AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Euro bétail Ouest, société anonyme, dont le siège est Moulin de Can, 29400 Lampaul Guimiliau,
2 / M. Yves X..., liquidateur de la société Euro Bétail Ouest, domicilié Milin Ar C' Han, 29400 Lampaul Guimiliau,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 novembre 1999 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre commerciale), au profit :
1 / de la société Le Chat et compagnie, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la société Transport Bardy bétail, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 février 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, M. de Monteynard, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Monteynard, conseiller référendaire, les observations de Me Blondel, avocat de M. X..., ès-qualités et de la société EBO, de Me Copper-Royer, avocat de la société Le Chat et compagnie, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 3 novembre 1999) que la société Euro-Bétail-Ouest (société EBO) a confié l'acheminement de têtes de bétail depuis Saint-Pierre le Moûtier jusqu'en Grèce à la société Le Chat et compagnie (société Le Chat), qui s'est substituée la société Transports Bardy Bétail (société Bardy) ; que cette dernière, dont le véhicule s'est trouvé pris dans des blocages routiers en Grèce, a fait rapatrier la marchandise ; que plusieurs bêtes sont mortes et que d'autres ont perdu du poids ; qu'ultérieurement, la société Le Chat a assigné la société EBO en paiement du fret ; que de son côté, la société EBO et M. X... son liquidateur amiable, ont appelé en la cause la société Bardy et demandé à la réparation du préjudice par cette dernière et par la société Le Chat ; qu'après avoir retenu que le blocage des routes en Grèce constituait une force majeure, la cour d'appel a accueilli la demande principale et condamné chacune des trois sociétés a supporter pour partie le coût du préjudice subi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société EBO reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle est responsable pour un tiers des pertes et avaries de transports, et en conséquence, d'avoir ainsi retenu que les sociétés Le Chat et Bardy n'en étaient responsables qu'à hauteur des deux tiers alors, selon le moyen :
1 / que dans ses conclusions régulièrement signifiées le 16 septembre 1999, la société EBO et M. X..., son liquidateur amiable, avaient fait valoir que dès le 30 novembre 1996, la société Le Chat avait elle-même fait revenir l'un de ses camions chargé d'un transport vers la Grèce, en raison du mouvement de grève frappant ce pays de l'Union Européenne, en sorte qu'avant même le départ du camion chargé de transporter les bovins, la société Le Chat pouvait également ordonner son retour ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, de nature a établir que le transporteur, et son substitué, pouvaient éviter les conséquences du mouvement de grève affectant la Grèce, au sens de l'article 17-2 de la CMR, la cour d'appel méconnaît les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que dans ses conclusions régulièrement signifiées le 16 septembre 1999, la société EBO et M. X..., son liquidateur amiable, avaient fait valoir que, dès que le camion transportant les bovins était retourné en Italie, la société Le Chat avait annoncé périodiquement à la société EBO le retour imminent des bovins à Saint-Pierre le Moûtier, cette dernière ayant d'ailleurs immédiatement pris le soin de contacter les services vétérinaires de la Nièvre pour les recevoir ; qu'ainsi, en retenant la faute de l'ayant droit pour n'avoir pas "transmis des instructions rapides et nécessaires" au transporteur, sans répondre à ces conclusions pourtant de nature à établir que la société EBO n'avait commis aucune faute susceptible d'exonérer le transporteur de sa responsabilité, au sens de l'article 17-2 de la CMR, la cour d'appel méconnaît à nouveau les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'en retenant, par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui ont été soumis, que lors de l'arrivée du camion en Grèce, le mouvement des agriculteurs grecs en était encore à son début, avant de prendre de l'ampleur et de bloquer les axes routiers principaux, l'arrêt qui en a déduit qu'il ne saurait être fait grief aux sociétés Le Chat et Bardy, d'avoir laissé partir le camion dans ces conditions, a répondu en les écartant aux conclusions dont fait état la première branche ;
Attendu, d'autre part, qu'en retenant que la société EBO, au courant des difficultés rencontrées en Italie, ne justifie pas avoir transmis des instructions rapides et nécessaires, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir le grief de la seconde branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société EBO fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 / que selon l'article 23-4 de la CMR, qui devait impérativement recevoir application, outre l'indemnité pour perte partielle de la marchandise, sont remboursés au prorata le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l'occasion du transport de la marchandise ; qu'ainsi, en ordonnant la compensation entre l'indemnité allouée à la société EBO pour la perte partielle de la marchandise et l'intégralité du prix du transport de cette marchandise facturé par la société Le Chat, la cour d'appel viole l'article 23-4 de la CMR ;
2 / qu'en condamnant la société EBO et son liquidateur à payer à la société Le Chat la somme de 126 187 francs, après compensation entre le prix du transport et l'indemnité pour la perte partielle de la marchandise mise à la charge de la société Le Chat et ce, après avoir relevé que la facture relative au transport litigieux s'élevait à la somme de 83 241 francs et que la société Le Chat devait payer à la société EBO la somme de 93 066 francs, représentant les deux tiers de l'indemnité due, ce dont il résultait un solde de 9 225 francs en faveur de la société EBO et non en faveur de la société Le Chat, la cour d'appel ne tire pas les conséquences légales de ses constatations et partant viole l'article 1289 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions de la société EBO, que celle-ci ait soutenu le grief de la première branche qui est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que sous couvert d'une violation de la loi, le pourvoi ne tend dans sa seconde branche qu'à la rectification d'une erreur matérielle ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable en ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Euro bétail Ouest, et M. X... ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Euro bétail Ouest à payer à la société Le Chat la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille deux.