AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 10 novembre 2000, n° 98/00877) que la société Sanco (l'importateur) a importé dans un département d'outre-mer diverses marchandises en provenance de la France métropolitaine et d'autres pays de la Communauté et a acquitté à ce titre l'octroi de mer et la taxe additionnelle ; que la perception de ces droits a été déclarée incompatible avec les dispositions communautaires par la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt Lancry) ; que l'importateur a alors assigné le directeur général des douanes et des droits indirects afin d'obtenir le remboursement des sommes payées au titre de ces droits entre le 17 juillet 1992 et le 31 décembre 1992 ; que, pour s'opposer à cette demande, l'administration des Douanes a soutenu rapporter la preuve que la totalité de la charge des droit et taxe litigieux avait été supportée par une autre personne, par des procès-verbaux dressés en application de l'article 65 du Code des douanes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'administration des Douanes fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer les sommes versées au titre du droit d'octroi de mer et de la taxe additionnelle correspondante, alors, selon le moyen que, selon l'article 65 du Code des douanes, les agents des douanes peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service chez toutes les personnes physiques ou morales directement ou indirectement intéressées à des opérations régulières ou irrégulières relevant de la compétence du service des douanes ; que ce texte n'est pas limité à la recherche d'infraction douanière et confère un droit de communication au "receveur" ; que le procès-verbaux ne relevaient pas de la section IV du chapitre IV "pouvoirs des agents des douanes" relative aux "contrôles de certaines opérations effectuées dans le cadre de la CEE" ; que le remboursement d'une taxe perçue par le service des douanes est une opération régulière relevant de ce service ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 65 du Code des douanes ;
Mais attendu que si les agents des douanes tiennent de l'article 65 du Code des douanes le pouvoir d'accès auprès des opérateurs économiques aux documents relatifs aux opérations dont ils ont le contrôle, ce droit de communication est limité à ce qui est strictement nécessaire pour assurer le respect de l'ordre public économique et la prévention des infractions et ne saurait être étendu à des opérations n'entrant pas dans le champ de la compétence de l'administration des Douanes ; qu'en outre ce texte ne confère pas aux agents des douanes un pouvoir général d'audition ; qu'ayant relevé que l'administration des Douanes avait procédé, en 1995, à un interrogatoire des représentants de l'importateur aux seules fins de savoir si les taxes illicites perçues par elle en 1992 avait été répercutées sur des tiers, ce dont il résultait qu'elle n'agissait pas dans le cadre d'une opération relevant de son contrôle ou de sa compétence, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'administration des Douanes avait procédé par un détournement de pouvoir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que l'administration des Douanes fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen que le juge peut ordonner une mesure d'instruction si la partie ne dispose pas d'éléments suffisants pour prouver le fait allégué ; que la cour d'appel ayant écarté les procès-verbaux de douanes ne pouvait refuser d'ordonner une expertise pour établir la répercussion ou non de la taxe sur des tiers, sauf à la priver de son droit d'établir la répercussion ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 146, alinéa 1 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain que les juges du fond ont, par une décision motivée, et sans priver l'administration de son droit d'établir la répercussion de la taxe sur des tiers, estimé n'y avoir lieu d'ordonner une expertise "pour un résultat aléatoire et nullement déterminant" ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'administration des Douanes et droits indirects aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'administration des Douanes et droits indirects à verser à la société Sanco la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille deux.