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06/09/2002 | FRANCE | N°98-14397

France | France, Cour de cassation, Chambre mixte, 06 septembre 2002, 98-14397


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 février 1998), que M. X... a reçu de la société de vente par correspondance Maison française de distribution (la société) deux documents le désignant de façon nominative et répétitive, en gros caractères, comme le gagnant d'une somme de 105 750 francs, puis, peu après, d'un poste de télévision, pourvu qu'il renvoyât à l'expéditeur, dans le premier cas, un bon "de validation", et, dans le second, un bon "de participa

tion" ; que soutenant avoir retourné lesdites pièces mais n'avoir jamais rien reçu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 février 1998), que M. X... a reçu de la société de vente par correspondance Maison française de distribution (la société) deux documents le désignant de façon nominative et répétitive, en gros caractères, comme le gagnant d'une somme de 105 750 francs, puis, peu après, d'un poste de télévision, pourvu qu'il renvoyât à l'expéditeur, dans le premier cas, un bon "de validation", et, dans le second, un bon "de participation" ; que soutenant avoir retourné lesdites pièces mais n'avoir jamais rien reçu, et avoir appris ensuite que son nom n'avait figuré sur le premier document qu'au titre d'un prétirage au sort, il a assigné la société en paiement d'une somme de 30 000 francs pour l'indemnisation du préjudice né de la tromperie destinée à le persuader qu'il avait gagné ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté, alors, selon le moyen :

1 / que, désigné gagnant d'un tirage au sort, il ne pouvait être taxé de mauvaise foi pour s'être légitimement entouré de garanties dans le but de préserver son droit de créance ; qu'en considérant que son attitude faisait ressortir qu'il n'avait pu se croire gagnant de telle sorte qu'il n'avait pu souffrir d'aucun préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / qu'en toute hypothèse, le seul fait de se voir privé d'un gain qui paraissait acquis suffit à établir l'existence d'un préjudice ; que la cour d'appel a au demeurant observé que le préjudice appelant une réparation supposait que M. X... démontre avoir effectivement gagné la somme annoncée ; qu'en considérant à cet égard que la société MFD avait, de manière condamnable, usé de procédés fallacieux en lui laissant entendre qu'il était gagnant et en refusant néanmoins de réparer son préjudice en se fondant sur une circonstance inopérante tenant à la perception que le gagnant avait pu avoir de la promesse de gain, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt, ayant relevé souverainement l'absence de préjudice de M. X..., est, par ce seul motif, légalement justifié, de sorte que le moyen est inopérant ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à un franc de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors, selon le moyen, que tout justiciable est fondé à obtenir en justice le paiement d'une créance dont il a été désigné bénéficiaire, peu important que la promesse de gain lui paraisse sujette à caution ; qu'en considérant qu'il avait commis un abus de procédure en cherchant à tirer profit d'un pseudo-gain qu'il savait ne pas être le sien alors même qu'il avait été désigné gagnant du tirage au sort et qu'il appartenait à la seule société MFD de ne pas s'exposer, par l'usage de procédés fallacieux à une revendication que légitimait le contenu de ses documents publicitaires, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus de procédure imputé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que M. X... avait cherché à tirer profit d'un pseudo-gain qu'il savait n'être pas le sien, a pu en déduire que son action était abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du six septembre deux mille deux.

LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRESIDENT,

LE GREFFIER EN CHEF.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X....

Moyens annexés à l'arrêt n° 211 P (Chambre mixte)

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en dommages-intérêts dirigée contre la société MFD,

AUX MOTIFS QUE, pour que l'action intentée par M. X... prospère, encore lui appartient-il de prouver, outre la faute de la société MFD, la réalité du préjudice qu'il entend voir réparer, en l'espèce la créance qui aurait été la sienne d'avoir effectivement gagné la somme annoncée ; que, pour que l'action intentée par M. X... prospère, encore lui appartient-il de prouver, outre la faute de la société MFD, la réalité du préjudice, qu'il entend voir réparer, en l'espèce la créance qui aurait été la sienne d'avoir effectivement gagné la somme annoncée ; comme le relève l'appelante, que non seulement la bonne foi de l'intimé est loin d'être démontrée, mais que sa mauvaise foi est certaine ; qu'en effet le document de validation que devait retourner M. X... à la société MFD (pièce n° 2 de celles communiquées en première instance, comporte deux rubriques, l'une indiquant : "Si je suis gagnant du Super Grand Prix de 105 750 francs, veuillez m'en informer et effectuer le versement de cette somme dès la clôture du tirage", l'autre : "Si je suis gagnant des 1 003 autres prix, veuillez me remettre le prix auquel j'ai droit" ; que, sur ce même imprimé, a été portée la mention manuscrite suivante, à hauteur de la seconde branche de l'alternative rapportée ci-dessus : "Je ne suis pas d'accord. J'ai gagné, voir paragraphe ci-dessus et sans réponse de ma part vous ne serez pas autorisé à me payer ! Pensez donc ! D'où je m'empresse de vous expédier mon document. Je n'ai pas l'intention de perdre la somme que j'ai gagnée. Je dis bien gagnée" ; qu'il est acquis aux débats que M. X... fit retour du document de validation le 13 avril 1994 ; qu'en fait, du bordereau de dépôt de lettre recommandée avec accusé de réception, l'intimé ayant choisi ce type d'affranchissement, il ressort que cet envoi eut lieu le lendemain, la date du 13 avril étant celle de la lettre d'accompagnement du document de validation ; que, par cette lettre, plutôt que de faire part de son étonnement ou du plaisir qu'il éprouvait à l'idée de gagner, sans raison, une somme d'un montant

