CEE n° 2913-92 du 12 octobre 1992 établissant le Code des douanes communautaires, 377 bis, 414, 417, 423 à 429 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y..., solidairement avec X..., à payer à l'administration des Douanes la somme de 4 252 414 francs au titre des droits et taxes éludés ;
" aux motifs que, " compte tenu de la déclaration de culpabilité intervenue à l'égard des deux prévenus, les actions fiscales et civiles de l'administration des Douanes sont recevables et fondées " ;
" alors qu'en cas d'introduction irrégulière d'une marchandise dans la Communauté européenne, suivie d'une opération de transit à travers plusieurs Etats membres, seul l'Etat où la marchandise a été introduite est compétent pour procéder au recouvrement de la dette douanière née de cette introduction ; qu'ayant constaté que les marchandises incriminées avaient été introduites sur le territoire de la Communauté européenne à Anvers au moyen de faux titres de transit externe, ce dont il se déduisait que la Belgique était seule compétente pour procéder au recouvrement de la dette douanière née de cette introduction, la cour d'appel, à supposer qu'elle ait été compétente pour réprimer les faits de contrebande commis sur le territoire français, ne pouvait pas pour autant condamner Y... au paiement des droits de douanes qui auraient dus être acquittés, en Belgique, lors de l'introduction des marchandises dans l'espace communautaire " ;
Vu l'article 215 du Code des douanes communautaire ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, que, lorsqu'un régime douanier n'est pas apuré pour une marchandise, l'action en recouvrement des droits éludés est réservée au seul Etat membre dans lequel la marchandise a été placée sous ledit régime ;
Attendu que, devant les juges du fond, l'administration des Douanes a sollicité la condamnation des prévenus au paiement, notamment, de la somme de 3 805 715 francs, représentant les droits de douane et les prélèvements et éléments agricoles éludés et la fixation à ce montant de la créance de l'administration des Douanes sur la société Parex ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande, la cour d'appel énonce qu'elle est justifiée par la déclaration de culpabilité des prévenus ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les marchandises livrées à la société Parex avaient été placées en Belgique sous le régime du transit communautaire, lequel n'a, par la suite, jamais été apuré, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et vu l'article 612-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, si, seuls X... et Y... se sont pourvus contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner que l'annulation partielle de cette décision aura effet à l'égard de la société Parex ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 12 mars 2001, mais en ses seules dispositions ayant condamné X... et Y... au paiement solidaire de la somme de 3 805 715 francs, représentant les droits de douane et les prélèvements et éléments agricoles éludés et ayant fixé à ce montant la créance de l'administration des Douanes sur la société Parex, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.