AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, Me BLANC, de Me ODENT, de la société civile professionnelle BOULLEZ et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christiane, épouse Y..., civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre spéciale des mineurs, en date du 20 février 2001, qui, dans la procédure suivie notamment contre Sébastien Z... des chefs de violences aggravées, vols en réunion et tentative de vols, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Christiane X... a inscrit son fils, Sébastien Z..., pour un séjour de trois semaines organisé en Corse au mois d'août 1997 par le comité d'établissement du Crédit foncier de France, dans un centre de vacances géré par l'association Club jeunesse 2000 ; que, dans la nuit du 18 août 1997, Sébastien Z... et un autre mineur, tous deux âgés de 16 ans, ont commis des vols et des violences dans un camping proche du centre ;
qu'ils ont été condamnés pour ces faits par le tribunal pour enfants, qui a reçu la constitution de partie civile de Christian Bocedi, victime des violences ;
Que, statuant sur les intérêts civils, les juges ont notamment déclaré Christiane X... civilement responsable des agissements de son fils, l'ont condamnée à rembourser le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et ont rejeté toutes les demandes présentées contre le comité d'établissement du Crédit foncier de France et l'association Club jeunesse 2000 ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384, alinéa 4, du Code civil, 1384, alinéa 7, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christiane X... civilement responsable des conséquences dommageables des faits commis par son fils Sébastien Z... ;
"aux motifs que l'article 1384, alinéa 4, dispose que "le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux" ; que les arguments soulevés par les parents des mineurs pour contester leur responsabilité sont de deux ordres ; que, d'une part, le fait que les mineurs aient été confiés pour la période du 3 au 24 août 1997 à un centre de loisir situé à 1 000 km du domicile familial et ce moyennant le paiement d'une somme importante, a réalisé un "transfert" de la garde des mineurs et donc de la responsabilité civile ; que, d'autre part, si leur responsabilité était recherchée sur l'article 1384, alinéa 4, la distance entre le déroulement du camp et le domicile familial est constitutif d'une force majeure exonératoire de responsabilité ; que M. et Mme A... ajoutent que les faits délictueux n'ont pu intervenir que suite au défaut de surveillance du centre de loisirs qui a permis aux adolescents de sortir du camp et d'acheter une arme ; que l'article 1384, alinéa 4, met à la charge des parents la responsabilité civile des actes commis par leurs enfants ; que cette responsabilité est une responsabilité spéciale qui doit être envisagée avant celle de la responsabilité plus générale du fait d'autrui instituée par l'alinéa 1er du même article ; que le fait que les enfants soient ponctuellement pris en charge par un centre de loisir ne fait pas cesser la cohabitation et ne prive pas les parents de leur autorité parentale, en l'absence d'une décision judiciaire en ce sens ; que le pouvoir théorique d'organiser et de contrôler le mode de vie des enfants au moment des faits restait dès lors dévolu aux parents ; que pour s'exonérer de leur responsabilité, les parents ne peuvent invoquer que la force majeure ou la faute de la victime ; qu'en l'espèce, les caractères d'imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité de la force majeure ne sont pas réunis lesdits parents ayant choisi de confier leurs enfants au Club jeunesse 2000 pour un séjour de vacances organisé par le comité d'établissement du Crédit foncier de France ;
que dès lors, il y a lieu de déclarer Christiane X..., veuve Z..., civilement responsable de son fils Sébastien Z... ;
qu'il convient, dès lors, de rejeter toute demande visant à rendre le comité d'établissement du Crédit foncier de France ou le Club jeunesse 2000 civilement responsable des mineurs A... et Sébastien Z... ;
"1 ) alors que la responsabilité des parents du fait de leur enfant cesse d'être encourue lorsque la cohabitation entre eux a cessé pour une cause légitime ; qu'en estimant, en l'espèce, que la mère du jeune Sébastien Z... était civilement responsable des faits commis par son fils sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si le fait d'avoir contractuelletnent confié, pour trois semaines, le mineur au comité d'établissement du Crédit foncier de France et à l'association Club jeunesse 2000 ne constituait pas une cause légitime de cessation de Ia cohabitation entre la mère et l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil ;