supérieur à 100 000 francs, M. X... faisait savoir au directeur de la société MFD que, faute de recevoir cette somme de 105 750 francs, il serait contraint de confier les documents à (son) avocat pour engager des poursuites. Ces dits documents seront confiés à l'avocat à partir du 2 mai, si la somme que j'ai gagnée ne m'a pas été payée" ; que, tant les mentions portées sur le bulletin de validation, de la même écriture que celle de la lettre datée du 13 avril 1994, que le contenu de celle-ci sont la démonstration de l'opinion, qui était celle de Stéphane X... qui, sensible au caractère fort équivoque de l'ensemble des documents que lui avait fait parvenir seulement quelques jours plus tôt la société MFD, avait compris être "victime" d'une publicité plus qu'à la limite de l'honnêteté intellectuelle ; que de ces documents, il ressort que l'intimé n'a pu croire être le gagnant de cette somme de plus de 100 000 francs, en sorte qu'il n'a souffert d'aucun préjudice ;

ALORS QUE, désigné gagnant d'un tirage au sort, M. X... ne pouvait être taxé de mauvaise foi pour s'être légitimement entouré de garanties dans le but de préserver son droit de créance ; qu'en considérant que l'attitude de M. X... faisait ressortir qu'il n'avait pu se croire gagnant de telle sorte qu'il n'avait pu souffrir d'aucun préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE le seul fait de se voir privé d'un gain qui paraissait acquis suffisait à établir l'existence d'un préjudice ; que la cour d'appel a au demeurant observé que le préjudice appelant une réparation supposait que M. X... démontre avoir effectivement gagné la somme annoncée ; qu'en considérant à cet égard que la société MFD avait, de manière condamnable, usé de procédés fallacieux en laissant entendre à M. X... qu'il était gagnant et en refusant néanmoins de réparer son préjudice en se fondant sur une circonstance inopérante tenant à la perception que le gagnant avait pu avoir de la promesse de gain, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1382 du Code civil ;

SECOND MOYEN :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la société MFD la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QU'en agissant comme il le fit, en procédant pour tirer profit d'un pseudo-gain, qu'il savait ne pas être le sien, M. X... a commis un abus de procédure ; que la société MFD, dont il a été relevé que les procédés, évidemment à des fins commerciales, étaient fallacieux, qui a "démarché" M. X... à son domicile par l'envoi de ces documents publicitaires critiquables, ne s'explique pas sur l'importance du préjudice qu'elle entend voir réparer ;

qu'aussi, la cour d'appel fixe son indemnisation à la somme symbolique de un franc ;

ALORS QUE tout justiciable est fondé à obtenir en justice le paiement d'une créance dont il a été désigné bénéficiaire, peu important que la promesse de gain lui paraisse sujette à caution ; qu'en considérant que M. X... avait commis un abus de procédure en cherchant à tirer profit d'un pseudo-gain qu'il savait ne pas être le sien alors même qu'il avait été désigné gagnant du tirage au sort et qu'il appartenait à la seule société MFD de ne pas s'exposer, par l'usage de procédés fallacieux, à une revendication que légitimait le contenu de ses documents publicitaires, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus de procédure imputé à M. X..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

LE GREFFIER EN CHEF.


Synthèse
Formation : Chambre mixte
Numéro d'arrêt : 98-14397
Date de la décision : 06/09/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Chambre mixte

Analyses

1° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Dommage - Existence.

1° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Existence - Appréciation souveraine.

1° L'absence de préjudice relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

2° ACTION EN JUSTICE - Exercice abusif - Faute - Réclamation illégitime d'un gain.

2° JEUX DE HASARD - Loterie - Loteries publicitaires - Participant - Réclamation illégitime d'un gain - Action abusive 2° PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Loteries publicitaires - Participant - Réclamation illégitime d'un gain - Action abusive.

2° Une cour d'appel, qui a relevé que le demandeur avait cherché à tirer profit d'un pseudo-gain qu'il savait n'être pas le sien, peut en déduire que son action est abusive.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 09 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. mixte., 06 sep. 2002, pourvoi n°98-14397, Bull. civ. 2002 MIXTE N° 5 p. 10
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2002 MIXTE N° 5 p. 10

Composition du Tribunal
Président : Premier président :M. Canivet.
Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: M. Gridel.
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:98.14397
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