Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix, 14 mas 2000), que la société Baudin Allard a remis, pour encaissement, au Crédit agricole une lettre de change relevé (LCR) tirée sur la société Vitaflor, à échéance au 10 septembre 1992 ; que le Crédit agricole a présenté l'effet au paiement, par la voie de l'ordinateur de compensation, à la Barclay's Bank, banque domiciliataire de la société tirée ; que le 16 septembre 1992 la société Vitaflor a été déclarée en redressement judiciaire ; que le 17 septembre, soit moins de six jours ouvrés après la date prévue par le règlement de compensation, la Barclay's Bank a rejeté la lettre de change et refusé le paiement ; que la société Baudin Allard a assigné en paiement la Barclay's Bank ;
Attendu que la société Baudin Allard fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1° que l'article 3-3.3 du règlement interbancaire dont il n'est pas contesté qu'il s'impose aux parties dispose " qu'en cas de paiement de toutes les LCR d'un relevé, le relevé de LCR adressé avant l'échéance et l'inscription au débit du compte du tiré du total figurant sur le relevé, constituent pour le tiré la preuve de son paiement et lui tiennent lieu d'acquit " ; que le titre étant payé, la banque domiciliaire est personnellement engagée à l'égard du tireur et commet dès lors une faute en refusant de régler l'effet qu'elle a pourtant débité avec l'accord du tiré ; qu'en conséquence, en énonçant que seul le virement de compte à compte emporte dessaisissement des fonds au profit du bénéficiaire et qu'il importe peu que l'écriture de crédit vaille acquit aux termes du règlement interbancaire, celui-ci n'édictant aucune sanction spécifique, la cour d'appel a méconnu les obligations de la Barclay's Bank telles qu'elles découlaient de l'article 3-3.3 du règlement interbancaire, et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
2° que l'article 4-2.1 du règlement interbancaire impose aux banques domiciliaires de " rejeter à leur centre de traitement les LCR impayées, au plus tard le lendemain de l'échéance " ; qu'à défaut, la lettre de change doit être considérée comme payée de sorte que la banque domiciliaire doit payer les bénéficiaires ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la Barclay's Bank n'a pas rejeté la lettre de change litigieuse à son centre de paiement le lendemain de l'échéance ; que, dès lors, cette lettre de change devait être considérée comme payée et la banque devait payer les bénéficiaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient, et a encore violé l'article 1134 du Code civil ;
3° que le paiement de la lettre de change par débit du compte du tiré met à la charge du banquier domiciliaire une obligation personnelle de payer ; que le banquier étant ainsi personnellement engagé, le redressement judiciaire du tiré au cours du délai de six jours dont la banque dispose pour rejeter l'effet, est sans influence sur l'obligation de payer l'effet à la charge de la banque ; que la lettre de change litigieuse ayant été payée le 10 septembre 1992, la société Vitaflor a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1992, et la banque a restitué l'effet litigieux le 17 septembre suivant ; qu'étant personnellement obligée de payer la lettre de change litigieuse, la Barclay's Bank ne pouvait arguer du redressement judiciaire du tiré pour rejeter l'effet ; qu'en agissant ainsi alors que cette procédure n'avait aucun effet rétroactif, la banque a commis une faute ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la seule inscription au débit du compte du tiré, par la banque domiciliataire, fût-elle corroborée par le relevé de LCR adressé par la société tirée avant l'échéance, ne constitue pas un paiement au profit du tireur ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'inscription du montant de l'effet litigieux au débit du compte de la société Vitaflor n'emportait pas dessaisissement des fonds au profit du bénéficiaire ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que la Barclay's Bank avait rejeté la lettre de change dans le délai de six jours ouvrés dont elle disposait, selon le règlement de la chambre de compensation, pour régler ou rejeter la valeur de l'effet, la cour d'appel en a exactement déduit l'absence de faute de la banque domiciliataire, qui n'avait aucune obligation personnelle de payer, peu important que le guichet domiciliataire, qui n'a pas une personnalité morale distincte de celle de son centre de traitement, n'ait pas retourné à celui-ci la lettre de change-relevé au plus tard le lendemain de l'échéance ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.