"2 ) alors que la responsabilité des parents a lieu, à moins que les père et mère ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à la responsabilité ; que la demanderesse faisait valoir que les graves manquements à la surveillance des adolescents commis par le comité d'établissement et l'association Club jeunesse 2000 dans un camp de vacances situé en Corse, à plus de 1 000 km du domicile parental étaient seuls à l'origine du dommage causé par son fils, qu'elle n'avait pas les moyens d'empêcher ; qu'en répondant à ce moyen aux seuls motifs que "les caractères d'imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité de la force majeure ne sont pas réunis lesdits parents ayant choisi de confier leurs enfants au Club jeunesse 2000 pour un séjour de vacances organisé par le comité d'établissement du Crédit foncier de France", la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour déclarer Christiane X... civilement responsable des agissements de son fils mineur, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil ;
Qu'en effet, la cohabitation de l'enfant avec ses parents, résultant de sa résidence habituelle à leur domicile ou au domicile de l'un d'eux, ne cesse pas lorsque le mineur est confié par contrat à un organisme de vacances, qui n'est pas chargé d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de l'enfant ;
Que seule la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer les parents de la responsabilité qu'ils encourent de plein droit du fait des dommages causés par leur enfant mineur ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation du principe specialia generalibus derogant, des articles 1384, alinéa 1er, et 1384, alinéa 4, du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties de toutes leurs demandes et conclusions présentées contre le comité d'établissement du Crédit foncier de France ou du Club jeunesse 2000 ;
"aux motifs que l'article 1384, alinéa 4, dispose que "le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux" ; que les arguments soulevés par les parents des mineurs pour contester leur responsabilité sont de deux ordres ; que, d'une part, le fait que les mineurs aient été confiés pour la période du 3 au 24 août 1997 à un centre de loisir situé à 1 000 km du domicile familial et ce moyennant le paiement d'une somme importante, a réalisé un "transfert" de la garde des mineurs et donc de la responsabilité civile ; que, d'autre part, si leur responsabilité était recherchée sur l'article 1384, alinéa 4, la distance entre le déroulement du camp et le domicile familial est constitutif d'une force majeure exonératoire de responsabilité ; que M. et Mme A... ajoutent que les faits délictueux n'ont pu intervenir que suite au défaut de surveillance du centre de loisirs qui a permis aux adolescents de sortir du camp et d'acheter une arme ; que l'article 1384, alinéa 4, met à la charge des parents la responsabilité civile des actes commis par leurs enfants ; que cette responsabilité est une responsabilité spéciale qui doit être envisagée avant celle de la responsabilité plus générale du fait d'autrui instituée par l'alinéa 1er du même article ; que le fait que les enfants soient ponctuellement pris en charge par un centre de loisir ne fait pas cesser la cohabitation et ne prive pas les parents de leur autorité parentale, en l'absence d'une décision judiciaire en ce sens ; que le pouvoir théorique d'organiser et de contrôler le mode de vie des enfants au moment des faits restait dès lors dévolu aux parents ; que pour s'exonérer de leur responsabilité, les parents ne peuvent invoquer que la force majeure ou la faute de la victime ; qu'en l'espèce, les caractères d'imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité de la force majeure ne sont pas réunis lesdits parents ayant choisi de confier leurs enfants au Club jeunesse 2000 pour un séjour de vacances organisé par le comité d'établissement du Crédit foncier de France ;
que dès lors, il y a lieu de déclarer Christiane X..., veuve Z..., civilement responsable de son fils Sébastien Z... ;
qu'il convient, dès lors, de rejeter toute demande visant à rendre le comité d'établissement du Crédit foncier de France ou le Club jeunesse 2000 civilement responsable des mineurs A... et Sébastien Z... ;
"1 ) alors que les responsabilités du fait d'autrui édictées par les articles 1384, alinéa 1er, et 1384, alinéa 4, du Code civil ont des champs d'application distincts ; qu'en écartant la responsabilité du comité d'établissement et du Club jeunesse 2000 aux motifs inopérants et erronés que la responsabilité des parents de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil "est une responsabilité spéciale qui doit être envisagée avant celle de la responsabilité plus générale du fait d'autrui instituée par l'alinéa 1er du même article", la cour d'appel a violé le principe specialia generalibus derogant, ensemble les articles 1384, alinéa 4, et 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
"2 ) alors que l'engagement de la responsabilité des parents ne fait pas, en soi, obstacle à l'engagement de la responsabilité d'un tiers au titre de la responsabilité du fait d'autrui fondée sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; qu'en s'abstenant de rechercher si la responsabilité du comité d'établissement et du Club jeunesse 2000 n'était pas engagée au seul motif que les parents ne pouvaient se dégager de leur propre responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1147 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties de toutes leurs demandes et conclusions présentées contre le comité d'établissement du Crédit foncier de France ou du Club jeunesse 2000 ;
"aux motifs que l'article 1384, alinéa 4, dispose que "le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leur enfant mineur habitant avec eux" ; que les arguments soulevés par les parents des mineurs pour contester leur responsabilité sont de deux ordres ; que, d'une part, le fait que les mineurs aient été confiés pour la période du 3 au 24 août 1997 à un centre de loisir situé à 1 000 km du domicile familial et ce moyennant le paiement d'une somme importante, a réalisé un "transfert" de la garde des mineurs et donc de la responsabilité civile ; que, d'autre part, si leur responsabilité était recherchée sur l'article 1384, alinéa 4, la distance entre le déroulement du camp et le domicile familial est constitutif d'une force majeure exonératoire de responsabilité ; que M. et Mme A... ajoutent que les faits délictueux n'ont pu intervenir que suite au défaut de surveillance du centre de loisirs qui a permis aux adolescents de sortir du camp et d'acheter une arme ; que l'article 1384, alinéa 4, met à la charge des parents la responsabilité civile des actes commis par leurs enfants ; que cette responsabilité est une responsabilité spéciale qui doit être envisagée avant celle de la responsabilité plus générale du fait
d'autrui instituée par l'alinéa 1er du même article ; que le fait que les enfants soient ponctuellement pris en charge par un centre de loisir ne fait pas cesser la cohabitation et ne prive pas les parents de leur autorité parentale, en l'absence d'une décision judiciaire en ce sens ; que le pouvoir théorique d'organiser et de contrôler le mode de vie des enfants au moment des faits restait dès lors dévolu aux parents ; que pour s'exonérer de leur responsabilité, les parents ne peuvent invoquer que la force majeure ou la faute de la victime ; qu'en l'espèce, les caractères d'imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité de la force majeure ne sont pas réunis lesdits parents ayant choisi de confier leurs enfants au Club jeunesse 2000 pour un séjour de vacances organisé par le comité d'établissement du Crédit foncier de France ;
que dès lors, il y a lieu de déclarer Christiane X..., veuve Z..., civilement responsable de son fils Sébastien Z... ;
qu'il convient, dès lors, de rejeter toute demande visant à rendre le comité d'établissement du Crédit foncier de France ou le Club jeunesse 2000 civilement responsable des mineurs A... et Sébastien Z... ;
"alors que la surveillance des mineurs avait été confiée contractuellement au comité d'établissement du CFF et de l'association Club jeunesse 2000 ; qu'elle établissait que l'insuffisance de surveillance des mineurs était à l'origine des dommages causés par les enfants ; qu'en refusant de faire droit à l'action en garantie formée par la demanderesse à l'encontre du comité d'établissement du CFF et de l'association Club jeunesse 2000, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la demanderesse est irrecevable à reprocher à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes dirigées contre le comité d'établissement du Crédit foncier de France et l'association Club jeunesse 2000 ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 509, 515 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a réformé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du Fonds de garantie et statuant à nouveau, a condamné solidairement Charles A..., Annick B..., épouse A... et Christiane X... à payer au Fonds de garantie des victimes d'infractions, la somme de 120 000 francs ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne la demande du Fonds de garantie, en effet, aux termes de l'article 420-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000, la constitution de partie civile par lettre n'est plus limitée dans son quantum ; qu'en conséquence, il convient de faire droit à la demande du Fonds ; qu'il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du Fonds de garantie et, statuant à nouveau, a condamné solidairement Charles A..., Annick B..., épouse A... et Christiane X... à payer au Fonds de garantie des victimes d'infraction la somme de 120 000 francs ;
"alors que le Fonds de garantie des victimes d'infractions, qui avait été débouté de sa demande en première instance, n'avait pas interjeté appel de la décision ; qu'en réformant le jugement entrepris sur ce point, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu que, l'article 706-11 du Code de procédure pénale, autorisant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à se constituer partie civile devant la juridiction répressive, et ce, même pour la première fois, en cause d'appel, la demanderesse n'est pas fondée à se faire un grief du fait que la constitution dudit fonds ait été admise en cause d'appel ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, MM. Roman, Blondet, Palisse, Le Corroller, Béraudo conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Gailly, MM. Valat, Lemoine, Mmes Menotti, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;